Culture
"Paris, L'Amour et l'Espoir" de David Turnley (grilles de l'Hôtel-de-Ville de Paris)
Auteur : Patrice Gree
Article publié le 13 octobre 2024
Photographe américain amoureux de la France en général et de Paris en particulier, David Turnley est reporter de rue et de guerre, de campagne et de combat, cherchant « l’âme de l’humanité ». Son regard documente avec la même acuité bienveillante évènements et personnalités historiques ou un simple moment de la vie quotidienne. Ce qu’il capte avec sa « petite boite noire » autour du cou, libère une émotion qui touche Patrice Gree ! Quelques uns des récits parisiens de ce lauréat du prix Pulitzer de la photo, et deux World Press Photos, sont exposées sur les grilles de l’Hôtel de Ville de Paris, jusqu’au 29 novembre 24, hommage légitime au plus parisien des Américains.
De Fort Way Indiana … à Paris
Photographe franco-américain, d’origine écossaise. Né en 55 à Fort Wayne en Indiana. Fort, Wayne, Indiana…ça ne s’invente pas ! En trois mots, le décor du Far West, avec l’harmonica et la corde du pendu, est planté !Tu es dans l’Amérique de ton enfance, la télé est en noir et blanc, ton père et ta mère sont vivants, tu es là assis, entre eux sur la banquette, une main dans chaque main, t’as 8 ans et la mort n’existe pas !
Il faut être attentif aux mots, ils véhiculent nos imaginaires, ouvrent nos espaces intérieurs, nous trompent souvent, nous révèlent parfois… Les mots sont des images masquées.
Cartier Bresson à l’origine de vocations
C’est dans une chambre d’hôpital où séjournait Peter son frère jumeaux – qui lui aussi deviendra un photographe de grand talent – après un accident de football, que David découvre l’univers de la photo en feuilletant un livre de Henri Cartier-Bresson, judicieusement offert par la mère et le père à Peter ! Ce livre, dans cette chambre fermée d’un hôpital de banlieue, sera la fenêtre qui s’ouvrira en grand sur le monde… Un choc qui bouleversera leur vie, déterminera leur existence !
Une vie de baroudeur au long cours
David, né au cœur d’une famille où la justice et le piano occupaient une place centrale, épousera très jeune la cause anti-raciste. La trace de cette cause sera visible dans la plupart de ses reportages. Avec son air d’éternel étudiant en troisième année aux Beaux-arts, son teint rose et frais, ses cheveux blonds, et ses yeux bleus flamands attentifs aux infinies variations des couleurs du jour et à la douceur des lumières du soir, David Turnley a mené une vie de baroudeur au long cours, parcourant la boue et la merde du monde, dans tous ses conflits et ses guerres ces trente dernières années. Ses yeux bleus flamands ont vu la noirceur du monde, la crasse, la misère, la faim, l’injustice, la violence inouïe, la terreur, la maladie, la mort, l’horreur… mais aussi, l’espoir renaître, la liberté retrouvée, la joie revenir…
Moi qui suis né à Versailles dans les Yvelines en 1958, et n’ai sillonné durant ces 40 dernières années, vierges de gloire – il faut bien le reconnaître – que le 13 et le 5ème arrondissement de Paris, ne m’aventurant qu’avec une extrême prudence Rive droite, la vie de David me fascine, m’impressionne et m’interroge ! Rwanda, Ukraine, Iran, Irak, Roumanie, Afrique du Sud, Afghanistan, Haïti, Tchétchénie, …
Qu’est-ce qui peut pousser un homme blond au teint rose et aux yeux bleus flamands à franchir les portes de l’enfer que tout le monde veut fuir ?
Aller volontairement à la guerre demande un immense courage d’abord mais aussi autre chose… C’est cet autre chose que tu ignores et qui te questionne lorsque tu regardes quelques-unes, parmi les milliers, de ses photos prises au plus près des combats. En regardant certaines images, tu entends les balles siffler autour de tes oreilles…
La vie serait-elle plus intense à proximité de la mort, là où, affamée, elle rode ?
On peut facilement imaginer qu’armé d’un unique Canon*** – Canon Eos C300 Mark III -, qu’il n’échappera aux balles et aux bombes, que grâce à l’intervention super rapide du service d’urgence des miracles humains. Autant j’aurais adoré être le fils de la maman pianiste de David, autant je crois que n’aurais pas du tout aimé être sa maman !

David Turnley Paris Portfolio Photo David Turnley
Le troisième œil du photographe
Si la guerre est l’un de ses sujets, il n’en a pas fait son unique préoccupation ! David a accompagné dans leur cheminement politique des hommes de pouvoir exceptionnels. Obama et Mandela, dont il fut proche, en sont des exemples ! Ces clichés démontrent, dans leur intimité, sa proximité affectueuse avec ses personnages hors normes.
Mais si tu as la chance d’être un homme ordinaire, à l’abri de l’enfer du pouvoir, son troisième œil de photographe – on le voit pas, il est planqué à l’intérieur de lui, dans sa poitrine quelque part dans un coin du cœur -, sera aussi saisir dans un moment banal de ta vie quotidienne, une émotion qui t’avait peut-être échappé !
J’aime le noir et blanc parce que cela enlève la question de temps. Peut-être que cela permet aussi de donner une profondeur à l’âme.

David Turnley Paris Portfolio Photo David Turnley
Une joie, une tristesse, une interrogation que ton visage, à ton insu, révèle ou trahit…
Parce que finalement, il est là le mystère Turnley, s’il y en avait un !
David aime les gens…tous les gens ! Ses photos en témoignent. Le regard perdu de la mère de famille sous les bombes, comme celui au même instant à l’autre bout de la planète, de l’amoureuse qui s’abandonne, un soir d’été, au baiser sur le Pont des Arts… Il témoigne de la vie, cruellement livrée au terrible Dieu hasard, dans la terreur ou dans la joie !
David Turnley Paris Portfolio (grille de l’Hôtel de Ville de Paris) Photo Patrice Gree
Après avoir traqué la mort aux quatre coins du monde, c’est l’amour que David cherchera à surprendre, dans nos troquets, nos rues pavées, nos ponts de pierres, au soleil ou sous la pluie.
Et c’est l’amour des femmes, des vieux, des enfants et bien sûr de Paris…que le plus parisien des Américains, expose sur les grilles de l’Hôtel de Ville, Rue de Rivoli jusqu’au 29 novembre.

David Turnley Paris Portfolio (grille de l’Hôtel de Ville de Paris) Photo Patrice Gree
**** Oui David, je sais c’est un Leica, ton appareil ! Mais pour un jeu de mot, même médiocre, je suis prêt à piétiner, sans honte, ni culpabilité, n’importe quelle vérité historique.

Pour suivre David Turnley
jusqu’au 29 novembre 24, grilles de l’Hôtel de Ville de Paris, et jusqu’au 3 novembre, La Belle Hortense, 31 Rue Vielle de Temple, 75003. Loin des zones de conflit qui ont souvent marqué sa carrière, David Turnley cherche depuis 50 ans à capturer l’âme de la ville Lumière, qu’il décrit comme « sa ville spirituelle ». Ses plus beaux clichés – de 1975 à aujourd’hui – brosse un portrait intime et poétique de Paris, témoignant de la diversité de ses habitants de la beauté de son quotidien.

Paris, L’Amour et l’Espoir, de David Turnley (grille de l’Hotel de Ville de Paris) Photo Patrice Gree
Le site David Turnley – compte Facebook – @davidturnley
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