Culture

Le carnet de lecture de Michael Levinas, concertiste et compositeur

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 9 septembre 2020

Pianiste concertiste et compositeur, Michaël Levinas occupe un espace original dans la vie musicale d’aujourd’hui. Son double profil enrichit son interprétation et son écriture. Il interprète une Intégrale des Sonates pour violoncelle et piano de Beethoven avec Henri Demarquette, le 15 à Laon, et le 22 à Soisson. Son dernier opéra La Passion selon Marc – Une passion après Auschwitz crée à Strasbourg est repris à la Philhar de Paris le 1 mars 2021.

Concertiste et compositeur

Né à Paris en 1949, le fils du philosophe Emmanuel Levinas (1906-1995) a eu pour maîtres notamment : Vlado Perlmuter, Yvonne Loriod et Olivier Messiaen. Il a été pensionnaire à la Villa Médicis, dirigée alors par le peintre Balthus.

Comme interprète, Michaël Levinas a réalisé une discographie importante, consacrée autant au répertoire classique et romantique qu’à la musique du vingtième siècle. Parmi les références :

  • L’intégrale des Sonates pour piano de Beethoven, dont il dit : « La forme sonate était sans doute pour Beethoven un modèle beaucoup plus hybride, reliée aux formes concertantes, aux fantaisies ou aux opéras du XVIIIe siècle. »
  • Le Clavier bien tempéré cahier 1 & 2 BWV 846-869 de Bach dont il écrit dans le livret de l’album : « Bach a cherché à mettre en évidence un espace simultanément dévolu à un instrument polyphonique et aux potentialités d’un système dont la grille de lecture se rapporte autant au son, à la facture du clavier, qu’à l’enchaînement des tonalités. Et c’est bien là « l’extrême contemporain » (Char) du Clavier bien tempéré que de penser à la fois une abstraction du matériau sonore et l’équilibre d’une configuration d’un langage qui transite par l’évolution de la facture instrumentale. »

Sans surprise, l’œuvre lyrique de l’Académicien des Beaux-Arts depuis 2009 ne cesse de travailler le timbre et de l’acoustique, et la relation texte-musique en s’appuyant sur des livrets issus de grands auteurs : de Go-gol (1996) d’après Le Manteau de Nicolas Gogol, au Petit Prince (2015) d’après Saint-Exupéry, en passant par Les Nègres, (2004) d’après la pièce de Jean Genet, ou La Métamorphose (2011) d’après Franz Kafka. Sa dernière œuvre, La Passion selon Marc – Une passion après Auschwitz, créée en 2017 à Lausanne, puis Genève et Fribourg sera repris à la Philharmonique de Paris le 1 mars 2021.

Carnet de lecture/écoute

Valère Novarina La chair de l’homme. Un grand dramaturge ! J’ai collaboré avec lui pour mon opéra « la métamorphose «  C’est lui qui a écrit le prologue avant le réveil de Gregor  « je, tu, il ».  » La Chair de l’homme » sur lequel j’ai écrit mes « trois chansons pour la loterie Pierrot »  est un texte constitué de dialogues et de monologues alternés, amples, puissants, spectaculaires. L’écriture de Valère Novarina crée une transversalité des formes: théâtre, roman, poésie. Les personnages sont affublés de sobriquets métaphoriques qui les transmutent.

Kafka La métamorphose. un beau matin Grégor se réveilla transformé en cancrelat… je pense aussi au pavillon des cancéreux de Soljenitsyne . Un beau matin apparaît une tumeur; Ce texte immense de Kafka a été une rencontre majeurs pour mon opéra : le mystère de l’identité, le glissement du temps celui de cette métamorphose, une forme musicale et théâtrale .

 

Aragon Les yeux d’Elsa. En plein XX siècle une poésie amoureuse sans érotisme, la renaissance de l’idéal féminin qui avait été chanté par les romantiques. J’ai composé trois mélodies tirées de ce cycle : Les yeux d’Elsa, Le pont de C, Elsa Valse.

Beethoven. Symphonie pastorale n°6, par Toscanini et le NBC Orchestra : J’ai écouté des centaines de fois l’orage de cette Pastorale . La relation entre le son et le bruit, les trémolos des cordes déclenchés par les attaques de timbales avec une baguette de bois révélaient un phénomène spatial : la vibration  par sympathie provoquée par les éclats du tonnerre . Tout mon travail de composition de mes débuts  Appels  (1974) a été marqué par cette version de la pastorale.

Richter en Italie. Un disque 33 tours des années 60 consacré à Schumann : Papillons op2, Carnaval de Vienne, Sonate en sol mineur. La sonorité caractéristique du legato de Richter, le fantastique du timbre , le sentiment spatial du timbre continuent d’inspirer mon jeu.
D’ailleurs, mon premier disque de pianiste a été consacré à Schumann: fantaisie op.17 et Kreisleriana.

Stockhausen. Hymnen. Une œuvre électro-acoustique des années 60. On entend les rumeurs, les langues  et les chants patriotiques du monde filtrées par les ondes courtes de la radiophonie. Cette œuvre onirique , du grand Stockhausen a marqué en profondeur mon imaginaire et la relation aux espaces.

 

Pour suivre Michael Levinas

Discographie (Deezer)

Prochains concerts

Intégrale des Sonates pour violoncelle et piano en deux concerts avec Henri Demarquette

1 mars 2021. Philhar de Paris,

  • 20h. La Passion selon Marc – Une passion après Auschwitz, opéra de Michaël Levinas. Maxime Pascal dirige l’Orchestre de chambre de Paris et le Choeur Le Balcon, Magali Léger, soprano, (Mère), Marion Grange, soprano, (Marie-Madeleine), Guilhem Terrail, contre-ténor, (Evangéliste), Mathieu Dubroca, baryton, (Jésus), Thomas Lacote, orgue
  • 19h, rencontre

Partager

Articles similaires

Les Notes du blog ‘5, Rue du’, de Frédéric Martin, photographe existentialiste

Voir l'article

Le carnet de lecture d’Éric Charvet, aphoriste, L’avenir a déjà été.

Voir l'article

Des classiques à voir ou relire : Rambert, Duras, Hugo, Camus et Anouilh

Voir l'article

Divorce à la française (tout sauf à l’amiable) d’Éliette Abécassis (Grasset)

Voir l'article