Culture

Plasticien et cinéaste, Clément Cogitore fusionne images animées et statiques

Auteur : Marc Pottier, Art Curator basé à Rio de Janeiro

Article publié le 3 août 2020

[Qu’est devenu le Prix Marcel-Duchamp 2018 ? ] Depuis le sud-coréen Nam June Paik (1936-2006), considéré comme l’un des fondateurs de l’art vidéo, les projections ne cessent d’être intégrées dans les œuvres plastiques. Le plasticien cinéaste Clément Cogitore est passé maître dans la fusion des images animées et statiques. Avec une volonté : « En art, il ne s’agit ni d’inventer ni de reproduire des formes, mais de capter des forces. » Il expose au CAPC de Bordeaux (jusqu’au 16 août) et au LUMA d’Arles jusqu’au 27 septembre.

Produire de l’accident, accepter l’aléatoire

Après des études à l’Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, et au Fresnoy-Studio national des arts contemporains, Clément Cogitore né à Colmar en 1983 vivant aujourd’hui entre Paris et Berlin, utilise le film, la vidéo (mais aussi parfois des installations ou des photographies) pour questionner les modalités de cohabitation des hommes avec leurs images. Le vidéaste nous parle de rituels, de mémoire collective, de figuration du sacré ainsi que d’une certaine idée de la perméabilité des mondes.

Que ce soit sous forme de  documentaire, de long-métrage Ni le ciel ni la terre, sur une mission de contrôle et de surveillance en Afghanistan, sélectionné à la Semaine de la critique du Festival de Cannes de 2015) ou à l’opéra, il revendique un mode opératoire personnel : « établir des règles très précises et, au milieu, laisser des éléments incontrôlables, pariant sur le fait que cela produira du sens et de la forme. »

La Perméabilité des mondes et de leurs codes

Le choc des cultures, c’est qu’il avait donné à voir dans son remarquable interprétation de l’opéra Jean-Philippe Rameau Les Indes Galantes d’abord en court métrage en 2017 qui lui valut une nomination aux Césars en 2019 dans la catégorie meilleur court-métrage, puis en le mettant en scène dans son intégralité à l’Opéra de Paris avec un succès critique unanime en 2019.

Le court métrage est une adaptation du célèbre ballet « Les Sauvages » qu’il métamorphose grâce concours d’un groupe de crew [danseurs hip hop] de Krump (né dans les ghettos de Los Angeles dans les années 90) réussit avec un remarquable maitrise à renouveler le genre dans le monde hyper rigide de l’Opéra.

Ce passage sans filtre d’une époque à une autre, d’un cadre que l’on croit figer à un autre est déjà l’une des forces de sa réalisation « Momento Mori » de 2012 où cinq loups émergent de la brume en errant dans un espace artificiel tenant à la fois du square pour enfants, du décor d’opéra et de l’enclos d’un zoo. Cogitore propose ici un tableau vidéo accompagnant un oratorio composé de cantates morales inédites du compositeur Luigi Rossi et de madrigaux spirituels de Claudio Monteverdi.

Bousculer les cadres et les frontières

La manifestation du sacré, un discours métaphorique sur les vanités sous-tend l’œuvre de Clément Cogitore qui ne s’impose aucune règle et nous fait voyager aux frontières personnelles ou collectives de paysages fictionnels et mythologiques. Nous nous retrouvons en Egypte, Moscou, dans les catacombes romaines, dans un sous-marin mais aussi à la surface de la peau humaine, des sables du désert ou celle des grottes de Lascaux. Cogitore traite ses installations, ses photos et ses films avec une intensité visuelle et un sens du conte qui confine au fantastique.
« Visuellement, je pense que tout mon univers de plasticien est présent, dans la représentation des corps et des paysages, comme dans l’utilisation parfois à la limite de l’expérimental des technologies infrarouges et thermiques. Concernant les enjeux (la croyance, les rituels, la représentation de l’invisible), ce sont des questions sur lesquelles je travaille depuis mes débuts. » confie-t-il.
Ces interrogations permettent de relier le vidéaste aux plus grands artistes comme au Musée Chagall de Nice (du 11 mai au 28 octobre 2019)

Un artiste qu’on a envie de suivre sur tous les écrans

Internationalement reconnu, l’artiste n’a cessé d’accumuler les distinctions. Déjà dès ses débuts il a été récompensé en 2011 par le Grand prix du Salon de Montrouge pour ‘scène de chasse’ (une installation vidéo sur les vestiges des miradors aux limites de l’Europe pour dénoncer la manière dont la politique transforme l’être humain en gibier quand on suppose les frontières menacées).

Il fut nommé pour l’année 2012 pensionnaire de l’Académie de France à Rome-Villa Médicis. Ses films ont été sélectionnés et récompensés dans de nombreux festivals internationaux (Cannes, Locarno, Telluride, Los Angeles, San Sebastian).

Clément Cogitore, un artiste dont on a envie de suivre ses défis de fiction et ses interprétation-collaboratives au cinéma, sur son ordinateur ou son smarphone.

Pour suivre Clément Cogitore

Clément Cogitore (site)

Reinhard Hauff, sa galerie (Stuttgart)

Expositions en cours :

Prochains rendez-vous à ne pas manquer :

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