(seul en scène) Le Pianiste aux 50 Doigts, de Pascal Amoyel (Théâtre Montparnasse)
Plus que quelques jours pour découvrir « Le Pianiste aux 50 doigts » l’hommage de Pascal Amoyel à son maitre Georges Cziffra au Théâtre Montparnasse jusqu’31 décembre. C’est la quintessence du théâtre musical, par la qualité du jeu du pianiste-comédien, par la force du spectacle qui entremêle, récit et récital, souvenirs intimes et portrait poignant du destin perturbé d’un des grands virtuoses du XXe, et enfin par la qualité de la mise en scène de Christian Fromont. Elle prend les tripes et les oreilles pour un voyage musical littéralement époustouflant tant il est incarné.
La fusion du récit et du récital
Déjà tenaillé par l’admiration pour son maître, Le Pianiste aux 50 doigts est une reprise d’un spectacle que Pascal Amoyel avait créé il y a quelques années. A l’époque il peaufinait le concept de « théâtre musical » dont il est l’un des meilleurs initiateurs. Notamment avec le succès de Looking for Beethoven, dont le récital- enquête ouvrait brillamment les festivités pour les 250 ans de la naissance du compositeur.
Depuis le COVID est passé par là mais le pianiste – comédien ne pouvait raté l’occasion de jeter un nouveau coup de projecteur sur Georges Cziffra (1921-1994) dont il ouvre la commémoration des trente ans de sa disparition.
Mettre Cziffra en lumière
Bien lui a pris, d’abord parce que le voile qui est tombé sur le virtuose adulé des années 70 mérite d’être déchiré. Pas seulement à cause de son destin fascinant, qui a malgré les camps de rééducation des dictatures de l’est réussi, une fois la liberté acquise en Occident, et plus particulièrement en France où il s’installe, à s’imposer comme l’un des grands interprètes du XXe. Sa singularité le distingue des autres, il aura été admiré et tenu à l’écart, ses origines sociales et d’une vie qui cadraient mal avec l’idée que se faisait la critique de l’époque, d’un grand musicien classique.
Outre ses origines, son ascension tardive, le « tzigane » ne pouvait être rattaché à aucune école ou maitre reconnu. Cziffra ne fut pas moins grand que les Arturo Benedetti, Sviatoslav Richter ou de Glenn Gould, il était seulement différent. Son seul pouvoir était artistique et humaniste, il fut un extraordinaire passeur, comme maitre et créateur du Festival de la Chaise Dieu.
Artiste et humaniste
Ces valeurs sont au cœur de l’hommage de Pascal Amoyel. Il prend toute sa dimension dans l’utilisation de l’immense scène du Théâtre Montparnasse. Grâce à une mise en scène très maitrisée qui fond en un tout cohérent récit et récital. Comme le pianiste fait oublier les partitions pour faire vivre la musique, le comédien s’incarne en caméléon rayonnant dans sa galerie de personnages – lui jeune, tortionnaire, producteur, … – pour mieux faire vivre l’admiration à son maitre.
Toute une panoplie de talents
Pour nous captiver, le pianiste comédien joue de toute sa panoplie de talents pour balayer la notion même de concert. La musique est y une actrice, une confidente et un aiguillon. Et il se permet tout avec son piano, qu’il caresse, ausculte ou triture devenu complice. C’est aussi le tremplin pour jouer les grands compositeurs que lui a transmis sont maître : Chopin, Beethoven, Rachmaninov, Bartók, … Pour mieux aussi s’en détacher, comme cette variation de Joyeux anniversaire « à la manière de » qui allie humour et décontraction, deux qualités rares sur scène pour un pianiste classique.
Pascal Amoyel nous montre qu’il se place désormais au-delà des étiquettes, pour partager et transmettre la musique. Une réussite qui nous espérons en annonce d’autres, tant il excelle à imaginer le « concert classique » de demain.
#Olivier Olgan
Pour suivre Pascal Amoyel