Culture

Le carnet de lecture de Gabi Hartmann, autrice-compositrice, chanteuse et guitariste

Auteur : Simon Dubois
Article publié le 8 février 2023

Pour la sortie de son premier album (Sony music), Gabi Hartmann se produisait à la Seine musicale, le 24 janvier 2023. Singulars y était. Sous le charme de cette voix de velours,  nous avons saisi notre chance de rencontrer la chanteuse parisienne par une après-midi ensoleillée, près de la place Pigalle.  Il nous fallait éclaircir les nombreuses influences – du jazz aux musiques du monde – qui enrichissent une démarche artistique et un univers poétique si personnels.

Luxe, calme et volupté

Gabi Hartmann nous invite dans son univers poétique avec son premier disque, paru chez Masterworks . Crédit photo : Fiona Forteì

Ces trois mots baudelairiens emplis de nostalgie apaisée viennent à l’esprit comme une rengaine soyeuse à l’écoute du premier album éponyme de Gabi Hartmann. La chanteuse parisienne l’a construit comme un carnet de voyage, s’inspirant de ses pérégrinations autour du monde, et captant de nombreuses d’influences musicales.

A l’écoute, on perd tout repère géographique – Gabi Hartmann chante en trois langues – et temporel – elle synthétise trois continents musicaux – pour une véritable ode à passer le reste de sa vie au bord d’un océan indéterminé, sous une nuit étoilée.

Cela fait plusieurs années que je construis cet album.
Il est à l’image de mon parcours de vie,
de mes voyages, de mes rencontres,
et de toutes les influences musicales
depuis que je chante.
Gabi Hartmann

Une invitation à « rassembler tout ce que je suis »

Plutôt fourni pour un premier opus, le disque présente 14 pistes dont un bon nombre coécrites et produites par le producteur américain Jesse Harris, connu pour ses collaborations avec Melody Gardot, Norah Jones et Madeleine Peyroux. La chanteuse préfère d’ailleurs décrire son rôle plus proche d’un réalisateur, comme on l’entend pour un film : « Jesse travaille à l’ancienne, on n’enregistre pas au clic. Ça permet un peu plus de liberté dans l’émotion de ce qu’il va se passer. Il y a un peu plus de magie dans l’enregistrement. Et puis on ne répète pas, ou quasiment pas. Comme une bande-son live. »

Le jazz est la ligne directrice et fondatrice de Gabi Hartmann – c’est TSF, c’est le Duc des Lombards, et aussi Nice Jazz festival, c’est Sébastien Vidal (Directeur des trois structures, ndlr). Il a été le premier à soutenir mon projet, et à découvrir mon EP, à adorer mes chansons, ma voix. Il a défendu mon projet dès le départ, m’a fait jouer au duc des lombards. Il a passé mes morceaux sur sa radio. Ça a été un super partenaire. »

Assemblé entre New York, Paris et le Brésil.

Le disque surprend autant par sa maîtrise que par la fusion des influences, qui s’enrichissent mutuellement. New York pour la liberté du jazz, et l’apport des musiciens du cru – Ils osent amener leur créativité dans un enregistrement. Paris pour le côté chanson, mais également pour une étape clef dans la confection de la musique : Le son, le mix, le mastering dans le résultat final de l’album, ça m’obsède. […] On était assez d’accord pour faire un son assez ‘roomy’, très acoustique. Comme à l’ancienne, pas forcément très mixé. Quelque-chose d’assez brut avec un côté vintage dans le son, années 60, 70. »

Les connaisseurs de l’univers des Melody Gardot, Norah Jones et Madeleine Peyroux, retrouveront le son très travaillé et la mise en valeur d’une voix unique. A commencer par « cette manière très posée, très douce de chanter, très proche du micro – on ne fait pas beaucoup d’efforts *rires* »

On voulait vraiment que tout sonne chaud.
Les albums de jazz actuels ont souvent tendance à être clean, froids et ça manque un peu d’âme, je trouve.
Ici, on a l’impression que tout le monde est dans la même pièce. J’aime ce son-là
Gabi Hartmann

Quid alors du Brésil dans la production ?

Curieusement, alors que Gabi animait Triozelas, un trio de chanteuse qui assume une « tambouille d’harmonies brésiliennes », le disque semble briller par l’absence de rythme bossa-nova.

Et pour cause, le Brésil s’infuse dans toutes plages par clins d’œil plus ou moins appuyés.

Plutôt que la batida tranquille de la bossa, la parisienne préfère le vent nouveau du tropicalisme brésilien qui lui succède : Raconter des histoires, des chansons dans tous les sens, avec Gilberto Gil, Jorge Ben Jor. De manière générale, c’est ce côté tropical, musique des Caraïbes qui l’inspire « J’aime beaucoup Harry Belafonte. Une de mes grandes influences dans cet album. »

 Je vois un pont entre la culture jazz, mais avec cette petite touche tropicale.

« S’il est une samba sans tristesse/ c’est un vin qui ne donne pas l’ivresse » écrit Pierre Barouh dans sa version française de Samba Saravah.  Ici la samba se cache, mais la tristesse traverse les chansons comme la pluie d’un dimanche après-midi tout en paresse. Fort heureusement, l’éclaircie n’est jamais très loin : « Il y a beaucoup de balades, c’est assez mélancolique. J’aime aussi les chansons uptempo, joyeuses, dansantes, peut-être que ça se sentira plus sur un prochain album. »

Rapprocher trois langues, trois patrimoines musicaux

 Autre originalité qui fait le charme de cet enregistrement, Gabi Hartmann mélange les langues pour brouiller les pistes de ses racines, et mieux se fondre dans les influences qui désormais la caractérise.  « Je compose en français, portugais et anglais. J’essaye toujours de parler ces trois langues dans mon quotidien. Les musiciens avec qui je passe du temps sont ceux avec qui je peux pratiquer ces trois langues. »

Au point d’oublier en écoutant Mille Rivages que le français est la langue natale de la chanteuse. « Chaque langue a une musicalité, un rythme, un accent. J’ai chanté pendant des années en anglais et en portugais. Le français est venu après. Peut-être que ça a déteint, que les langues dans lesquelles je chante se sont mélangées, fusionnées – ça donne un résultat un peu étrange. »

Le plaisir du collectif sur scène

Reste à expliquer ce fait d’arme, véritable pari artistique, relevé d’une main de maître, une Seine Musicale bien remplie ce 24 janvier 2023. « On était plutôt parti sur une jauge de 600 personnes et 950 personnes sont venues. C’était assez inattendu ».

Les quelques passages à la télévision ont sans doute créé une légitime curiosité pour cette chanteuse à la voix de nacre et ses compositions pleines de soleil (Maladie d’amour, Milles rivages) Le public a pu profiter du son live de l’artiste accompagnée de son quintet (Contrebasse, percussions, piano, guitare et saxophone/clarinette) : « Je suis encore loin d’une démarche solo avec tout un concert guitare-voix. J’ai pris l’habitude de partager la scène avec les autres. C’est très rare les [artistes] solos en jazz. »

#Simon Dubois

Le carnet de lecture de Gabi Hartmann

Tim bernades, qui est passé sur fip en live.

Il me plaît beaucoup, il est entre la folk et la musique brésilienne à la Caetano Veloso des années 70. C’est très créatif, belles mélodies, belles paroles. C’est mon coup de cœur depuis quelques années, et il m’a beaucoup inspiré pour faire cet album. Dans les sonorités, dans la manière d’enregistrer. Il y a un côté très vintage, années 70.
En live aux Etats-Unis et en Espagne.

 

Lizzie McAlpineJe suis fan de Lizzie.

Elle est incroyable avec ses chanteurs. C’est trop rare de venir à un Tiny desk [comme ça]. Je [Lizzie MacAlpine] ne viens pas avec des musiciens, je viens avec des chanteurs qui font des harmonies magnifiques.’
Sorti il y a trois mois dans le format vidéo de l’émission ‘All songs considered’ de la NPR, l’interprétation intimiste de quelques titres, et d’une composition originale tranche avec les sessions plus instrumentales. Les harmonies sont réduites à leur plus élégant essentiel avec le concours du groupe Tiny Habits, signés eux-aussi sur le label Harbour Artists and Music.
En boucle.

En live le 8 juin 2023 à la Cigale

 Alice Phoebe-Lou.

Elle a été découverte en faisant des covers dans les rues et les jardins de Berlin. Elle a une voix très puissante, très belle. Elle est totalement en indé. Je suis assez fan. Elle est sud-africaine et elle chante en anglais. Alice Phoebe-Lou sortait son dernier album, Child’s play en 2021. Elle est en live cette année en Australie, au Japon et aux Etats-Unis

Pour suivre Gabi Hartmann

A écouter

Gabi Hartmann, Sony Music. 2023

Autre promotion signature, le « concert à emporter de la Blogothèque ».

Ces célèbres Take way shows initiés aux milieu des années 2000 par Vincent Moon sont le théâtre d’improvisations musicales autant que visuelles. La caméra à l’épaule, le live sublime par sa forme le mouvement des plus de 500 groupes qui y sont passés. « Ils m’ont proposé un lieu qui était mon rêve. J’aime chanter dans des lieux ouverts avec de la végétation autour, et c’est devenu un peu une habitude de faire des vidéos avec de la végétation autour de moi. C’est un peu une ligne artistique.

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