Culture

Jean-Baptiste Huynh. EDENS, Flower children (Hôtel de Guise – Paris Photo)

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 9 novembre 2020

En 2020, notre portrait de Jean Baptiste Huynh annonçait son départ en Afrique. Après une immersion de plus d’un an et demi, le photographe à l’écriture picturale épurée présente EDENS, images captées auprès des deux ethnies d’Éthiopie et du Kenya en symbiose avec la nature à l’Hôtel de Guise sur réservation jusqu’au 21 novembre  et à Paris Photo chez Lelong (>13 novembre). Les prémices de ce « projet global et vital » selon notre arpenteur lumineux relient les composantes de la beauté universelle et intemporelles aux pratiques ancestrales du berceau de l’humanité.

Quinze mois en Afrique à me consacrer avec minutie et passion à mon art, celui de la lumière et du regard,
à révéler et à photographier toutes formes de Beauté :humaine, animale, végétale, minérale,
avec le désir de reconstruire un univers où les règnes de la Nature sont réunis dans une harmonie rêvée.
Jean-Baptiste Huynh. EDENS

Le visiteur retrouver l’univers minéral de Jean-Baptiste Huynh sur les murs de l’Hôtel de Guise Photo OOlgan – Singulars

Un choc de civilisation

Les pièces de l’Hotel de Guise abandonnées à l’imaginaire de Jean-Baptiste Huynh Photo OOlgan – Singulars

Loin du brouhaha de Paris Photo où la Galerie Lelong présente son solo show, Jean-Baptiste Huynh a choisi d’investir l’ancien Hôtel dit « de Guise » , le temps d’un passage éphémère (21 novembre), pour présenter dans une mise en scène rigoureusement réfléchie, les premières images de son « expérience de voyage ». Son immersion aux multiples péripéties auprès des Turkana au Kenya et des Flower Children de la vallée de l’Omo d’Éthiopie trouve dans les pièces dépouillées de l’Hôtel de rue de l’Université un écrin fascinant, coupé du monde.

Vestige refuge intemporel, le choix de cet hôtel particulier du XVIIe, de près de trois étages constitue un préambule d’un « projet global et vital » pour Huynh, EDENS qui sera complété et présenté en 2023. Le charme de cet immeuble déserté depuis des décennies, aux pièces labyrinthiques et aux murs défraichis permet au photographe de créer une véritable expérience immersive et émotionnelle, en miroir de ses propres pérégrinations. Le hors d’âge décati de l’Hôtel répond les regards brillants d’ethnies hors du temps, afin de nous faire partager l’émotion du choc culturel et esthétique qu’il a vécu.

Aux images somptueuses, lovées dans tous les recoins de l’Hôtel, répondent de petits textes, égrenés comme un journal intime. Huynh y dévoile aussi la genèse de son processus créatif, de la conception des images aux étapes de leur réalisation, jusqu’en chambre noire où il réalise lui-même l’ensemble de ses tirages de collection

Lundi 16 mars 2020, Nairobi.
Arrivé à l’aéroport de Nairobi, la nouvelle tombe. Le monde entre en veille.
Le lien humain est rompu… mon Odyssée photographique commence.
Quinze mois de rencontres humaines exceptionnelles, quinze mois de création quotidienne, d’hommage à la Vie, à la Nature
et à la Beauté tant humaine que végétale, minérale et animale.
Jean-Baptiste Huynh. EDENS

Dès l’entrée dans le proche, le visiteur est saisi par cet horizon qui déjà perce les murs parisiens d’un ailleurs, pour un autre horizon. Et une invitation à oublier un présent trop replié sur lui-même.

Dés la porte cochère, Jean-Baptiste Huynh vous cueille pour d’autres horizons (Hôtel de Guise) Photo OOlgan – Singulars

La fascination monte d’un cran dans le vestibule et l’escalier, où vous observent de leur regard perçant et bienveillants les premières photos de ces « enfants fleurs ». Dans ce pays des premiers Hommes, dans la vallée de l’Omo, frontière végétale entre l’Ethiopie et le Kenya où fut découvert Lucy en 1974, « le « peuple fleur » vous regardent avec assurance, et même avec une certaine solennité, comme s’ils étaient pleinement conscients de leur statut privilégiés d’habitants d’un berceau de l’humanité. » écrivent dans le catalogue Lelong, Antonio et Hanna Damasio, commissaires du solo show de Paris Photo. Les hommes et les femmes de la vallée de l’Omo ont reconnu le maitre magicien et ont apporté leur fantaisie dans la clairière. »

Le regard des Flower Children vous ouvre un éden insoupçonnée Photo OOlgan – Singulars

Rencontre fulgurante, émouvante, inspirante, avec une civilisation ancestrale et raffinée : le temps n’existe pas, ni de cité ni d’église, les êtres sont les miroirs de la nature.
Devant mes yeux se déroulent chaque jour, chaque heure, de mystérieuses et fascinantes métamorphoses : les femmes s’habillent en fleurs, en oiseaux, les enfants se déguisent en astres, en constellations, les hommes se parent de nervures, de mains ou de zébrures.
Paradis originel où il n’y a ni miroir, ni image de soi, ni ego.
L’unique reflet est celui du regard de l’autre.
La beauté offerte dans sa pureté.
Jean-Baptiste Huynh. EDENS

Jean-Baptiste Huynh Flower children, 2022 (Hotel de Guise) Photo OOlgan – Singulars

Plus qu’un eden, mais des EDENS

Avec EDENS, Jean-Baptiste Huynh souhaite surtout faire partager ce qui est pour lui la quintessence de la beauté, celle-là même qui lui a été révélée lors de son exploration de ces mondes inconnus réfugiés dans le berceau de l’humanité, entre le Kenya et l’Éthiopie. De son immersion dans l’environnement des peuples de la Vallée inférieure de l’Omo, éclairant dans le même temps la création et ses mystères, il a rencontré plus qu’un eden, mais des EDENS, autant de visages et d’êtres, qu’il souhaite remercier ici pour leur accueil, leur confiance et pour ce qu’ils sont. Avec ce projet, Jean-Baptiste Huynh tient aussi à alerter sur la fragilité de leur existence face au monde moderne qui ne saurait encore les épargner.

Jean-Baptiste Huynh recrée une expérience immersive et émotionnelle, en miroir de ses propres pérégrinations Photo OOlgan – Singulars

La réalité existe en tant que telle mais ne révèle pas toutes ses facettes.
Éclairer de lumière ses zones d’ombres me permet alors de la percevoir de la découvrir mais surtout d’interpréter – le monde, l’infini l’origine le cosmos la nature et les êtres vivants.
Cette réalité, ou plutôt cette « vérité », je l’ai rencontrée lors de ma dernière expérience de voyage.
De celle-ci, qui a duré un an et demi, j’en suis revenu transformé, comme si « l’évidence » m’était pour la première fois apparue.

Les Flower children, ont convaincu Jean-Baptiste Huynh de lancer un projet vital EDENS Hotel de Guise) Photo OOlgan – Singulars

Auprès de peuples d’Éthiopie et du Kenya, j’ai trouvé ici réunies les composantes de la beauté universelle et intemporelle, dans ce qu’elle a de plus réel et immatériel.

Difficile de s’arracher de cette immersion, bulle de sensations et de sens ; avec ses images autant intemporelles qu’alertes pour sauver ces edens si fragiles, les derniers mots de Jean-Baptiste Hyunh vous accompagnent longtemps :

Mon fond noir est une métaphore matérialisée du cosmos, de même que ma chambre noire est le lieu de naissance de mes images.
De ces voyages en Afrique, parmi les êtres, les arbres, les mers, les flamants roses, les racines grises, les fleurs de paradis et les enfants fleurs, jusqu’à l’achèvement des images demeure le triptyque de ma propre construction du monde : le noir, la lumière et le regard.

Le regard est universellement personnel, chacun voit ce qu’il voit ; et non ce qu’il regarde

Jean-Baptiste Huynh a utilisé le moindre recoin de l’Hôtel de Guise pour nous transporter dans son imaginaire Photo OOlgan – Singulars

Merci Mr Huynh !

Jean-Baptiste Huynh s’est aussi mis en scène.. dans les combles de l’hôtel de Guise Photo OOlgan – Singulars

#Olivier Olgan

Pour suivre Jean-Baptiste Huynh 

Son site
Représenté par la Galerie Lelong en France

Jusqu’au 21 novembre, Hôtel de Guise, 72 rue de l’Université, 75007 – sur réservation uniquement edens@studio-infini.com – Tél.: +33 1 47 03 07 1
Jusqu’au 13 novembre, Paris Photo, Galerie Lelong, Grand Palais Ephémère

EDENS, un projet global et vital

Après R E M A N E N C E (Musée du Louvre, 2012) et I N F I N I S D’A S I E (Musée Guimet, 2018), EDENS, troisième volet de son travail consacré à la quête de la beauté, a pour vocation d’être un projet itinérant , à la croisée de l’art et de l’ethnographie en France et à l’international. Il sera accompagné d’un ouvrage et d’un film mettant en lumière la quête de beauté et le processus artistique de l’artiste. La scénographie sera adaptée à chaque institution d’accueil.

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