Iconic Avedon - A Centennial Celebration (Gagosian Paris)

 « Un portrait n’est pas une amabilité mais une opinion » déclarait Richard Avedon (2004) qui se définissait comme un « photographe portaitriste » A l’occasion du centenaire de sa naissance la Galerie Gagosian, rue de Ponthieu, Paris expose jusqu’au 2 mars, 150 de ses clichés les plus iconiques de personnalités – de Marilyn à Bacon – et de l’Amérique profonde. Son style expressif, immédiatement reconnaissable offre une radiographie intime de ses modèles, pour Olivier Olgan qui les rend à jamais présent et magnétique.

Dovima with Elephants, Cirque d’Hiver, Paris août 1955, Iconic Avedon (Gagosian Paris) Photo OOlgan

Un œil unique et tranchant

150 photographies pour résumer plus de soixante ans de carrière d’un des plus grands portraitistes du XXe siècle, c’est évidemment trop peu. Mais la sélection effectuée par Gagosian Paris dans ses impeccables « cubes blancs » constitue une admirable écrin ‘muséal’ pour celui qui savait capter l’âme de ses modèles « dans les yeux » avant de déclencher.
Qu’elles soient célèbres ou emblématiques de cette Amérique dont il n’a cessé de révéler au sens propre l’ambivalence.

Entrez dans le travail de Richard Avedon, c’est plonger dans une fascinante galerie de portraits de personnalités captées de façon directe, consciente de l’exigence du photographe, cherchant à approcher et respecter leur complexité la plus intime.
Déjà le photographe de mode de Harper’s Bazaar  à Vogue – a bouleversé les codes avec des mises en scène les plus extravagantes – loin des streets photographs comme Frank Horvat ou Saul Leiter – multipliant les prouesses techniques et visuelles en studio comme Dovima With Elephants, evening dress by Dior (Paris, 1955)

Marilyn Monroe, New York, 6 mai 1957, Iconic Avedon A Centennial celebration (Gagosian Paris) Photo OOlgan

 

Alberto Giacommeti, Paris, 6 mars 1958, Iconic Avedon A Centennial celebration (Gagosian Paris) Photo OOlgan

Un dispositif photographique comme performance

Son style minimaliste s’impose progressivement. Il enlève tout, pour rester en face de la personne photographiée. C’est la quintessence du portrait, sans aucun effet. Et dans ce rapport de force, il gagne à chaque fois pour arriver à ce qu’il veut. Avec une cohérence très forte et l’absence totale de complaisance.

L’effet est exacerbé en adoptant le photomat; en utilisant exactement la même approche d’éclairage et de composition, il favorise la rencontre intime, ultime pour cerner son modèle. Tout en balayant les conventions entre modèle et photographe.
Le déclenchement de l’obturateur à intervalle de temps régulier entretient l’absence d’intersubjectivité, d’éthique ou d’esthétique. Il oblige à repenser le portrait comme une performance devant l’objectif. Le dispositif a pour effet de subvertir ou déconstruire la relation entre le photographe et le photographié, à briser le dualisme sujet-objet et à appeler remettre en question la difficile distinction entre soi et les autres.

Série In the American WestIconic Avedon, A Centennial celebration (Gagosian Paris) Photo OOlgan (24)

Démocratique, que vous soyez puissant misérable

Son traitement photographique met tout le monde à égalité, Ronald Reagan, Les Beatles ou l’ancien esclave, les individus en marge ou des citoyens ordinaires tels que des fermiers, des mineurs et autres représentants de la classe ouvrière américaine (dans son receui phare, In the American West).

Le fait est que vous ne pouvez pas accéder à la chose elle-même, au véritable nature du modèle, en enlevant la surface. La surface c’est tout ce que tu as. Vous ne pouvez dépasser la surface qu’en travailler avec la surface. Tout ce que tu peux faire c’est manipuler cette surface — geste, costume, expression — radicalement et correctement.
Richard Avedon (2002)

Françis Bacon, artist, Paris, 11 avril 1979, Iconic Avedon, A Centennial (Gagosian Paris) Photo OOlgan

La technique de l’œil dans l’oeil est assumée avec une agressivité unique; elle capte l’énergie des gens par la qualité de son noir et blanc et de sa lumière.

Pour Avedon, la photographie était une page blanche, sur laquelle il a raconté toute l’Amérique. Et il arrivait à mettre dans ses portraits une vraie profondeur, en révélant en une seule prise une vie entière ou un pays unique. Avedon, c’est la sublimation du sujet. C’est aussi lui qui a inventé le grand format dans ses expositions et qui a imaginé des livres dont la mise en page est d’une force inouïe.
Paolo Roversi, photographe né en 1947 dont une exposition commence à Musée Galliera en mars.

Avedon, extrême dépouillement

Les clichés donnent parfois l’impression qu’il vide la personne de sa substance pour l’investir de son regard et le projeter une de vastes formats dépouillés, seule le cadre de la pellicule subsiste. Ce qui impressionne au final, c’est cette mise à nu.
Si Cartier-Bresson était le photographe de l’instant décisif, Avedon, celui de la décision du photographe.

The Beatles portfolio, London, 11 août 1967, Iconic Avedon A Centennial celebration (Gagosian Paris) Photo OOlgan

Olivier Olgan