Sélection Off d’Avignon 22 : Believers, Carmen ou presque, Lettres de mon moulin, Hector Obalk.

Parmi le bon millier de spectacles du Off, pour découvrir les pépites, l’amateur peut faire confiance au travail éditorial des Collectifs comme La Factory ou Alya Le Théâtre/ L’espace ou suivre les recommandations volontairement éclectiques de Singulars, histoire de bien commencer cette édition : Believers (Jaworowski/Camus), Carmen ou presque (Sara/ Sempéré), Lettres de mon moulin (Daudet/Caubère) et Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures (Obalk).

Believers, de Ken Jaworowski, mis en scène de Laure Camus

Avec Aurélie Camus, Denis Lefrançois, Anne-Laure Maudet et Romain Poli
Théâtre du Grand Pavois, 13 rue Bouquerie, à 12h00

Donna et Chris se rencontrent à vingt ans et vient ensemble porté par leur insouciance et leurs rêves. 20 ans plus tard, Chris et Donna s’ont installé comme on dit « dans la vie » avec enfant, métier, routine… L’irruption du tragique suffit à balayer les illusions de l’insouciance et à mettre à l’épreuve toutes les évidences.
Grâce à un astucieux dispositif centré sur un lit dont la délicate adaptation et mise en scène d’Aurélie Camus tirent le meilleur parti, l’adaptation modernisée du texte Ken Jaworowski prend toute sa dimension à la fois intime et dramatique.
Difficile de ne pas partager l’insouciance de ces amoureux confiants dans leur projet de vie puis de ne pas souffrir avec eux faute de solutions que la vie n’offre pas si facilement ! Cette peinture douce et acide de la vie prend chair et vie grâce aux quatre jeunes comédiens qui utilisent toute une palette d’émotions avec nuances et précisions pour rendre cette tranche de vie crédible et attachante.

Carmen ou presque, de et avec Sophie Sara

Avec Sophie Sara, Mathieu Sempéré, Philippe Moiroud, Ariane-Olympe Girard et Olivier Hardouin.
La Chapelle des Italiens, 33 rue Paul Saïn, du 7 au 25 juillet à 18h15 (relâches les mardis).

De l’œuvre de Bizet que reste-t-il après une grève du théâtre, un décor en vrac, une mutinerie des acteurs, et beaucoup de zizanie ? Une parodie lyrique bien enlevée, bourrée de quiproquos, de rires et des incontournables tubes de Carmen, chantés live par Mathieu Sempere (ténor du groupe les Stentors) et Sophie Sara. Si la trame est plutôt lâche dans tous les sens du terme, Bizet n’y retrouverait pas ses petits, elle est surtout le prétexte à un feu roulant de gags, de clins d’œil à l’actualité et au sérieux des productions d’Aix en Provence ! Le tout est plongé dans une folie burlesque très cartoonesque. Il faut beaucoup de talents et de maitrise pour jongler avec le chaos. La réussite tient au rythme endiablé, insufflé par la mise en scène de Kamel Benac à des acteurs caméléons qui jouent de tout bois, du balais et de leurs voix !
Pour rester raccord avec ce théâtre lyrique loufoque et poétique, il ne manquerait plus qu’une révolte des intermittents à Avignon, mais rassurez-vous la troupe est rompue pour assurer la continuité du service et donner des fous rires aux spectateurs, qui rarement demandent à être remboursés au plus grand bonheur du producteur !

Lettres de mon moulin, spectacle de Philipe Caubère, en deux soirées

La Comédie Nouvelle, Salle Molière, 13, rue de la Croix, 84000 – Avignon

Après les deux spectacles en alternance pendant plus de 5 mois au Théâtre de l’Œuvre, et une nomination pour les Molères 22, Philippe Caubère poursuit sa déclaration d’amour pour le monde merveilleux et cruel d’Alphonse Daudet (1840-1897) avec une nouvelle sélection de contes déclinées en deux soirées. La gourmandise truculente du comédien qui incarne tous les personnages de ces contes burlesques ou graves libère le souffle de la Provence et révèle la subtile profondeur d’un auteur populaire.
Performance bluffant que livre le comédien. Tantôt narrateur truculent, tantôt personnages archétypaux, burlesques ou dramatiques, le natif de Marseille se glisse dans les mimiques de chacun, et même de Dieu ! Surfant sur le verbe gourmand d’Alphonse Daudet, il décline une brassée d’émotions et de situations où larmes et rires se succèdent.
Lire plus dans Singulars

Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures, d’Hector Obalk

Tous les soirs à 21h35 au Théâtre Actuel, 80 rue Guillaume Puy, Avignon
du 7 au 30 juillet inclus, tous les jours sauf dimanches

Si tu ne vas pas au musée, le musée ira à toi. Ce qui s’annonçait comme un utopie Don quichottesque, donner goût à la peinture au plus grand nombre, est devenu un succès qui a couru toute la saison dans deux théâtres parisiens. Convaincu qu’il faut aller chercher le public là où il se trouve et qui ne l’attend pas, Hector Obalk est à Avignon avec son show ébouriffant de culture décomplexée, accompagnée de ses musiciens sur scène pour le son.

Avec érudition et humour, le critique d’art relève un défi, qu’il définit de « prométhéen » : décrypter l’histoire de la peinture en deux heures (pour le bonheur des spectateurs, il ne respecte pas son horaire). Le plus talentueux, c’est qu’il ne cède à aucun compromis, ni facilité. Avec faconde, le showman entraine ses spectateurs dans la subtilité entre les écoles maniéristes sur un galbe ou une posture, pour ensuite rebondir sur le sens d’une couleur ou d’une forme. Le maitre pédagogue laisse surtout libre cours à sa gourmandise grâce au dispositif technique immersif qui lui permet de rentrer dans chaque œuvre cernant un détail, puis de passer à une autre,. Avec un but sincère, partager sa passion pour l’art.

Deux heures c’est court, mais cela suffit au démiurge en vocation de donner envie d’entrer sur ses traces dans les musées. Cela tombe bien il y en a plusieurs à Avignon. Exigence de fond et de savoir, l’expérience finement ciselée est tout le contraire de celle factice des Centres numériques qui hélas se multiplient depuis les Baux de Provence, de Paris à Bordeaux ! Obalk continue ton utopie, ils sont devenus fou !

#Olivier Olgan

Pour en savoir plus : Village du Off, 6, rue Pourquery de Boisserin