Culture

Le carnet de lecture de Liya Petrova, violoniste et directrice du MusikFeist Parisienne.

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 20 mai
 2021

L’année dernière Liya Petrova avait créé en trois semaines la Musikfest Parisienne pour fêter la magie de retrouvailles musicales sur scène. Un an après, avec la même urgence, une seconde édition s’impose quelques jours à peine après un déconfinement culturel tant espéré. Avec les trois soirs dédiés à Brahms les 25, 27 et 29 mai, dans l’écrin de la Salle Cortot à Paris. La violoniste bulgare et ses magnifiques complices (Pierre Fouchenneret, Lise Berthaud, Eric Le Sage, Adam Laloum, Bruno Philippe, Alexandre Kantorow, …) aspirent à une reprise en musique pour de bon.

Une identité musicale rayonnante reconnue par ses pairs

Liya Petrova, violoniste et directrice de la 2e Musikfest Parisienne Marco Borggreve

« Cette fois, pour sa deuxième édition, la Musikfest parisienne pourra accueillir du public » se réjouit Liva Petrova (malgré une jauge limitée). Rien ne prédestinait cette pétillante violoniste bulgare a prendre la tête d’une Musikfest. Son parcours – impeccable – est celui d’une soliste virtuose ; sa personnalité et sa musicalité authentique doivent beaucoup à ses maîtres tels Augustin Dumay, Renaud Capuçon, Antje Weithaas.  L’apprentie reconnait sa chance car « toutes ces personnalités musicales très différentes m’ont toujours encouragée à trouver ma voie, sans imposer leur vision ». L’épanouissement de sa propre identité musicale est rapidement reconnu par ses pairs. Etayé par le bagage de Prix internationaux majeurs: 1er Prix au Concours Carl Nielsen (2016), Concours International Tibor Varga, et Louis Spohr.

Une discographie voluptueuse et originale

La succession de concerts avec les plus grands chefs est scandée par une discographie à la fois bien charpentée, des grands chefs d’œuvres sont magnifiés et des couplages originaux ; citons, son premier disque incluant le 1er concerto pour violon et l’Introduction et Rondo Capriccioso de Saint-Saëns dirigé par Christian Arming (l’orchestre Royal de Liège) (Outhere Music Zig Zag Territoires, 2013) ? D’autres ont suivis avec de belles reconnaissances critiques pour la dimension aérienne et lumineuse de son jeu ;  le Concerto pour violon de Carl Nielsen  enregistré avec le 1er Concerto pour violon de Prokofiev, dirigée par la cheffe estonienne Kristiina Poska  avec l’Orchestre symphonique d’Odense, les 7e et 8e Sonates pour piano et violon de Beethoven y sont au programme, de même que la Suite pour violon de Britten, ainsi qu’une pièce de Samuel Barber (Boris Kusnezow, 2O20)

https://youtu.be/Y-gESjBdntg

Une MusikFest encore à l’arrache

C’est la sortie du premier confinement qu’elle a vécu comme un enfermement qui a créé l’urgence de quelques concerts entre amis pour fêter des retrouvailles. Dédié à Beethoven, dans la magnifique acoustique de la salle Cortot, la MusikFest Parisienne tenait du pari de vivre et de partager. Et se fut une bouffée d’air pur !

Et puis la soliste a repris les chemins des grandes salles et des enregistrements ; elle vient de signer la subtile réussite du Concerto pour violon de Beethoven, couplé au 7e Concerto pour violon de Mozart dirigé par  Jean-Jacques Kantorow, à la tête de Sinfonia Varsovia (Mirare, 2021) ou les couleurs voluptueuses de son violon signé Carlo Bergonzi de 1737, prêté par Xavier et Joséphine Moreno fait merveille. L’ambition qui l’anime dans le livret ; « J’ai voulu placer cet enregistrement sous le signe de la lumière » prend à l’écoute une merveilleuse réalité.

1ere et 2éme édition avec la même urgence

Comme un jour sans fin, tout s’arrête à nouveau. Et plus que jamais une nouvelle édition s’impose cette fois avec trois soirs de concerts dédiés à la musique de chambre de Brahms, les 25, 27 et 29 mai. Avec la volonté de mettre en miroir les différentes périodes de la vie du compositeur. Et d’associer de belles personnalités de générations différentes : Eric Le Sage, Alexandre Kantorow, Pierre Fouchenneret, Lise Berthaud, et Nicolas Baldeyrou.

Pour que la fête soit totale malgré la limite des 150 personnes par soir, Liya Petrova. a décidé de rendre l’événement totalement gratuit et de faire gagner les places. Tentez vote chance vous ne regretterez pas !

Le carnet de lecture et d’écoute de Liya Petrova.

La musique fait partie de ma vie depuis ma naissance, et je fais partie des musiciens qui aiment écouter presque tous les genres de musique. J’écoute bien sûr très régulièrement les grands musiciens du monde « classique », qui m’inspirent et de qui j’apprends, mais la musique des grandes figures de la pop, du jazz, et du R&B sont autant d’éclairages qui participent également à ma vision musicale. Pour moi la musique est bien sûr une langue universelle, sans limite ni frontières, et je me sens chaque jour chanceuse d’avoir l’opportunité de m’exprimer par ce langage.

J’aime aussi lire. Étant enfant, je me souviens passer des nuits entières, cachée sous ma couette pour lire des heures durant à la lueur d’une petite lampe de poche. Aujourd’hui jai toujours mon kindle dans ma boîte de violon et j’en profite pour lire quand je voyage. Dans le train, l’avion, avant de dormir … des moments sans distraction dédiés à cette passion. À mon avis en tant que musicien, la lecture est essentielle. Elle aide à appréhender les différentes époques et cultures qui ont entouré les pièces que nous interprétons en tant que musicien, et surtout à développer sans cesse notre imagination et notre regard sur le monde.

Viktor Frankl, Découvrir un sens à sa vie. Dans ce livre, Viktor Frankl nous raconte son expérience dans un camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Il observe et décrit l’attitude de ses compagnons d’infortune. Dans cette terrible expérience, il lie la capacité de survie de l’être humain à l’espoir et aux objectifs qui résident encore en lui. En somme, ce qui donne sens à notre existence est ce qui la prolonge. L’auteur attire notre attention sur 3 paramètres fondamentaux: l’accomplissement, l’amour et la transcendance
Cet ouvrage est la pierre de voûte de la logothérapie, qui est considérée comme la troisième école viennoise de psychothérapie.

Ernst Gombrich, L’Histoire de l’art. Un vrai classique dans son genre , ce livre est formidable pour tous ceux qui aiment sculpture et arts visuels. Il nous plonge dans leur histoire, des primitifs à l’ère moderne. Ce livre a renforcé ma passion pour l’art et ma volonté de comprendre le lien entre toutes les formes d’art.

Jacob Collier, Djesse. Il y’a un mot qui décrit bien l’art de Jacob Collier : Créativité ! Il a repoussé dans son domaine les limites de l’invention à un point inimaginable. Il a d’abord enregistré et produit son premier album « In my Room » entièrement dans sa chambre, dans la maison de ses parents . Je trouve son projet Djesse absolument génial, Jacob Collier réunit toutes les musiciens qu’il admire pour faire de la musique avec lui…  son humilité n’a d’égale que son talent, et dans ce projet j’adore donc autant la musique que l’esprit!

Franz Schubert, Intégrale des Lieder, par Dietrich Fischer-Dieskau & Gerald Moore – 600 lieder… plus de 25 heure de musique. Cette intégrale nous permet de suivre l’évolution dans la composition de Schubert qui a composé pour le genre tout au long de sa vie, et c’est ici interprété par le modèle absolu du lied allemand. La musique de Schubert est imprégnée d’un combat intérieur profondément humain, entre espoir et désespoir, abandon et rage. J’aime l’importance que Dietrich Fischer-Dieskau donne au texte car on vit réellement le poème, qui était probablement aussi présent et important pour Schubert que la musique! Un vrai bijou.

 

Beethoven. intégrale des Symphonies par Nikolaus Harnoncourt et le Chamber Orchestra of Europe.  C’est un enregistrement de ceux qui ont marqué un tournant dans l’histoire de l’interprétation. Joué sur instruments modernes mais en même temps avec la vision disruptive d’Harnoncourt, par un orchestre qui a totalement joué le jeu et s’est laissé imprégner par le chef autrichien. Cette intégrale est tellement novatrice pour son temps ! J’ai écouté ces disques en boucle à une époque, et ils continuent de m’inspirer… je sais qu’il a posé durablement les jalons de l’interprétation Beethovenienne du Chamber Orchestra of Europe.

https://youtu.be/BCB1-nlISPU

Bach. Matthias Passion BWV 244, par Rene Jacobs et Akademie für Alte Musik berlin. Je n’écoute pas du Bach tous les jours, mais je reviens toujours à cet enregistrement quand j’ai besoin de méditer. Dès le début, cet enregistrement nous amène dans un autre univers…

Michael Jackson – pour moi sa musique est synonyme d’énergie. Comme beaucoup de gens je pense, j’écoute Michael Jackson quand j’ai besoin d’un « coup de boost »… Au-delà de son talent éblouissant, son investissement permanent dans sa musique nous rappelle qu’il faut toujours donner 100% de soi-même, dans tout ce qu’on réalise 🙂

Stefan Zweig – Gesammelte Werke. Ces livres m’accompagnent souvent pendant mes trajets. Zweig est un vrai maître de la psychologie humaine, qui sait parfaitement utiliser la beauté de la langue allemande. Ses œuvres nous parlent de temps disparus mais nous éclairent tellement sur les temps présents.  Toujours si fascinant et juste…

Alfred Bester – The Stars My Destination. Depuis mon enfance je suis émerveillée par l’espace et je crois que c’est la raison de ma passion pour les livres de science-fiction, qui est bien souvent une réalité que l’on ne vit pas encore. Ici l’auteur nous fait imaginer un monde dans lequel on peut par exemple se téléporter seulement par la pensée… qui n’en a pas rêvé!

Pour suivre la 2éme édition de la Musikfest Parisienne

Le site officiel de Liya Petrova

Plus d’informations sur La Musikfest Parisienne.

Du 25 au 29 mai 2021, Salle Cortot, Paris
Programmation 100% Brahms

Mardi 25 mai. Quatuor pour piano et cordes n° 3 en ut mineur op. 60 (1875), Sonate pour violon et piano n° 2 en la majeur op. 100 (1886), Quintette pour piano en fa mineur op. 34 (1864)
Pierre Fouchenneret, violon – Lise Berthaud, alto – Yan Levionnois, violoncelle – Eric Le Sage, piano – Liya Petrova, violon – Adam Laloum, piano – David Petrlik, violon – Léa Hennino, alto – Bruno Philippe, violoncelle
Diffusion par France Musique pour diffusion le jeudi 10 juin dans  Le concert de 20h,

Jeudi 27 mai. Quatuor pour piano et cordes n° 2 en la majeur op. 26 (1861), Quintette à cordes n° 2 en sol majeur op. 111 (1890), Sextuor à cordes n° 1 en si bémol majeur op. 18 (1860)
Charlotte Juillard, violon – Gregoire Vecchioni, alto – Christophe Morin, violoncelle – Adam Laloum, piano – Pierre Fouchenneret, violon – Shuichi Okada, violon – Adrien Boisseau, alto – Lise Berthaud, alto – François Salque, violoncelle – Yan Levionnois, violoncelle
Diffusion par France Musique le vendredi 11 juin dans  Le concert de 20h,

Samedi 29 mai. Trio pour piano et cordes n° 1 en si majeur op. 8 (1854), Quintette pour clarinette et cordes en si mineur op. 115 (1891), Quatuor pour piano et cordes n° 1 en sol mineur op. 25 (1861)
Liya Petrova, violon – Alexandre Kantorow, piano – Aurélien Pascal, violoncelle – Shuichi Okada, violon – David Petrlik, violon – Gregoire Vecchioni, alto – Léa Hennino, alto  – Bruno Philippe, violoncelle – Nicolas Baldeyrou, clarinette
Diffusion par France Musique le lundi 14 juin dans  Le concert de 20h,

Prochains concerts de Lilya Petrova

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