Culture
.L’Ombre, de Blanca Li et Edith de Chizy: de l’inouï et du jamais vu à l’Ircam!
Donnée en ouverture du Festival Manifeste, .L’Ombre est une expérience audiovisuelle unique qui nous fait décoller durant une bonne heure de spectacle à l’Ircam jusqu’au 13 juin, le public étant invité une fois équipé de lunettes magiques à déambuler librement sur la scène.
Sur le conte éponyme de Hans Christian Andersen, la chorégraphe Blanca Li et la compositrice Édith Canat de Chizy ont imaginé les conditions immersives d’un spectacle hybride grâce aux innovations de l’IA à la fois pour Michel Tosi si fascinantes, si invasives et… si inquiétantes.
Conditions immersives
Le public qui pénètre dans l’Espace de projection (alias Espro) est muni d’un casque de réalité mixte (qui superpose du contenu virtuel et de l’environnement réel), équipé de quatre micro-caméras installées sur sa partie frontale.
C’est à travers ses lunettes magiques que nous est révélé le ballet L’Ombre, conçu d’après le conte éponyme d’Andersen.

.L’Ombre, spectacle hybride immersif de Blanca Li et Edith de Chizy, Festival Manifeste Ircam photo Quentin Chevrier
Une collaboration féconde
Fruit d’une collaboration féconde de deux artistes (et deux académiciennes), la chorégraphe Blanca Li et la compositrice Édith Canat de Chizy, il sollicite les ressources de l’IA (qui a mobilisé une bonne part des têtes chercheuses de l’Ircam), les perspectives de la vidéo et des lumières (Charles Carcopino et Pascal Laajili) et bénéficie de conditions d’écoute exceptionnelles qui permettent une immersion totale dans le son.

.L’Ombre, de Blanca Li et Edith de Chizy, s’inspire d’un conte d’Andersen Festival Manifeste Ircam photo Quentin Chevrier
La richesse du son spatialisé
Entouré d’une riche palette instrumentale (incluant le xylosynthé pour réduire au maximum l’espace du dispositif), le percussionniste Arthur Bechet (en alternance avec Florent Jodelet) est perché sur un promontoire en fond de salle, un clic dans l’oreille pour être synchro avec la danse. Il est à l’œuvre durant tout le spectacle avec un engagement total pour restituer la partition ciselée et luxuriante de la compositrice. Le son est capté en live, spatialisé et mixé à une partie électronique non moins agissante, le tout bénéficiant du système ambisonique (écoute en 3D) de l’Espro .

.L’Ombre, de Blanca Li et Edith de Chizy, Festival Manifeste Ircam photo Quentin Chevrier
Quant aux danseuses et danseurs (ceux de la Compagnie Blanca Li rejoints par quelques apprentis), ils vont évoluer la plupart du temps sur les plateformes aménagées au-dessus du plateau, le public étant invité à déambuler librement sur la scène.

.L’Ombre, de Blanca Li et Edith de Chizy, Festival Manifeste Ircam photo Quentin Chevrier
Visions bluffantes
Les prouesses de l’IA ne tardent pas à bousculer nos perceptions du temps et de l’espace. Est projeté en 3D un décor urbain vertigineux où l’on aperçoit les danseurs sur les balcons ou au sommet des toits tandis qu’un chat rôde dans les gouttières.
Boostés par une percussion toujours en mouvement, qui renouvelle ses couleurs (flexatone, cymbale chinoise, vibraphone) et ses vitesses, les danseuses et danseurs donnent de la voix (souffle, cri, onomatopées) qui accompagne le geste et libère l’énergie.

.L’Ombre, de Blanca Li et Edith de Chizy, Festival Manifeste Ircam photo Quentin Chevrier
Suivant les étapes de l’histoire
Le scénario compte neuf tableaux de sept minutes et autant de scénographies différentes : on est dans la bibliothèque du savant, avec d’énormes livres qui se baladent dans l’espace ou l’afflux de lettres colorées qui dansent autour de nous. L ‘imagination est à l’œuvre et les propositions toujours étonnantes, comme ces balançoires géantes mises en mouvement ou le ballet des parapluies avec de grosses goutes qui tombent, que l’on entend (design sonore) sans les ressentir.
Les ombres passantes décuplent le nombre des corps qui s’agitent, qui dansent et volent dans l’espace comme dans les tableaux de Chagall.
Mais le conte d’Andersen finit mal et bascule dans le cauchemar : des lames effilées de couteaux strient l’espace tandis que sifflements, cris des danseurs, crécelle agressive, sirène et coup de feu ponctuent la scène du crime, plongeant les spectateurs dans l’atmosphère des films noirs d’un Murnau.

.L’Ombre, de Blanca Li et Edith de Chizy, Festival Manifeste Ircam photo Quentin Chevrier
Morale de l’histoire
Le cortège funèbre, avec bougies et pleureuses, qui passe dans les rangs du public au terme du ballet, n’est pas sans alerter, Blanca Li prenant à partie les spectateurs en leur donnant à voir le cercueil du savant, sorte de métaphore des dangers encourus aujourd’hui par ce double inquiétant qu’est l’IA qui, certes, augmente les capacités de l’humain mais pourrait aussi bien le dominer… voire l’anéantir.

.L’Ombre, de Blanca Li et Edith de Chizy, Festival Manifeste Ircam photo Quentin Chevrier
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Pour suivre l’IRCAM
.L’Ombre, ballet multimédia d’après le conte éponyme d’Andersen (CM)
jusqu’au 13 juin, du mardi au samedi, à raison de deux séances par jour, du mardi au vendredi (19h et 21h) et trois séances les samedi et dimanche (15h, 17h, et 19h), Paris Ircam : Espace de projection 24-V-2025
- musique originale d’Édith Canat de Chizy
- mise en scène et chorégraphie, Blanca Li
- lumières Pascal Laajili ; vidéo Charles Carcopino ; costumes Laurent Mercier
avec les danseurs
- de la Compagnie Blanca Li : Martina Consoli, Melissa Cosseta, Emma Guillet, Julien Marie-Anne, Coralie Murgia, Gaël Rougegrez. CFA de l’A.I.D., Justine Taillieu ; Amaury Gravel, Julien Gabier
- et CFA Pietragalla-Derouault, Maena Becsangele.

.L’Ombre, de Blanca Li et Edith de Chizy, Festival Manifeste Ircam photo Quentin Chevrier
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