(Hommage) Lou Reed, American Poet, Live du 25.12.1972 (Easy Action Records)

Un live de contrebande. 11 titres + une interview 61 : 20 (Easy Action Records, 2001)

[And so rock] Alors qu’en 2022, Transformer, l’album phare de Lou Reed ( 1942 – 2013) fête ses 50 ans, braquons un projecteur sur le concert que le fondateur du Velvet Underground donna le jour du Boxing Day, le 26 décembre 1972 au Calderon Concert Hall, Hempsead, New-York lors de sa tournée pour la promotion de l’album. Malgré la prise de son directe, le détachement du chanteur, à la voix stone, un son ne parfois un peu faux, voir déglingué rythmiquement,  ce live reste formidablement emballant, dégageant une insubmersible magie.

Une fragilité poétique et détachée

Enregistré sous le manteau le 26 décembre 1972, disons le tout net American Poet n’est pas un grand album live. Il n’a rien de la pyrotechnie d’un Rock’n’Roll Animal (capté pratiquement un an plus tard jour pour jour), ni de l’attrait de nombreux autres enregistrements publics de Lou Reed.

C’est précisément ce côté un peu bancal et légèrement brinquebalant qui, étonnamment, en fait tout l’intérêt. En bon bootleg qui se respecte le son parfaitement élémentaire balancé par une bande de parfaits inconnus lorgne vers le rock garage sans en faire une note d’intention. Accompagné d’une matière solide et sans esbroufe, le guitariste se la joue en toute décontraction. Lou Reed apparaît ici humble et presque pubère.

Assez disert, modestement il annonce entre chaque morceau les titres d’une voix légèrement stoned reconnaissable entre toutes. À ce sujet il ne faut pas rater les cinq minutes d’interview intercalé en bonus au beau milieu de l’album.

Son chant incarne ici une espèce de « je m’en foutisme », façon de célébrer toute une attitude détachée de toute personnalisation du concert, décalage qui en dit long sur la starification exacerbée (et rentable) du rock and roll des temps modernes.

Le tout sonne parfois un peu faux, voir déglingué rythmiquement mais tout en restant formidablement emballant. La qualité des morceaux, désormais mythiques, y est sûrement pour quelque chose. Mais pas que, il se dégage de ce live où le groupe semble jouer dans un bar devant un public bourré d’amis proches (aussi sans doute dû au fait qu’il s’agit d’un radio show), une certaine magie. La prise de son directe respecte scrupuleusement l’esprit frondeur d’une interprétation qui mâche son chewing-gum tout en maîtrisant les fondamentaux.

Du pirate à la sortie de 2001

Longtemps disponibles uniquement en import ces titres en public ont finalement, il y a pas mal d’années maintenant, été édités par un de ces labels à l’affût de la moindre miette. J’ai nommé Easy Action Records. Un des premiers labels, si je ne me trompe pas, à parier sur une réhabilitation du vinyle. Non pas par appât du gain mais bien motivé par une véritable passion pour les scories du rock. Celles-ci en racontant parfois bien plus que les albums officiellement reconnus comme indispensables sur l’essence même de cette musique dont l’esprit de saccage fait partie de l’ADN.
Raw Power en quelque sorte…

Quoi qu’il en soit, American Poet est un témoignage qui nous emmène au pays de ceux qui croient non pas au succès et à la starisation mais plutôt à la vérité nue. Celle qui montre tout sans rien cacher. Qu’elle qu’en soit le prix à payer.

#Calisto Dobson