Voyages

Les dunes d’Hatainville, le joyau de Barneville-Carteret (la Côte des Isles)

Auteur : Jean de Faultrier
Article publié le 1er avril 2022

[Carnets d’horizons] Il est des lieux dont on a envie de parler, en même temps, on aimerait les garder pour soi. Comment conjuguer ce plaisir du partage et la jalouse nécessitée de ne pas ébruiter le fragile ou l’éphémère ? En proposant, par exemple, quelques feuillets d’un carnet d’horizons, celui des dunes d’Hatainville sur la Côte des Isles qui compte sans aucun doute parmi les plus belles fusions d’eau, de sable et de ciel.

L’ouverture du Carteret Photo © Jean de Faultrier

La route est longue mais généreuse et riche.

Les derniers kilomètres se lisent sous la plume de Barbey d’Aurevilly dont la description des landes et des abbayes, le récit de destins torturés et flamboyants s’accrochent au moindre mur d’enceinte que l’on longe ou aux ténébreuses futaies qui épousent des vallons discrets que nous franchissons. Passée la ville de Saint Sauveur le Vicomte, dépassée la petite ville de Barneville-Carteret, après s’être arrêté au pied d’une robuste corniche, il nous reste à supposer que, derrière, le large tend son infini vers un ciel qui va jouer avec les couleurs.

Par où commencer ?

Là, à gauche vers ce qui semble un estuaire endormi ou vers la droite, là où ça monte rudement entre des maisons douillettes ou audacieuses, avec des fenêtres qui doivent boire des heures de lumières fastueuses. Oui, prenons ce chemin pentu, raide mais court cependant, pas le temps de s’essouffler. Pourtant, en haut, le souffle nous est coupé : A perte de vue, l’expression n’est pas exagérée, des dunes plantureuses étendent paresseusement leurs cambrures de sable et offrent au vent quelques touffes végétales en mouvement perpétuel.

La dune d’Hatainville depuis sa pointe sud Photo © Jean de Faultrier

Pas âme qui vive malgré une exubérance de possibilités d’aller et venir, de déambuler, de s’allonger, de regarder. Aussi loin que la clarté du jour le permet, ce sont des courbes harmonieuses qui dessinent comme un rêve lunaire inexploré ;
Car le regard n’arrive pas à embrasser la totalité de ce mariage entre l’eau, le sable et une végétation rase et comptée. Aucune maison n’accroche le regard, aucun véhicule ne soulève de poussière. La mer et la terre se sont données rendez-vous mais chacune garde ses distances, comme respectueuses des colères de la première et soucieuses des hésitations de la seconde. L’humain n’a pas travaillé cette rencontre, les éléments ont tissé leur manière de s’accorder l’eau se donne le temps de caresser une interminable plage, le littoral s’accorde une pause avant de se donner une limite cartographique.

Il faut renoncer à compter le temps

Il va prendre en main la promenade, la noyer dans une palette primaire de verts, de bleus et d’ors, déjouer la distance et les buts. Qui de la mer ou du ciel tutoie l’autre ?

Au retour, des roches qui semblent placides proposent un sentier différent, très vite il s’avère hardi voire vertigineux. Les oreilles emplies d’un ressac vigoureux, les yeux captifs d’un chemin étroit, le corps tout entier boit à la fois le ciel et l’eau. Au loin, comme une trace ou une griffure loin derrière l’écume, les îles Anglo-normandes se suggèrent plus qu’elles ne se montrent.

Le cap Carteret Photo © Jean de Faultrier

Soudain, après un ultime virage, attentifs aux ronces qui griffent les jambes et à l’à-pic qui nous a sollicité, nous cheminons vers une petite plage paisible qui verrouille l’échappée aréneuse et nous tend sa paresse comme une tentation. Un camaïeu de bleu accroché au bord d’un rempart de roches nous accueille avec une incitation au farniente, la porte des cabines de plage entrouvertes entre soleil et sable humide. Un sorbet, une tisane, un jus de fruit ? Pourquoi pas…

Les cabines de plage Photo © Jean de Faultrier

On pourrait ne pas vouloir s’en aller… Une vue à 360 degrés, embrassant l’affleurement du grand perron, nourrit mais ne rassasie point. Encore et encore, supplie le regard qui n’est qu’une porte étroite pour une scène horizontalement débridée. L’œil rivé sur cet infini bicolore, nous regagnons paresseusement l’estuaire de la Gerfleur en quête du havre qui porte le nom de Carteret.

Une plage sans fin Photo © Jean de Faultrier

#Jean de Faultrier

Plus de feuillets du Carnet d’horizons

Où se poser avant, pendant, après ?
Le site de la ville de Barneville Carterert est riche en propositions, sa rubrique « découvrir, manger, dormir, sortir » couvre généreusement tous les verbes importants de la vie d’un promeneur !

A lire de Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889)

Barbey d’Aurevilly enfant de Saint Sauveur le Vicomte a su chanté La dune d’Hatainville Photo © Jean de Faultrier

, son œuvre foisonnante et engagée, élégante et fertile, incite profondément au voyage dans ces paysages si particuliers : Une vieille maîtresse, L’Ensorcelée, Un prêtre marié.
Nous retenons de lui cette phrase à l’image de l’horizon sans limite avec lequel le dialogue s’instaure pas à pas dans cette promenade normande : « Qu’est-ce en général qu’un voyageur ? C’est un homme qui s’en va chercher un bout de conversation au bout du monde. » (Disjecta Membra, 1925)
Effectivement, une conversation…

extrait du Conservatoire du Littoral  : « Située au sud du cap de la Hague, les dunes d’Hatainville sont miraculeusement préservées de l’urbanisation. Vivantes, modelées par les vents, ces dunes recèlent des joyaux floristiques et abritent des amphibiens rares. Elles s’étendent sur 5 km de large et s’enfoncent dans les terres sur plus de 1,5 km.
Les sables des dunes d’Hatainville s’appuient sur une falaise fossile de grès et de schistes. Cette formation de « dunes perchées », dont certaines culminent à 80m, est l’une des plus spectaculaires d’Europe. Elle est née, notamment, de la remontée progressive du niveau marin après la dernière glaciation, voici 12 000 ans. Dunes vives (dont les formes ne sont pas stabilisées faute de végétation) et dunes blanches (presque sans couverture végétale), dunes grises (couvertes de végétation basse) et landes se succèdent en reliefs mouvants et variés. » 

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