Hommage à Maggie Smith, figure tutélaire de Downton Abbey, mais pas seulement
Laissez-là mijoter deux ou trois ans, avant de vous la servir une seconde fois.
Vous oublierez l’essentiel et découvrirez l’accessoire avec une joie renouvelée, communicative et familiale.
Les dialogues piquants et le jeu très théâtralisé des acteurs ont emporté la mise sur l’histoire, ses rebondissements et les intrigues classiques du mélo haut de gamme et bien foutu.
Moins dans la lutte de classe, plus dans la grande Classe
Mais attention, on est pas chez Ken Loach ! La vieille Angleterre n’est pas l’Angleterre vieille et malade, pauvre et solidaire du pertinent cinéaste de la thatchérienne dépression économique et sociale. À Downton, on n’est pas dans la lutte des classes (façon La Règle du Jeu, de Jean Renoir, ni Gosford Park, de Robert Altman) , on ferait plutôt dans la lutte de la Classe…la grande Classe !
Car le changement de tenues de soirée occupe la moitié des préoccupations quotidiennes de cette aristocratie bien élevée, égarée dans des intrigues amoureuses, éprouvée par ses drames familiaux, dont la série annonce le déclin historique dès la fin de la Première Guerre mondiale.
Un monde épuisée qui s’achève
La bourgeoisie conquérante, commerçante et industrielle arrachera sans pitié le pouvoir à l’aristocratie rentière et, faut-il le préciser, à ma grande perplexité….terriblement flemmarde ! Un gros poil dépassait du gant de soie. La noblesse aimait trainasser au pieu jusqu’à pas d’heure…
(Les sept saisons) de Downton Abbey, c’est l’histoire, sur presque trente ans au début du XXe siècle, dans le Yorkshire, d’une famille d’aristocrates et de sa nombreuse domesticité. Les seconds travaillent au sous-sol, dorment aux greniers et servent aux étages les premiers, avec un dévouement sincère et un professionnalisme exemplaire qui n’excluent en rien pour certains la conscience aigüe et douloureuse d’une vie qui leur échappe en grande partie.
Mais l’acceptation de leur condition, l’immense difficulté à y échapper, et aussi le paternalisme bon enfant et protecteur du patriarche, le comte de Grantham, désamorcent les conflits inévitables entre classes sociales aux extrêmes l’une de l’autre.
L’aristocratie obéit à des règles, la domesticité obéit à ses maîtres…L’une est dans l’histoire, l’autre en cuisine !
Tandis que dans les salons, ducs, comtesses et autres passent leurs journées à regretter le passé, s’inquiéter de l’avenir, s’angoisser de ses toilettes de bal, boire du thé, siffler du whisky et persiffler les uns sur les autres, en cuisine comme en écho, en tenues, majordomes et valets de pieds dans l’impeccable langue de Shakespeare se balancent des saloperies à la gueule, entre deux irréprochables services. Et c’est la confrontation entre ces deux mondes, qui mêlent, parfois sans pudeur, leur intimité en maintenant une distance raisonnable, se croissent dans les couloirs et les escaliers de l’immense château et que tout, absolument tout, oppose…qui fait la singulière saveur de cette série british, so british, multi récompensée… où Maggie Smith règne en maitresse absolue des horloges et donne le ton !
Maggie Smith : une filmographie exemplaire
So British, Dame Maggie Smith (1934-2024) incarne la quintessence de l’actrice britannique. Hilarante et tragique. Élégante et distante. Envoûtante et terriblement sérieuse. Il ne faut pas limiter l’appréciation de sa carrière sur plusieurs décennies à ses rôles dans les franchises Downton Abbey, Harry Potter, ou Sister Act qui ont élevé sa renommée à un niveau dont l’actrice de théâtre balayait avec dédain. Et pour cause, elle en avait vue d’autres !
Sa carrière, débutée au début des années 1950, au théâtre shakespearien, puis sur le grand écran dans les années 1960 l’autorise à un certain recul ; avec des films comme « The VIPs » avec Elizabeth Taylor et Richard Burton, « The Pumpkin Eaters » avec Anne Bancroft et Peter Finch, sans oublier « The Prime of Miss Jean Brodie » de Ronald Neame lui vaut un Oscar de la meilleure actrice tout en se forgeant une solide réputation.
Maggie Smith s’impose dans le film de meurtres avec complication
Paradoxalement, sa présence aux côtés de Peter Falk, David Niven et même Truman Capot dans une hilarante parodie des « enquêtes à complication » , Un cadavre au dessert (Murder by Death) lui ouvre les adaptations d’Agatha Christie à casting international : elle a fait le voyage avec Peter Ustinov sur le plus long fleuve d’Afrique dans l’adaptation de John Guillermin de « Mort sur le Nil » (1978), puis sur une île au large des côtes albanaises pour Meurtre au soleil, de Guy Hamilton (1982).
Savoir rire d’elle même
Dans les années 90, elle a joué dans des films plus comiques et destinés aux enfants comme « Hook » de Steven Spielberg, « The Secret Garden » et « The First Wives Club ». Si sa présence dans les franchises « Harry Potter » et « Downton Abbey » l’ont rendue inoubliable, la carrière de Maggie Smith a été éclectique et savoureuse, toujours piquante.
En 12 films
(1969) The Prime of Miss Jean Brodie, de Ronald Neame
1972 : Voyages avec ma tante (Travels with My Aunt), de George Cukor
1985 : Chambre avec vue (A Room With a View), de James Ivory
1987 : The Lonely Passion of Judith Hearne, de Jack Clayton
1992 : Sister Act, d’Emile Ardolino
1999 : The Last September, de Deborah Warner
1999 : Un thé avec Mussolini (Tea with Mussolini), de Franco Zeffirelli
2001 : Gosford Park, de Robert Altman
2001 : Harry Potter à l’école des sorciers, Minerva McGonagall et dans les 8 chapitres suivant (2011)
2011 : Indian Palace (The Best Exotic Marigold Hotel), de John Madden
2012 : Quartet, de Dustin Hoffman
2014 : My Old Lady, de Israel Horovitz
2015 : The Lady in the van, de Nicolas Hytner
https://youtu.be/OA8tMziteZM
Musique : Clément DUCOL et Camille
Chorégraphie : Domnique Jalet