Culture

Cinema en salles : Les Musiciens, de Grégory Magne, la quête de s’écouter ensemble

Publié par Patrice Gree le 15 mai 2025

L’Air de rien‘ était le titre du premier film de Grégory Magne. ‘Les musiciens‘, son troisième film, l’air de rien, nous plonge pour Patrice Gree au-delà du récit d’un quatuor désaccordé, au cœur d’une jolie comédie humaine.
« C’est peut-être en jouant chacun un peu faux que l’on joue juste, ensemble. » souffle le compositeur dépêché pour trouver une harmonie dans cette histoire de cordes.

La subtile connexion des affinités électives

Grégory Magne a fait des alchimies professionnelles et personnelles des personnages totalement habités, obsessionnels, le socle de sa filmographie. L’élégance de l’écriture et l’empathie du milieu qu’elle investit se jouent des stéréotypes pour mieux les ajuster et trouver la nuance et la demi-mesure

Dans son premier film, L’Air de rien, il croquait un huissier apprivoisant une ancienne vedette de la chanson.

Avec Les Parfums, un chauffeur découvrait le monde olfactif et fermé d’un « nez », créatrice de senteurs.

On dit que la musique adoucit les mœurs. C’est faux !

Ce film délicat en témoigne… En tout cas pour les musiciens. Pour les mélomanes, c’est vrai ! Le talent singulier n’efface pas les névroses banales, ni la maîtrise parfaite d’un instrument, le contrôle total de son ego.

« Les musiciens », c’est l’histoire d’une rencontre improbable, grave et comique à la fois, entre un quatuor dysfonctionnel, une héritière fidèle à la mémoire de son père aimé et un compositeur solitaire, taiseux, bourru, plus attentif à la musique des feuilles dans les arbres, au vent d’automne qui les dirige et au coin-coin des canards recherchant des petites miettes sur le gazon de son jardin, qu’à l’infernal brouhaha du monde.

Les Musiciens, de Grégory Magne avec Mathieu Spinosi (1e violon), Emma Ravier (alto), Daniel Garlitsky (2e violon), Marie Vialle (violoncelle) photo Pyramide Films

Dès la première scène, le la du film est donné.

Un luthier répare un stradivarius, comme une métaphore instrumentale à venir du désaccord infernal entre les musiciens. Le « luthier des hommes », sera Charlie Beaumont ce compositeur fuyant l’humanité et ses conflits, joué tout en regards, en silences, en intériorité et sans fausses notes par le formidable Frédéric Pierrot, le psy populaire de la série à succès « En thérapie ».

Astrid Thompson la riche héritière i

Les Musiciens, de Grégory Magne avec Valérie Donzelli, Frédéric Pierrot photo Pyramide Films

nterprétée par une impeccable Valérie Donzelli,se bat contre l’avis de son frère, pour faire vivre le rêve du père, réunir quatre Stradivarius pour un concert exceptionnel dans une petite église fermement tenue par un curé tout en rondeur et âpre aux gains. Grégory Magne le metteur en scène effleure « l’air de rien » en quelques mots échangés par ses personnages, des petites tragédies familiales qui forgent les caractères ou tracent des itinéraires de vie…l’air de rien ! Ces petites touches sensibles alimentent le charme de ce film.

Les Musiciens, de Grégory Magne avec Mathieu Spinosi (1e violon), Emma Ravier (alto), Daniel Garlitsky (2e violon), Marie Vialle (violoncelle) photo Pyramide Films

Comment accorder ses violons, telle est la question

Et pas que sur un plan musical. La réponse n’est pas à aller chercher du côté de la technique, mais du côté de l’écoute et de l’œil à cœur ouvert. Surtout que pour donner davantage de crédibilité à ses personnages, Grégory Magne a fait le choix de comédiens musiciens qui savent jouer d’un instrument avec chacun ses promesses, ses complexes, et son humanité.

L’étourdissant ballet des étourneaux dans le ciel servira de modèle d’harmonie…

Auteur de l'article

Aller plus loin sur le Quatuor à cordes

Les Musiciens, avec : Valérie Donzelli, Frédéric Pierrot, Mathieu Spinosi (1e violon), Emma Ravier (alto), Daniel Garlitsky (2e violon), Marie Vialle (violoncelle)
Réalisation : Grégory Magne – Scénario : Grégory Magne avec Haroun
Musique : Grégoire Hetzel – Image : Pierre Cottereau – Montage : Béatrice Herminie

Genre musical essentiel de l’histoire de la musique

L’alchimie exigeante du quatuor à cordes fait l’objet de nombreux livres et analyses

  • Se mettre en quatre : la vie quotidienne en quatuor à cordes, de  Sonia Simmenauer, 2017. Comment se constitue et se poursuit un quatuor pendant 1, 10, 20 ans ou plus ? Professionnels ou amateurs, quatre musiciens vivent au plus près, se devinent, se séparent ou restent jusqu’à la mort… Autant de figures que l’auteur a rencontrées et cotoyées dans son métier d’agente. Elle nous livre ici, entre anecdotes et réflexions, la face cachée de cette formation instrumentale qui parcourt les siècles, les continents, les styles et les niveaux de technique musicale.
  • L’Esthétique du quatuor à cordes, de Bernard Fournier, Fayard 1999. Dans ce livre de référence, le quatuor est abordé sous toutes ses facettes : définitions de cette formation, rôles du compositeur, des interprètes, historique, forme, esthétique. Un ouvrage clé pour comprendre cette forme essentielle de la musique occidentale. Bibliographie et index.
  • Histoire du quatuor à cordes. 1, 2, et 3, de Bernard Fournier, Fayard 2004. Ces trois volumes forment une somme exceptionnelle d’histoire et d’analyse du quatuor à cordes. Des origines, accordées à Haydn avec ses soixante-huit quatuors, jusqu’à l’apogée du « quatuor viennois » avant le tournant du XXe siècle, le développement de ce genre musical est analysé dans le 1er volume.

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