Culture

Le carnet de lecture d'Anne Blanchard, Festival d'opéra baroque et romantique de Beaune

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 8 juillet 2022

Ce vendredi 8 juillet 2022, le Festival d’opéra baroque & romantique de Beaune ouvre sa 40e édition avec King Arthur, de Purcell. Au programme 9 opéras et oratorios et 3 récitals sur quatre week-ends jusqu’au 31 juillet.  Depuis plus de 40 ans, Anne Blanchard sa directrice artistique a fait de ce rendez-vous lyrique, le creuset créatif d’une nouvelle façon d’interpréter et d’écouter la musique baroque et la rampe de lancement de plusieurs générations de jeunes musiciens, avide d’expériences lyriques.

Précurseur, mais aussi détecteur et prescripteur de talents

Anne Blanchard, directrice artistique du Festival d’opéra baroque & romantique de Beaune Photo DR

« Nous sommes des précurseurs » Difficile d’être plus humble que le duo Anne Blanchard directrice artistique et Kadder Assissi aux finances, après avoir animé plus de 40 ans anime l’unique rendez-vous lyrique baroque français, le Festival d’opéra baroque & romantique de Beaune. Sous leur impulsion, leur énergique passion pour l’excellence et leur fidélité aux chefs et aux chanteurs auxquels ils ont crus, leur rendez-vous estival reste un rouage essentiel de l’épanouissement de la musique baroque en général et lyrique en particulier. Avec à leur actif en autre plus de 30 opéras et oratorios haendéliens programmés depuis sa création qui en fait un Festival haendélien par excellence.
L’ identité, énoncée en éditorial de cette 40é saison condense parfaitement l’ inextinguible passion pour les interprètes et la volonté de poursuivre une dynamique créative unique : « Le festival, en pionnier, a accompagné et participé à l’évolution, voire à la “révolution baroque” sur instruments d’époque, dès sa création en 1983, en invitant à se produire à Beaune, la majorité des ensembles européens de talent, jouant sur instruments anciens, toutes générations confondues »

40 ans de bouillonnement musical

A leur actif , comme le dit joliment Anne Blanchard : un formidablement bouillonnement musical avec de tas de gens talentueux de l’anonymat, difficile de tous les citer » soit plus de quatre générations d’interprètes qui restent fidèles à Beaune : des chefs de la première heure, William Christie, à la génération qu’il a formé (Rousset, Minkowski, Niquet, …) puis la suivante (Alessandrini, Dantone, Florio, Spinozi, Alarcon (claveciniste de Garrido)) sans oublier de nouveaux chevaux légers (Pichon, Dantone, Spinozi, Rhorer, …), idem pour les chanteurs , de James Bowman à Andréas Scholl puis de Lawrence Zazzo à Paul-Antoine Benos-Djian, …
Cette qualité incontestée de repérage et de carte blanche fait de chaque édition, presque un nouveau départ pour des carrières qui croyaient le lyrique trop loin de leurs moyens. Chaque édition est aussi largement suivie par les programmateurs des salles de l’Europe entière qui n’hésite pas à prendre le relais comme Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles.
Rayonnement dont se réjouit Anne Blanchard même si elle regrette de ne pas disposer des mêmes moyens !

Une bienveillance pour révéler les musiciens

Mais comme dans toute définition clinique, il faut aussi percevoir entre les lignes l’extraordinaire persévérance malgré les obstacles financiers pour mener à bien chaque année une telle ambition  : on n’y retrouve ni l’ exigence artistiques et philologiques méticuleuses – voir intrusives au besoin-  pour réussir chacune des productions  (au point que souvent Anne Blanchard se contente pas des distributions proposées pour engager des propositions alternatives).
Elle ne dit pas le travail de repérage pas seulement à « passer à l’opéra » mais cette bienveillance qui les autorise à encourager un instrumentiste à créer son ensemble comme dernièrement Stéphane Fuget, claveciniste d’Hervé Niquet avec Les Eléments qui se voit confier à Beaune la trilogie de Monteverdi, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie l’année dernière désormais enregistré (Label Versailles), Orfeo cette année et et Le Couronnement de Poppée en 2023 !
L’histoire se répète puisqu’il y a 30 ans, Christophe Rousset s’était lancé avec Scipione dans un cycle Haendel, puis Lully. Jérémie Rhorer a la confiance pour un cycle Mozart, puis Rossinien.  » L’ouverture aux opéras romantiques est venue, rappelle Anne Blanchard, avec le désir des chefs d’explorer ce répertoire avec une interprétation sur instruments anciens. Nous les avons soutenus dans cette aventure. Avec cette année  deux opéras de Rossini à l’affiche, Il italiane à alger par Spinozi, Tancrède par Rhorer ».

Une prise de risque permanente

Depuis 40 ans, le duo ne cesse de prendre des risques, avec au moins un inédit par an, voir plusieurs, de multiplier les premières françaises voir mondiales. Il pourrait se reposer sur ces lauriers, et bien comme chaque année, il fait confiance aux propositions comme celle cette année de Christophe Rousset de monter Les Amazzoni Nell’Isole Fortunate, de Carlo Pallavicino (1630-1688). Inconnu, ce contemporain de Lully a accepté de répondre à une commande par Marco Contarini, procurateur des finances de la basilique de Saint Marc de Venise pour l’inauguration de son théâtre de 100 places dans sa villa Palladienne de la Brenta…

La difficulté de remplir la jauge pour cette première montre par contre, que le public a changé moins aventureux, moins audacieux qu’il y a trente ans pour l’aller que vers des valeurs sûres. Mais ce regret ne semble pas arrêter Anne et Kadder qui déjà se projettent dans les prochaines éditions, à la quête d’autres mécénats, d’autres pépites du répertoire mais surtout d’autres jeunes musiciens à révéler et faire rayonner.

En somme, poursuivre en dépit des mépris pour la musique de répertoire, des risques inhérents à la production d’opéra,  leur mission de service culturel et musique d’intérêt général  assumée depuis 40 ans.

Le carnet de lecture d’Anne Blanchard

Portait d’un homme heureux, André Le Nôtre, d’Erik Orsenna (Gallimard). Son récit du jardinier de Louis XIV est très bien écrit, très vivant ; ce bougre de Le Nôtre était devenu très proche de Louis XIV au point qu’il y avait que lui qui lui sautait au coup au détour d’une allée, avant d’aller travailler tous les deux sur un projet.

Manières de regarder les jardins de Versailles, de Louis XIV : Ce guide écrit par ce grand passionné de jardin qui avait de qui tenir puisqu’il descendait de grandes familles italiennes qui depuis la Renaissance et même avant confectionnaient des jardins de rêves en Toscane et ailleurs était destiné au Grand Dauphin, mais il permet toujours au visiteur actuel d’avoir le mode d’emploi pour visiter les Jardins du Château de Versailles.

Petit Louis dit XIV, l’enfance du roi Soleil, de Claude Duneton : ici nous sommes avant Louis XIV où le couple de ses parents stériles pendant près de 20 ans, est touché par la grâce avec une naissance tant attendue brossant la France de la première moitié du XVIIe siècle  !

Quelques musiques en correspondance avec la vie de Louis XIV :

Airs de cour, par Vincent Dumestre : des trois compositeurs qui dominèrent la production d’airs de cour sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIII : Pierre Guédron (1565-1620), Antoine Boesset (1587-1643) et Étienne Moulinié (1599-1676). Passionnée de ce genre musical emblématique de la France de la fi n de la Renaissance et du premier Grand Siècle, nous les avons beaucoup donnés à Beaune.

Lully, Divertissements, par Skip Sempé et la soprano Guillemette Laurens : Cet enregistrement reprend les musiques des fêtes à Versailles que le jeune Louis XIV a commandités à Lully en l’honneur de sa favorite de l’époque Louise de la Vallière.

 

L’ouie par Abraham Bosse Musée d’Orléans

Michel Lambert, Vos mépris chaque jour me cause mille alarmes, par Cyril Auvity :  un air de cour du beau-père (1610-1696) de Lully (qui composa en compagnie de Molière pour les fameuses fêtes des « Plaisirs de l’île enchantée  » de 1664  interprété par un grand habitué du festival depuis plus de 20 ans et présent cette année dans L’Orfeo dirigé par Stéphane Fuget dans le cycle des opéras de Monteverdi

L’ouie par Abraham Bosse : le célèbre graveur et peintre dans sa suite des «  cinq sens « du musée d’Orléans a illustré l’écoute par un petit concert qui cadrerait bien avec l’air de cour

Haendel, Giulio Cesare, par René Jacobs en 1991. Ce concert puis son enregistrement font parties des productions emblématiques et historiques du festival. Cette version fut la première à proposer une partition intégrale, soit plus de 4 heures de musique, inoubliables. Cette version du XXe siècle fait l’objet d’une nouvelle interprétation cette année par Ottavio Dantone.

Pour suivre la 40é édition du Festival de Beaune

Tout sur la 40é édition du Festival de Beaune : 9 opéras et oratorios en version de concert et 3 récitals

Week-end 1

  • Vendredi 8 juillet: Opéra King Arthur, de Purcell, Gabrieli Consort & Players, dir. : Paul McCreesh
  • Samedi 9 juillet: Opéra Les Amazzoni Nell’Isole Fortunate, de Pallavicino, Les Talens Lyriques, dir. : Christophe Rousset
  • Dimanche 10 juillet: Grands Airs d’opéras, récital de Lawrence Zazzo, Les Epopées, dir. : Stéphane Fuget

Week-end 2

  • Vendredi 15 juillet: Opéra Partenope, de Haendel, Les Arts Florissants dir. : William Christie  
  • Samedi 16 juillet: Opéra Tancredi, de Rossini, Le Cercle de l’Harmonie, dir. : Jérémie Rhorer
  • Dimanche 17 juillet: Semi-Opéra Il Combattimento di Tancredi, de Monteverdi Concerto Italiano, dir. : Rinaldo Alessandrini

Week-end 3

  • Vendredi 22 juillet: Opéra Orfeo, de Monteverdi, Les Epopées, dir. : Stephane Fuget
  • Samedi 23 juillet: Opéra L’Italiana in Algeri de Rossini, Chœur Namur & Ensemble Matheus, dir. : Jean-Christophe Spinosi
  • Dimanche 24 juillet: Récital de Paul-Antoine Benos-Djian, Les Epopées, dir. : Stéphane Fuget

Week-end 4

  • Vendredi 29 juillet: Opéra Giulio Cesare, de Haendel, Accademia Bizantina dir. : Ottavio Dantone
  • Samedi 30 juillet: Oratorio Solomon, de Haendel, Chœur Namur & Orchestre Millenium, dir. : Leonardo Garcia Alarcon
  • Dimanche 31 juillet: Récital Andreas Scholl et ses amis, Orchestre Accademia Bizantina, dir. : Ottavio Dantone

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