Mécaniques
Le Centenaire des 24H du Mans, retour sur un concentré d'épopées mécaniques et humaines
Auteur : Calisto Dobson (Juan-Peter Sedona)
Article publié le 8 juin 2023
La course mythique des 24H du Mans fête son centenaire ce week end les 10 et 11 juin 2023. C’est pour Juan Peter Sedona (alias Calisto Dobson) – auteur de Requiem mécaniques, hommage personnel émouvant aux gloires et risques du sport automobile (LibriSphaera) – l’occasion de revenir sur une histoire parsemée d’exploits, d’anecdotes inattendues en tous genres, sans oublier les tragédies qui ont marqué ces 13 kilomètres 626 mètres légendaires.
Un Centenaire somptueux
L’une des courses automobiles les plus prestigieuses au monde, parmi les plus anciennes encore en activité, a 100 ans les 10 et 11 juin 2023. Les 24H du Mans font partie avec les vénérables 500 Miles d’Indianapolis (première édition en 1919) et le non moins vénérable Grand Prix de Monaco (1929), de ce que les aficionados qualifient de « Triple couronne ». Jusqu’à présent un seul pilote, le britannique Graham Hill (1929 – 1975), a réussi à les remporter toutes les trois, Monaco en 1963 (avec quatre autres victoires), Indianapolis en 1966 et Le Mans donc en 1972.
Le tracé du circuit de la Sarthe doté d’une ligne droite légendaire, Les Hunaudières, a subi au cours des décennies de nombreuses modifications. Il en existe 15 versions différentes depuis l’original. Celui-ci a dû s’adapter avec le temps aux innovations technologiques des voitures et aux exigences de sécurité qui vont de pair.
…je suis contre les 24 heures du Mans, pour des raisons de sécurité…le Mans jusqu’à maintenant était couru sur des routes nationales bordées d’arbres… mais le plus grand danger est que nous roulons sur un circuit qui fait treize kilomètres je crois, la plupart du temps au-dessus de 300 à l’heure. Et en ligne droite parce que le Mans est un circuit composé presque exclusivement de lignes droites. Alors la ligne droite n’apporte rien parce que n’importe qui est capable de faire 300 à l’heure dans une ligne droite……
François Cevert après sa victoire à Watkins Glen en 1971, Radioscopie, Jacques Chancel
Une sacrée endurance
Depuis leur création, d’autres courses de 24H ont eu lieu à travers le monde. Cependant Le Mans reste la seule aujourd’hui dans le calendrier du Championnat du monde d’endurance (FIAWEC). Sa notoriété est telle qu’il existe une parodie appelée 24 Hours of LeMons (24 heures des citrons) courue au USA, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Le citron (lemon), en question, étant une voiture bourrée d’imperfections en langage automobile anglo-saxon.
Entre tradition et modernité
Cette classique du sport automobile a su préserver son identité et conserver son aura. Avec la création du Mans Classic en 2002, la parade des pilotes et le maintien du traditionnel envahissement de la piste par la foule à l’arrivée, les organisateurs ont réussi à entretenir le souffle nostalgique d’une époque révolue. Par ailleurs, les évolutions permanentes, qu’elles concernent la réglementation, les aménagements ou encore l’organisation elle-même, lui ont permis de tenir son rang au sommet de la hiérarchie mondiale des courses automobiles. Retransmise dans 196 pays les 24H du Mans c’est plus de 110 millions de téléspectateurs qui regardent en direct cette épreuve mythique du championnat du monde d’endurance.
C’est peut-être le seul endroit de ma vie où j’ai eu peur au volant. C’était en 1966, lors du fameux duel Ford-Ferrari. Je suis alors le petit jeune de chez Matra, et il n’est pas du tout prévu que je fasse les 24 Heures du Mans.
Henri Pescarolo, Quadruple vainqueur et record de 33 participations.
Les évènements et anecdotes qui jalonnent son histoire pourraient remplir un livre (pour le centenaire, plusieurs ont tenté de relever le défi). Rappelons la plus terrible, la catastrophe de 1955 et ses 82 morts qui fit figure d’une première prise de conscience des enjeux de sécurité.
Plus proche de nous et surtout plus drôle, en 2008, l’envoi de la course fut donné depuis la Station Spatiale Internationale…
Les 24H du Mans sont loin de n’être qu’une simple course.
Il s’agit aujourd’hui d’une épreuve qui peuple les environs du circuit pendant toute une semaine, l’affluence est telle que bon an mal an plus de 250 000 spectateurs s’agglutinent autour du circuit.
En 1969 c’est 400 000 personnes qui assistèrent au premier triomphe de Jacky Ickx ( il remporta 6 fois la course), sur sa Ford GT 40. Ce fût la dernière année du départ donné en épi, les pilotes devaient courir jusqu’à leur voiture s’y engouffrer et démarrer ce qui ne manquait pas de panache mais laissait sérieusement à désirer la question de la sécurité.
Seul Jacky Ickx s’y opposa en partant bon dernier. Il remporta la course après une fin rocambolesque. C’est dans l’avant dernier tour qu’un duel resté dans les annales avec la Porsche 908 de Hans Herrmann lui offre une de ces victoires légendaires dont Le Mans a le secret.
La vitesse au cœur de l’évènement
Chaque année cette compétition automobile majeure fait naître autour d’elle tout un barnum. Que ce soient des concerts, une fête foraine sans compter toute une flopée d’activités diverses et variées qui figurent pour la ville du Mans un rendez-vous annuel incontournable.
Mais ce qui reste au cœur de cet évènement est bien sûr la vitesse, cette grande préoccupation des protagonistes de toujours aller vite, cette sempiternelle obsession, toucher une espèce de Graal qui vous remplit d’une allégresse que d’aucuns décrivent sans aucune mesure.
Au Mans, elle peut atteindre une moyenne de plus de 250 km/h sur un tour de plus de 13 km, avec un record de vitesse de 405 km/h atteint en 1988 par la WM Peugeot 88 de Roger Dorchy.
Des pilotes dans des voitures emblématiques
Cette passion qui anime les pilotes autant que leurs admirateurs a particulièrement bien été décrite dans l’ouvrage Ce que nous dit la vitesse (Collection Agora chez Pocket), de Jean-Philippe Domecq. Passionné érudit, l’auteur met en coupe cette notion de vitesse. Au travers des destins emblématiques de pilotes tels que Niki Lauda ou encore Ayrton Senna, il en ressort une analyse autant sociologique que philosophique qui réussit à mettre en évidence la spécificité de ce qui tourmente l’âme de ces possédés de l’accélération.
Une lecture pointue qui permet d’ouvrir des horizons de lignes droites interminables déroulées à très grande vitesse.
Juan Peter Sedona (alias Calisto Dobson)
En savoir plus sur Juan Peter Sedona
Juan Peter Sedona alias Calisto Dobson : À l’âge de six ans, il arrive dans le sud de la France et fréquente le Grand Prix de Monaco tout le long de son enfance, puis de son adolescence, ainsi que les circuits du Paul Ricard et de Monza. Parisien depuis 1978, il a exercé plusieurs métiers, de la banque, au commercial, à la restauration en passant par l’import de produits audio et audiovisuels pour une grande enseigne de distribution. Il a également été le manager d’un groupe de pop rock et exerce actuellement des fonctions en tant qu’agent de la Ville de Paris. Il contribue à Singular’s depuis deux ans.
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