Gastronomie
Pierre Gay, le MOF qui parle des responsabilités du fromager
Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 25 février 2021
Pierre Gay a repris en 1989 la fromagerie familiale ouverte au centre d’ Annecy par son grand-père en 1935 riche de plus 250 références de fromages fermiers à l’année. Le MOF Fromager 2011 s’est associé à Damien Richardot pour créer à Paris Mon Bleu et ses deux adresses « POP, comme Populaire, comme Produits d’Origine Paysanne » : un comptoir dans le 9e, et un bar Vins Bio-Nature & Fromages Fermiers dans le 3e, où tout est à emporter.
Déjà enfant, Pierre Gay venait sentir les saveurs des fromages dans la boutique familiale rue Carnot à Annecy, créé par son grand-père en 1935 : « Je suis tombé dedans quand j’étais petit » confirme-t-il. « Depuis, nous avons fait beaucoup de modifications. Une cave à vins complète les étalages. » De ce creuset historique, l’entrepreneur a développé de solides convictions basées sur la responsabilité du fromager vis-à-vis des producteurs comme des consommateurs.
L’aiguillon du concours MOF Fromager
L’envie de voir plus loin le pousse à se dépasser. « Ce n’est pas en restant uniquement dans sa cave à fromages que l’on peut découvrir le monde des fromages ! Il convient d’échanger, de parler, même si chacun garde sa propre part de créativité et d’indépendance. »
En 2000, il assiste en tant que spectateur à la première session du Meilleur Ouvrier de France (MOF) Fromager. « J’étais très envieux et admiratif. En 2004 et 2007 j’ai eu la chance d’être jury pour ce concours, en tant que membre du syndicat des fromagers des pays de Savoie. Quand j’ai vu les résultats, je me suis dit : pourquoi pas moi ? » Il s’inscrit en 2010 pour concourir en 2011 et le décroche au premier essai. « C’est un plus pour l’entreprise et pour moi également en tant que professionnel. Cela oblige à sortir de la routine, à aller chercher très loin dans les recherches. Le concours se scinde en une partie pratique et une autre théorique où il s’agit d’avoir des connaissances sur les terroirs, les produits, les décrets. Quant à la partie technique et esthétique, elle demande un vrai savoir-faire. »
Une responsabilité de sentinelle pour des produits en danger
Le métier de fromager consiste à terminer les affinages de fromages. Cependant, ce qui lui donne le plus d’activité et d’engagement à Pierre Gay reste leur sélection, ce que désormais certains appellent le sourcing. « Je me rends chez les producteurs qui sont des veilleurs de produits. »
Croire en un fromage, le défendre et donner au producteur tous les moyens d’y arriver, tel est le credo de Pierre Gay. « Je ne pousse pas les producteurs à produire plus, même si j’ai la demande, pour préserver la qualité et les fermes à taille humaine. C’est pour cette raison que je ne développe pas une seconde adresse à Annecy. » explique-t-il conscient de la responsabilité du diffuseur sur le maintien de la qualité du produit. Et au-delà, de l’écosystème naturel qui le permet. « Il ne s’agit pas d’acheter au meilleur prix mais de préserver cette vie pastorale, complète-t-il. Nous essayons de remettre au goût du jour des produits en danger, en recommandant des recettes. Il y a un vrai travail. Nous sommes des sentinelles sur les bords des chemins de la gastronomie. Nous ne sommes pas dans la masse mais dans la niche. »
Retour à la saisonnalité des fromages.
C’est peut-être évident pour vous, mais, comme pour les fruits et légumes ou encore les poissons, Pierre Gay rappelle qu’il existe une saisonnalité des fromages. Beaucoup de producteurs ne travaillent que pendant la période estivale. Pour défendre cette vie pastorale et les bergers qui ne reçoivent des revenus que sur une courte période, certains fromagers de la région leur garantissent un revenu : « Nous leur demandons d’apporter un soin à ces fromages et, en contrepartie, nous leur assurons un revenu par mois à l’année. »
Concrètement, au printemps ce sont les chèvres. En été, ce sont les fromages de montagne à l’affinage court comme les tommes ou le reblochon. En automne, des goûts plus relevés avec des affinages plus longs, à l’image de la tomme au Marc. Enfin on choisit en hiver, les fromages fabriqués en alpage en été, des pâtes à raclette, le comté, le vacherin fribourgeois, le Mont-d’or.
Du POP d’ Annecy à Paris
En plus de la fromagerie à Annecy, Pierre y a ouvert un restaurant appelé au départ ‘Beau & Fort’ et désormais rebaptisé ‘Mon Bleu’ à Paris : « une fromagerie dans un restaurant ou un restaurant dans une fromagerie, s’amuse-t-il. L’idée est née de ma rencontre avec Damien Richardot, déjà restaurateur dans la capitale. Le concept existait mais pas sur une telle surface – 300 m2. Avec une centaine de couverts, les clients peuvent découvrir un choix de 80 fromages qui respecte la saisonnalité, avec une identité majoritaire venant des Alpes et du Jura. »
Ensuite, ce fut autour de Mon Bleu Le comptoir, un bar à vins et fromages, à la promesse basée sur une équation gagnante « 150 Vins à la carte x 150 Fromages = 22500 possibilités », constituant un véritable paradis pour les amateurs de découvertes de nouveaux accords fromages&vins.
Ce sont deux adresses « POP » revendique Pierre Gay, « comme POPulaire, et comme Produits d’Origine Paysanne ! », la fusion de convictions profondément ancrées.
Quand on lui demande quel est son fromage préféré, Pierre Gay avoue son faible pour le comté : « ce fromage ‘vit’ à partir de 4 mois et il peut être affiner jusqu’à 4 ans, durant cette période, il développe un panel de saveurs qui le rend très intéressant, à chaque étape. C’est avec lui, que j’ai le plus de plaisir gustatif. »
Les adresses fromagères de Pierre Gay
Fromagerie Pierre Gay
47 rue Carnot, 74000 Annecy
Tél. : 04 50 45 07 29
Mon Bleu – Fromagerie et plats à emporter (Restaurant)
37 rue du faubourg Montmartre 75009 Paris
Tél. : 01.45.89.23.96
Mon Bleu Le comptoir, Bar à vins & fromages
12, rue Dupetit-Thouars 75003 Paris
Tél. : 01 48 42 16 29
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