Crécelle, de Françoise Taillandier – Mozart mon amour, de Christophe Barbier
Est-il besoin de ressusciter Mozart ?
Tout a été écrit, joué ou filmé sur Mozart. Si la reconnaissance de son génie n’est évidemment plus un sujet, il convient toujours de rappeler les fondamentaux. C’est toute l’habilité et le ressort de la pièce de Christophe Barbier,
Elle se situe treize ans après sa mort. Devant le Conseil impérial d’Autriche, le diplomate danois Georg Nikolaus Von Nissen (1761 – 1826), et Constanze (1762-1842),) veuve de Wolfgang plaident, accompagnés au piano par le Kappelmeister Franz-Xaver Süssmayer (1766 – 1803), l’élève le plus connu du maître, pour faire reconnaître la postérité de Mozart : « Les siècles futurs honoreront Mozart, je n’en ai aucun doute. Mais notre siècle est en train de l’oublier. » ouvre d’emblée l’avocat de la défense.
Si j’ai cette audace, c’est parce que la cause que je vais plaider devant vous dépasse mon humble personne. La décision que vous prendrez dans quelques minutes ne concerne pas seulement Vienne, elle ne regarde pas que l’Autriche, elle ne se limite pas à l’Europe. Mesdames et Messieurs, votre décision intéresse l’humanité tout entière.
Christophe Barbier, Mozart mon amour, texte publié par L’avant-scène, collection des Quatre-vents
La tâche n’est pas si facile
Il faut toute la verve de l’ambassadeur, le voix de la veuve, et la délicatesse du pianiste – pour lever la double malédiction qui plombe la postérité de Mozart : « une mort très jeune, que la postérité a voulu rendre obscure ; et une œuvre d’enfant prodige qui semble remplir plusieurs vies, malgré sa brève existence » le rappelle Christophe Barbier qui met aussi en scène ce bonbon musical. L’homme à l’écharpe rouge qui écume les plateaux des chaines d’infos de ses saillies politiques n’est jamais loin de l’ambassadeur en brocard …. Mozart est même promu comme un élément de ‘soft power’ de l’Autriche !
Parce que le son des canons ne lui est plus favorable, l’Autriche doit briller par celui de ses orchestres. Mesdames et Messieurs, je viens vous demander, pour la gloire de votre Empire, de restaurer celle du plus génial de ses enfants : Wolfgang Amadeus Mozart.
Bien écrite, évoquant avec gourmandise et complicité les chefs d’œuvres
La plaidoirie illustrant le fil rouge « Mozart c’est le compositeur de l’amour » est incarnée ; autant par la délicatesse bienveillante du verbe que par les émotions les plus absolues des notes, Le trio ne ménage ni sa peine, ni les astuces théâtrales – en impliquant le public, par le vote, et même le chant avec deux ou trois airs distribués avec le programme- pour faire le basculer du côté des passionnés de Wolfgang.
Inutile de préciser qu’appuyée des plus beaux airs chantés avec délicatesse et volupté par la soprano Pauline Courtin, accompagné du pianiste Vadim Sher, la cause est (bien) entendue. La plaidoirie s’élève avec les applaudissements, autant pour ce spectacle musical, bien troussée sans autre prétention que le plaisir de retrouver un ami.
Et tout à chacun de sortir plus léger avec un ou deux notes joyeuses dans la tête.
Mozart fait partie de nous, Mozart est notre intime. Quand on écoute sa musique, elle nous pénètre, elle se glisse en nos veines et nous ensorcelle. Je sais que chacun de vous a vécu cette expérience. Et lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui…
Christophe Barbier nous invite à écouter Mozart. Son invitation n’est pas lancée à la légère, tant il reste à approfondir son héritage!