Culture
Le carnet de lecture de Mikaël Hirsch, romancier
Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 31 mars 2022
Libraire pendant 11 ans, Mikaël Hirsch découvre par hasard en 2017 le destin de Nestor Makhno (1888-1934), anarchiste libertaire. Sa méconnaissance et l’ostracisme jeté sur le fondateur de l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne l’a poussé à en savoir plus. Ainsi est né dans un style attachant, un roman puissant, L’assassinat de Joseph Kessel (Serge Safran éditions) Prix Castel du Roman de la Nuit. L’auteur revient sur sa vocation et deux monstres sacrés que tout semble opposer.
L’histoire se répète en Ukraine
En ce 19 juin 1926, Nestor Makhno n’a plus qu’une idée en tête, régler son compte à Joseph Kessel (1898-1979) qui vient de publier « Makhno et sa juive » le peignant comme un monstre, un meurtrier froid prenant plaisir à tuer, lui qui a été interné, condamné aux travaux forcés et à mort par les Bolchéviques : « C’est ainsi que Makhno en vint à concevoir ce projet absolument dément : il lui fallait maintenant tuer un juif pour prouver au monde qu’il n’était pas antisémite. »
Quand, par la magie du romancier, la rencontre a lieu dans une fumerie d’opium avec le journaliste français, rien ne se passe avec celui qu’il accuse d’avoir volé sa légende comme il l’avait imaginé.
Basée sur une solide enquête historique, le roman de Mickaël Hirsch croque un Paris exalté entre les deux guerres où les cabarets russes et interlopes sont les points de ralliements de géants de la littérature tels Malraux et Cocteau et de politiques insurgés. Pour refaire un monde avec des convictions plutôt ambitieuses.
La rencontre virtuelle de deux figures marquantes des années 30
« Je connaissais un peu l’œuvre de Kessel, rappelle l’auteur du roman Le Réprouvé, sélectionné pour le Prix Femina 2010, mais n’avais jamais entendu parler de Nestor Makhno (1888-1934). En 2017, alors qu’on commémorait le centenaire de la révolution d’Octobre, je suis tombé sur un documentaire qui évoquait à la marge et pendant quelques secondes le destin du fondateur de l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne. Le personnage m’a tout de suite fasciné autant que ma complète ignorance du sujet.
Cherchant à en savoir plus, j’ai découvert qu’il n’existait que très peu de livres consacrés à ce personnage pourtant d’une grande importance historique, le premier et le plus facilement accessible étant le court roman de Joseph Kessel : Makhno et sa juive. Une fois cette lecture terminée, j’ai commencé à comprendre l’omerta qui semble frapper cet anarchiste ukrainien, et ce, jusqu’à aujourd’hui. Je me suis donc mis à enquêter pour savoir si les accusations portées par Kessel étaient fondées, sachant que l’écrivain et le soldat étaient non seulement contemporains, mais presque voisins. Dès lors, une rencontre entre ces deux monstres sacrés que tout semble opposer, mais que beaucoup de choses rapprochent, m’apparaissait inévitable.
Si la vie ne leur a pas offert cette possibilité, je pense avoir corrigé le tir en écrivant ce livre. »
L’ex-libraire revient pour Singulars sur sa vocation d’écrivain


Mikaël Hirsch Photo Raphaël Gaillarde
» Auteur, je l’ai toujours été, du moins depuis l’âge de 10 ans. Je l’étais déjà sans avoir rien écrit. Le plus clair de mon existence a donc consisté à faire coïncider cette image que j’avais de moi-même avec la réalité, puis à convaincre le reste du monde de son bienfondé. Ce processus est d’ailleurs toujours en cours. Tout ce que j’ai fait dans la vie a contribué à servir ce dessein et rien d’autre, ce qui n’a pas toujours été facile, car il est impossible de gagner sa vie en écrivant de la littérature.
Libraire, je le suis devenu par la suite et le suis resté pendant onze ans. À l’époque, je me suis dit, quitte à devoir vendre quelque chose, autant que ce soient des livres.
Mes romans naissent généralement d’une rencontre, avec un personnage, une situation, un lieu ou même un mot, éléments disparates qui servent de point de jonction entre le monde extérieur et mon univers propre. Ce sont des objets qui me servent d’écrans et sur lesquels je projette des préoccupations personnelles sur le mode de la déclinaison.
Ainsi, mes livres sont très dissemblables en apparence et pourtant intimement liés.«
Le carnet de lecture de Mikaël Hirsch
Heureusement, la fin m’a semblé un petit peu en dessous des attentes du lecteur et je ne peux m’empêcher de penser qu’il s’agisse en réalité d’un recueil de nouvelles, que Borges n’aurait d’ailleurs pas renié, mais que Garcia a tenté de travestir en roman sans y parvenir tout à fait. Je dis « heureusement » par dépit et avec une pointe d’amertume, car j’aurais tout donné pour être capable de faire aussi bien et, si sa réussite m’avait paru totale, j’aurais peut-être arrêté d’écrire, convaincu de mon inutilité en la matière.
Merci à Tristan Garcia pour ces petits défauts qui font de lui, en définitive, un être humain.


Pour suivre Mikaël Hirsch
le site Mikaël Hirsch
Bibliographie
- Le Syndrome du golem, Le Dilettante, 2022
- L’assassinat de Joseph Kessel Serge Safran éditeur, 2021
- Quand nous étions des ombres, Intervalles, 2016
- Libertalia, Intervalles, 2015
- Notre dame des vents , Intervalles, 2014
- Avec les Hommes, Intervalles, 2013
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