Quatre Poches pour agrandir ses horizons de Joëlle Zask, Christian Grataloup, Aliette de Laleu, et Lucie Rico

Les temps l’imposent, il est temps de prendre l’admiration au sérieux. D’autant que pour Joëlle Zask, c’est « un sentiment nous fait grandir » (Premier Parallèle). Autre éclairage sur notre rapport au monde, le géohistorien Christian Grateloup raconte comment avec le petit déjeuner « le monde est dans nos tasses » (Poche Dunod). Pour un changement de regard, Aliette de Laleu signe « Mozart était une femme, histoire de la musique classique au féminin » (Champs Flammarion) pour lever l’invisibilisation des musiciennes. Quoi de plus nécessaire qu’un « GPS » pour Olivier Olgan, Lucie Rico (Folio) rappelle que cette technique de déplacement crée aussi un autre espace de perception, et donc de narration, son thriller de map et de bips s’appuie sur une écriture parfaitement adéquate.

Admirer, Eloge d’un sentiment qui nous fait grandir, de Joëlle Zask (Premier Parallèle)

Alors que la France s’enthousiasme des exploits de ses champions olympiques, ce petit livre « Admirer, Eloge d’un sentiment qui nous fait grandir » (Premier Parallèle) non seulement conforte votre plaisir d’admirer, mais il le valorise!

Loin de nous pousser à ressembler, voire à fusionner avec ce que nous admirons, comme le veut cet affect tout autre qu’est la fascination, il nous pousse dans la voie qui est la nôtre.
Admirer est avant tout une interaction vivante, une manière à la fois conviviale et écologique de se relier au monde.

En le différenciant de l’adulation et de la fascination (qui dépersonnalisent), Joëlle Zask pose les bases d’une « culture de l’admiration » à la fois positive et radicale, « d’oubli de soi et d’ouverture sur un monde étonnamment singulier ». Cette énergie transcende notre condition, et donne une magnifique raison d’espérer – une fois la flamme olympique éteinte – de rester éveiller.
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Le monde dans nos tasses L’étonnante histoire du petit déjeuner, de Christian Grataloup (Poche Dunod)

Le petit-déjeuner est un rapport au monde

En buvant votre thé, votre café ou votre chocolat, c’est un peu comme si vous buviez le Monde ! Le géohistorien Christian Grateloup nous le rappelle dans un style percutant et très érudit. Son « histoire du petit déjeuner » peut paraitre triviale, voir superflue. Au contraire, elle éclaire une pratique qui s’est imposée en trois siècles, entrainant une vaste évolution du monde. La qualité de ce conteur gourmand et de pédagogue magicien des cartes de fait de ce petit livre, un grand récit qui vous nourrira autant qu’il vous transportera loin. Il vous plonge au cœur de la mondialisation, à travers le prisme de la consommation de votre breuvage matinale, que vous soyez thé, café et chocolat, et des « objets – monde », la tasse et le grille +-pain que vous utilisez pour les déguster.  Derrière le petit déjeuner sur votre table ou au comptoir, c’est toute une puissante dynamique de découvertes, de productions et d’échanges qui a formaté des habitudes collectives comme des pratiques individuelles

« Quand le déjeuner devint petit, le monde est devenu grand« 

Pour installer nos habitudes « continentales » du petit déjeuner, le géohistorien nous offre en effet un étourdissant tour du monde doublé d’un tour de force de sa discipline : son récit croque des processus profonds de ces « métissages alimentaires » qui nous définissent, de leur découverte des denrées à leur exploitation.

Sans oublier aussi « le dos de la cuillère », faite de plantations esclavagistes, de traites négrières, d’inventions de l’industrie agro-alimentaire ! « Délice du Nord, labeur du Sud » Notre pratique matinal a cristallisé pour le meilleur et le pire la division Nord/Sud.  La pérennité de ce petit déjeuner est loin d’être assurée, avec les nouvelles aspirations – contradictoires – entre les attentes environnementales et les responsabilités locavores sociétales. Les premières prenant le dessus sur les secondes.  Une illustration savoureuse, dans tous les sens du terme, de cette « bifurcation du monde »  jamais sans conséquence et de nos « arts de faire » si bien réhabilités par l’auteur. Podcast à écouter

Aliette de Laleu, Mozart était une femme, histoire de la musique classique au féminin (Champs Flammarion)

Le travail de « désinvisibiliser » les artistes femmes dans l’histoire des arts exige constance et inclusion « L’histoire de la musique classique au féminin », est à ce titre édifiant (Champs Flammarion), tant Aliette de Laleu, lauréat Essai 2023 du Prix Littéraire des Musiciens contribue dans un style alerte à casser le mythe des femmes inspiratrices et passives dans l’ombre des compositeurs. Si elles ont toujours joué et composé, elles ont dû affronter deux principaux obstacles : d’abord celui de l’accès empêché aux carrières, puis celui de leur effacement des mémoires et des archives. Cette « réhabilitation » est en marche en Occident, mais, elle n’est ni linéaire, ni sans risque de retour en arrière.
A chacun d’y participer, en commençant par les écouter avec la playlist idéale de la productrice à France Musique. Sans tomber dans un militantisme ostracisant qui brouille toute légitimité esthétique. Lire notre chronique intégrale

GPS, de Lucie Rico (Poche Folio)

« Le roman » du GPS… il fallait que ça arrive. Après tout, nous vivons avec cette technique de déplacement, elle crée un autre espace de perception, donc de narration. Le roman de Lucie Rico (édité par P.O.L en 2022) nous restitue régulièrement la magie de la perception GPS. Le titre géolocalisé guide et égare dans cette nouvelle dimension à la fois dédoublée et quotidienne, et ce n’est pas moins ni plus étrange que…sans GPS !
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Olivier Olgan