Voyages

Ile de Madère, Océan Atlantique, n’est pas insulaire qui le désire

Auteur : Jean de Faultrier
Article publié le 28 novembre 2022

Carnet d’horizons « Si toutes les îles sont belles, même les plus dépouillées, leur existence à la surface des eaux -on l’oublie facilement- tient du sortilège. N’est pas insulaire qui le désire. » Dans la vie de Michel Déon, il n’y a pas eu que l’Irlande, d’autres îles, et Madère en particulier, lui inspirèrent des mots au lyrisme rugueux et hautement évocateur. Suivons de nos pas continentaux les traces qu’il nous a montrées du bout de ses pages.

Michel Déon applique le précepte de Montaigne selon lequel
il faut « voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d’autrui ».

Une île comme un astre de pierre dressé au-dessus de l’océan.

On atterri à Madère comme un oiseau se pose sur de fragiles pilotis après avoir frôlé de l’aile un escarpement rugueux gorgé de végétation tant, soutenue par d’impressionnantes piles de béton, la piste de l’aéroport montre qu’ici il faut savoir composer avec un relief sourcilleux.

Le regard se porte instinctivement vers l’extrémité de cette piste, là où commence un vide qu’habitent dans de furieuses rumeurs océaniques les presqu-îles de Sao Lourenço et leurs passerelles étroites entre deux abimes secoués de ressacs. Il faudra dompter le vertige de ces passages délimités par un simple fil de fer tendu entre de petits piquets de bois.

Sao Lourenço, Madère Photo Jean de Faultrier

Sao Lourenço, l’extrémité extrême de Madère.

Inutile de vouloir s’habituer : l’insularité est un butin de chaque instant, un acquêt composite conjuguant parfums et couleurs, éblouissements et saveurs. Au prix de pas ambitieux une corniche émerge des nuées comme une fissure entre ciel et océan où se rejoignent en un accouplement tellurique l’eau et la roche.

Cabo Girao, Madère Photo Jean de Faultrier

Un vertige haut de 600 mètres.

Un éther céruléen mâtiné de reflets d’émeraude annonce un refuge douillet et fleuri, le vent reste présent, tout comme la pluie qui dévale ou suinte selon les heures, tout irrigue ici depuis l’air jusqu’à l’eau et transmet au gré cristallin d’un chant liquide une sensation d’intimité avec l’humus odorant.

Lorsqu’il est question de rentrer le soir venu, l’île propose un parcours asphalté, affranchi des reliefs, qui traverse la roche de part en part. Funchal se rejoint ainsi en quelques tuyaux aux tons d’anthracite et quelques viaducs présomptueux. Il est tout aussi possible de parcourir, sans compter alors ses demi-heures, d’âpres toboggans de bitume caillouteux et de négocier d’audacieux virages étriqués pour atteindre les uns après les autres des balcons insensés qui tutoient le vide et révèlent le mariage de l’humain avec sa terre nourricière.

Serra da Agua, Madère Photo Jean de Faultrier

Des terrasses agricoles au pied des routes escarpées.

Funchal n’est pas une ville, ce sont des escaliers aux marches de toitures, aux contremarches de lézardes, un labyrinthe de jardins de palmes, un foisonnement de strelitzias, des bouquets d’aloe ou de protéas, des cascades d’anthuriums et de vipérines. Lové dans des rues carrelées de cobalt intense, les restaurants nommeront au dernier moment le poisson du jour, espadon ou chicharro selon la pêche du jour, généreusement tapissé d’épices et de laurier.

Madère Photo Jean de Faultrier

La mer entre dans Funchal et ne s’arrête qu’au bord des assiettes.

Surgie autrefois de l’océan dans la fureur de volcans, l’île de Madère dresse vers les cieux changeants un fouillis de contreforts rocheux couverts de luxuriances végétales ou pierreuses. De fausses terrasses en surplombs dansant avec un je ne sais quoi de brumeux ou de nuageux offrent au regard des évasions que rien n’arrête et à l’imagination des envies pentues.

Il n’y a pas de place pour des exigences minimalistes, la verticalité l’emporte mais la récompense est à portée de pieds quand un ultime contournement permet aux limites de s’effacer dans un apparat wagnérien.

Arreiro, Madère Photo Jean de Faultrier

Une terre déchiquetée par des élans magmatiques.

Il reste à voir ce carrefour qui fait se rencontrer deux nulle-parts d’où partent des ailleurs insensés. Insensés au point même de proposer, là devant soi, à portée de vue, une route étroite et droite à la fois, un genre de route presque anachronique tant elle est incongrue dans un paysage ou règnent les effets de la découpe, du crénelage, du dentelé. Oui, une route toute droite, visible depuis la jonction de l’ER209 avec l’ER110 et qui s’élance bravement entre les touffes de myrtille, de fougère et de bruyère arborescente. Une anomalie à elle toute seule. On va rouler lentement, elle pourrait cacher un virage qui nous surprendrait…

Campo Grande, Madère Photo Jean de Faultrier

Une route droite à Madère ? une illusion d’optique.

Winston Churchill a peint le couchant au pied d’un à-pic madérien, il avait dit en d’autres circonstances « Quand on a un public, rien n’est trop audacieux ». L’audace de la nature est bien ce que l’île offre à son visiteur.

Ile de Madère, Océan Atlantique, début mars.
#Jean de Faultrier

Plus de feuillets du Carnet d’horizons

Le site officiel Visite Portugal – Madère

Au cœur de l’Atlantique, les îles de Madère et de Porto Santo sont un paradis naturel. Sur le bleu de la mer et le vert émeraude de la végétation ressort le ton exotique des fleurs, dans un archipel dont les deux tiers correspondent à une zone protégée et abritent la plus grande forêt laurifère du monde. (extrait)

Pour s’y rendre :

Autrefois, le bateau permettait d’aborder avec modestie cette véritable planète océanique ou météorite atlantique.
Aujourd’hui en moins de deux heures depuis Lisbonne, l’avion plonge le visiteur dans une débauche de sensations euphorisantes.
Les hôtels au cœur de l’île sont des écrins de resourcement dans le silence volatile des fleurs généreusement omniprésentes.

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