Le carnet de lecture de Catherine Soullard, romancière et critique de cinéma

« Je regarde, je lis, je vis comme la Anna Karina de Pierrot le fou, avec des sentiments » aime dire joliment Catherine Soullard, dont Anne-Sophie Barreau chroniquait récemment le dernier roman, Je ne serai pas toujours là. En témoigne un carnet de lecture dont les références abondantes apparaissent, toutes, hautement sentimentales, et se lisent en miroir d’une œuvre ample, exaltant les relations entre les êtres, une mère et sa fille dans Palmito d’Évian (Calmann-Lévy), une infirmière et un vieil homme dans Les asperges (Le passage), une bouchère et ses employés dans Bouchère (Calmann-Lévy), ou encore Johnny et Vienna du mythique Johnny Guitare de Nicholas Ray auquel l’auteure de Johnny (Éditions du Rocher) inspiré revient toujours.

Mes deux piliers depuis toujours sont Georges Bernanos et Jean Giono.

Suivent Charles Péguy, Anton Tchekhov, Marcel Arland, Georges Simenon, Philippe Roth.
Plus récemment Claudie Hunzinger, Hubert Mingarelli, Antoine Choplin.

Et des livres chéris

Les impardonnables, de Cristina Campo qui me suit partout, La vie ardente, de Pier-Antonio Quarantotti Gambini, Les Hauts de Hurlevent d’Emily Bronte, Middlemarch, de George Eliott, Les poésies verticales, de Roberto Juarroz, la littérature romande (Gustave Roud, Maurice Chappaz, Jacques Chessex, Ramuz), L’accusé, d’Emmanuel Robin, Le soleil des dortoirs et Impossible d’être abject, de Roger Rabiniaux,
Toute l’œuvre d’André Hyvernaud, d’André de Richaud dont La douleur, bien sûr. Paul Gadenne, en particulier
La plage de Scheveningen.

Et Virginia Woolf.
Et Jean Follain.
Et Thomas Bernhard.

Et ce livre déchirant La défaite, de Pierre Minet, parce que j’aime les confessions, les correspondances, les journaux, les écrits intimes.

J’aime ceux qui doutent, ceux qui perdent, les mélos comme ceux de Douglas Sirk, les films de Nicholas Ray et plus que tout Johnny Guitar et Les Indomptables.

Le rebelle de King Vidor. Un frisson dans la nuit, Million dollar baby, Sur la route de Madison de Clint Eastwood, et surtout Breezy.

Volver, Tout sur ma mère, Matador, Talons aiguilles, Attache-moi, Parle avec elle d’Almodovar.
L’aurore et City girl de Murnau.
Paris-Texas, Les ailes du désir, Perfect days de Wim Wenders.

Je regarde, je lis, je vis comme la Anna Karina de Pierrot le fou, avec des sentiments, « rien que des sentiments » pour reprendre le titre d’une série d’émissions produites  en 1995 pour France Culture.

Quand j’étais chanteur de Xavier Giannoli. Depardieu y est inoubliable comme il l’est dans Cyrano de Bergerac

Les dix films du décalogue de Kieslowski.

Rien que des sentiments, des émotions.

Roberto Rossellini, Ari Kaurismaki, John Cassavetes, Frederico Fellini, John Ford, Howard Hawks et Raoul Walsh.
Et Claude Chabrol, Jean Eustache, Alain Cavalier.

J’aime l’incandescence de Patrick Dewaere, Jean-Paul Belmondo (dans La sirène du Mississipi), Jean-Pierre Bacri (dans Le goût des autres), Anna Magnani (dans Rome ville ouverte et Bellissima), Monica Vitti (chez Antonioni), Giuletta Masina (dans La strada et Les nuits de Cabiria) et Gena Rowlands.
Comme le vent, la mer et les parfums d’autrefois, Chypre, Calèche, Shalimar, Jicky.

Le chant des partisans me fait pleurer.

L’exaltation m’est familière mais je veille et me surveille.

Quand j’entends percussions, tambours, tam-tam. La boxeuse amoureuse d’Arthur H, Dominique A, Gérard Manset, les Bee Gees, Leonard Cohen, Joan Baez (Carrickfergus, quelle merveille), Serge Reggiani, Charles Aznavour, Johnny Lee Hooker, Eric Clapton

Des voix me mettent en transe. Celle d’Edith Piaf  depuis toujours.

Et Bach, Bach, Bach

La musique baroque, en général.
Vivaldi, Monteverdi, Haendel, son
Théodora en particulier.

« On doit dire à moitié ce qu’on sent doublement » disait mon cher Roger Judrin 

Le même que j’ai omis de citer plus haut, qui écrivait « C’est la soif qui rend la source inépuisable » et « L’amour ne se contente pas de ce qui lui suffit », « J’aime assez la lumière pour en goûter l’ombre », « A la longue tous les nœuds sont coulants », « Je crois à un autre monde parce que ce monde-ci est incroyable »

Cultive l’emportement. Dans l’ardeur du combat, on ne sent pas qu’on meurt.
Roger Judrin

En peinture et sculpture, j’aime l’art brut. Les peintres de l’école de Paris.

Et Giacometti, Chagall, Rouault, Chaim Soutine, Ilya Répine, Gilbert Pastor, Natalia Goncharova, Sam Szafran, Vlamynck.
Et des toiles, souvent anonymes, que je déniche un peu partout dans les brocantes ou les marchés dans la rue.  

J’aime aussi beaucoup la photo, celle de Jean-Michel Fauquet (1950)

et de Mario Giacomelli (1925-2000), peintre, photographe et poète italien.

Le secret du bonheur est de se passer de soi.
Roger Judrin