15 Solos shows d’ Art Paris 2023 d’Arcangelo à Jean-Pierre Pincemin (Grand Palais Ephémère)

Pour son 25e anniversaire, Art Paris a mis les bouchées double pour engager des galeries à dédier leur stand à un seul artiste : 15 ont répondu à l’appel disséminées dans cette Foire requinquée jusqu’au 2 avril : elles permettent de découvrir en profondeur le travail d’un artiste. Le panorama couvre toutes les générations, tous les genres et toutes les disciplines : d’ Arcangelo à Gérard Schneider, en passant par Vincent Bioulès, Jean-Pierre Pincemin et Yann Kebbi.

Singulars qui couvrent les solos shows (qui représentent toujours une prise de risques) de cette Foire est de plus en plus entendu, puisque 15 sont répartis dans l’ensemble du Grand Palais, facilement identifiables par une couleur distincte sur le nom du stand. Au-delà de la qualité de l’accrochage et de la cohérence de la mise en avant de l’artiste (Art Brussells donne un prix pour la meilleur monographie), le panorama couvre toutes les générations, tous les genres et toutes les disciplines. Pour les éclairer, nous avons puisé dans les présentations des galeries qui savent bien cerner les enjeux personnels.

Arcangelo, Segou del nuovo monde, 2011 (Galerie Tanit (Art Paris 2023) Photo OOlgan

Arcangelo, (1956- )(Galerie Tanit)

« Toute l’œuvre d’Arcangelo, écrit Ivan Quaroni, « est basée sur l’enracinement, le sentiment d’appartenance et le partage de l’héritage culturel des Sannites, qu’il prolonge et transforme pour inclure les héritages d’autres lieux et d’autres peuples ». Une affection pour son lieu d’origine qui « évolue et se transforme en quelque chose de plus puissant et d’universel, générant une peinture à vocation ‘globale’, foisonnante d’évocations de l’Afrique et du Proche-Orient, de la Méditerranée, de la Chine lointaine et au-delà ». ”.

Barbu, Louise (Galerie Françoise Livinec – Art Paris 2023) Photo OOlgan

Louise Barbu  (1931-2021) (Galerie Françoise Livinec)

« Depuis plus de 50 ans, Louise Barbu explore les méandres de la peinture abstraite. Abstraite car non figurative. Elle s’en détache tout de même par des formes organiques parfaitement définies et délimitées, le tout dans un espace parfaitement organisé, parlant elle-même de « non figuration figurée ». Cette phrase reflète bien le goût de l’artiste pour les paradoxes et la conciliation des impossibles. Louise Barbu a profondément été marquée par le souvenir des ciels de son enfance à Orly, traversés par les sillages des avions. Le registre végétal de ses débuts puise aussi son inspiration dans son jardin de Thiais où elle réalise ses premières toiles faites d’éléments végétaux collés dans des espaces en apesanteur, toiles qu’elle nomme la « période de l’air »

Bioulès, Vincent. Galerie La Forest (Divonne Art Paris 2023) Photo OOlgan

Vincent Bioulès (1938 – ) (Galerie La Forest Divonne)

Avec entre autres, Jean-Pierre Pincemin et Claude Viallat, Vincent Bioulès est l’un des fondateurs du groupe Support/Surface, l’un des derniers mouvements de l’avant-garde française, effectif au début des années 1970. Les panoramas qu’il représente sont issus d’images mnémoniques, captées en plusieurs fois, à plusieurs moments de la journée, recomposées ensuite à l’atelier. Il explore la couleur et la lumière dans des compositions frontales, des formes découpées, synthétiques, inventant une complexité nouvelle. Ses œuvres témoignent de « ce qu’il y a d’irremplaçable dans l’instant » dans une recherche reflétant son passage par l’abstraction : « Ce que je fais aujourd’hui n’aurait pu exister sans l’expérience précédente de l’abstraction ».

Boutterin, Jérôme (Marc Minjauw Gallery, Art Paris 2023) Photo OOlgan

Jérôme Boutterin (1960) (Marc Minjauw Gallery)

La distance critique de Boutterin trouve nécessaire d’opposer une résistance à cette histoire de la totalité. Mais la peinture doit aussi manifester une unité réalisée en décomposant ses méthodologies. Les stratégies de Boutterin à cet égard incluent une palette limitée, en ce sens que sa couleur, bien que pleine et vibrante, semble définir sa place sur la toile en tant que matériau du tube. Ses choix de marron, vert foncé, jaune cobalt, bleu outremer, ont de la stabilité et semblent non référentiels. La peinture est appliquée au pinceau, et ses gestes sont purement rhétoriques, ils ne sont pas émotionnels et il prend soin de ne pas souligner le rôle du peintre, bien que la main de l’artiste soit présente. Les gestes peints de Boutterin nous rappellent que les gestes picturaux signalaient autrefois la subjectivité des artistes, mais qu’à l’heure actuelle, les gestes picturaux sont maintenant tout simplement expressifs au sens le plus large – ce sont des métaphores, des marqueurs ou des signes d’expressivité, mais ils ne sont pas subjectifs.

Couturier, Robert (Galerie Dina Vierny Art Paris 2023) Photo OOlgan

Robert Couturier (1905-2008) (Galerie Dina Vierny)

Entre tradition et modernité, Robert Couturier propose une nouvelle interprétation de la figure humaine, question qu’il partage notamment avec Germaine Richier (1902-1959) et Alberto Giacometti. Inventeur de la sculpture allusive, il se libère de la forme classique pour apporter un renouvellement. La figure féminine est principalement sa source d’inspiration. Par une ligne, il suggère le corps tout en utilisant un langage pluriel de formes étirées, pleines ou creuses. Il crée des œuvres dynamiques dans un souci de dialogue entre la forme et l’espace. Il joue avec la matière, utilise du plâtre, du bronze, de la pierre et intègre des objets de la vie quotidienne dans ses sculptures. Les œuvres de Robert Couturier sont rythmées entre la forme et la matière, un doux équilibre qui offrent la plus grande liberté d’interprétation.
Tandis que Germaine Richier (exposée à Beaubourg jusqu’au 12 juin 23) créé un climat fantastique où baignent des êtres hybrides, Robert Couturier imagine une expression plus mentale marquée par une certaine atmosphère apollinienne.  Pour aller plus loin exposition Couturier-Richier : une amitié sculpturale, jusqu’ au 22 avril à la Galerie Dina Vierny

Dewasne, Jean (Galerie Patrice Trigano Art Paris 2023) Photo OOlgan

Jean Dewasne (1921-1999) (Galerie Patrice Trigano)

Pionnier de l’art constructif, pluridisciplinaire revendiqué, grand théoricien de la peinture abstraite, Jean Dewasne a dès l’âge de trente ans rédigé un Traité d’une peinture plane, texte parmi les plus pénétrants en matière d’esthétique picturale et d’éthique humaniste, mais aussi admirable plaidoyer en faveur d’une peinture libre, délivrée de toute tentation représentative ou figurative.
Ce langage de formes et de couleurs qui va élargir le vocabulaire de l’abstraction géométrique qu’il veut universel, est largement fondé sur des bases scientifiques. Il estime qu’il accède de cette manière « à un niveau encore plus élevé « d’abstraction ». Dewasne, qui réfute tout effet illusionniste de perspective et de profondeur, va faire prévaloir un système d’aplats de couleurs s’imbriquant de manière cohérente, sans superposition et ne faisant qu’un avec le fond. Les géométries non euclidiennes vont, quant à elles lui donner la possibilité de travailler sur des surfaces sphériques et ainsi sortir de la peinture sur surface plane, tout en conservant la ferme planéité de son langage plastique.

Makhloufi, Nabil El. (L’Atelier 21, Art Paris 2023) Photo OOlgan

Nabil El Makhloufi (1973) (L’Atelier 21)

La figuration demeure d’ailleurs la dominante dans la démarche esthétique de l’artiste et ce qui détermine le mieux l’originalité de son art. Une figuration qui imprime un univers très particulier à la toile. On ne sait pas où s’arrête le réalisme et où commence le symbolisme. Ce qui est sûr, c’est que chaque peinture prend et impose un temps de suspension à celui qui la regarde. Les personnages que l’artiste crée ne sont jamais inertes. Ils imposent toujours une présence à la fois fragile et menaçante. Tout en étant enracinées dans la culture de son pays d’origine, les œuvres d’El Makhloufi se nourrissent de la culture et de la terre où leur auteur vit.

Andrea Galvani (1973) (Fabienne Levy)

Adoptant une approche interdisciplinaire qui s’appuie souvent sur une méthodologie scientifique, la recherche conceptuelle de Galvani informe son utilisation de la photographie, de la vidéo, du dessin, de la sculpture, du son, de l’installation architecturale et de la performance. Son travail semble accroître la conscience, articuler et repousser les limites de la perception sensorielle.
Enquêter sur les relations entre fragilité et monumentalité, temporalité et continuité, visibilité et invisibilité, ses projets sont des documents d’interventions orchestrées sur le terrain. Modifiant et déformant l’environnement naturel, Galvani transforme l’environnement en un laboratoire d’expérimentations physiques, d’observation cérébrale et d’action collective.

Galvani, Andrea. (Fabienne Levy, Art Paris 2023) Photo OOlgan

Extrait de l’exposition Elévation, le stand immersif crée pour Art Paris articule et défie la force de gravité. Nous expérimentons ses contours sur les sommets des montagnes et l’étreinte douce des vallées. C’est la légèreté, la lévitation, la sublimation – l’acte d’ascension, l’apesanteur de l’esprit. Elevation d’Andrea Galvani nous amène aux confins de la connaissance humaine, là où le physique et le métaphysique convergent. À certains moments de l’exposition, l’exposition est activée par une série de performances, transformant la galerie en un espace vibrant de flux sans fin.
La pratique immersive et interdisciplinaire de Galvani étend notre perspective de l’individuel au collectif, du personnel au planétaire et au-delà, en contextualisant l’expérience humaine dans le temps géologique et le changement cosmique. Explorant les relations entre fragilité et monumentalité, temporalité et continuité, visibilité et invisibilité, il interroge les notions d’espace, de temps et de notre place humaine dans l’Univers. Son travail ouvre les portes de l’infini : nous ne sommes plus seulement spectateurs mais acteurs d’un théâtre vivant de l’expérience.

Josseau, Alain. Galerie Claire Gastaud, Art Paris 2023) Photo OOlgan

Alain Josseau (1968) (Galerie Claire Gastaud)

« Alain Josseau, peintre d’histoire contemporaine, construisant une pensée autour de l’image à travers ses dessins, peintures, installations et vidéos, intègre depuis 1996, autour des images médiatiques, une réflexion sur leur réalité, leur mode de fabrication et de diffusion. Huit œuvres de la série Géographe, réalisées entre 2021 et 2022 est une suite de dessins à l’encre et à l’aquarelle qui représente des personnages observant, pointant, tenant des cartes géographiques, devant des sand table, assistant à des cours de tactique ou jouant à des jeux de stratégie tel que « Risk ». Le sujet principal de chaque œuvre est la carte géographique, acteur discret du théâtre de la guerre et de la politique. L’installation « G255 #2 » vidéo/maquette réalisée pour cette exposition : Alain Josseau démontre qu’on peut produire des « fake news », propagandistes ou révisionnistes, avec peu de matériel. A l’instar de celle montrée à la Fondation EDF (2021), cette deuxième installation révèle toute une mécanique pour fabriquer un reportage de guerre authentiquement faux.

Kebbi, Yann (Galerie Martel, Art Paris 2023) Photo OOlgan

Yann Kebbi (1987) (Galerie Martel)

Cet acharné du dessin est curieux de toutes les ressources graphiques. De la gravure au monotype, du collage au crayon, du pastel au stylo en passant par la photo, il ne s’interdit rien. Le plus fort ?
Ses dessins ne se laissent pas seulement regarder : pour qui s’y attarde, ils racontent. Tout part du croquis sur le motif, dont les accidents se réinvestiront dans le travail final. Ses anges tutélaires ? On s’en doute, Kebbi adore « les dessins un peu bavards, ceux qui comportent des clés de lecture.
« Le combat contre le temps est le seul véritable sujet de roman », a dit HP Lovecraft. La remarque vaut aussi fort pour l’art plastique, qui livre son vrai combat lorsqu’il tente de représenter le passage des secondes. Vermeer, Picasso, Bacon – et Duchamp – sont là pour le prouver. Sérieusement mais sans se prendre au sérieux, Kebbi s’attache à résoudre en deux dimensions cet éternel paradoxe liant l’espace au temps – et y parvient. Jouant avec les codes et les frontières, Yann Kebbi propose une œuvre d’une variété et d’une tenue rarement vues, offrant une réflexion sur le rapport qu’entretien l’humain avec sa propre image.

Lacroix, Yann. (Galerie Anne-Sarah Bénichou Art Paris 2023) Photo OOlgan

Yann Lacroix (1986) (Galerie Anne-Sarah Bénichou)

Par la pratique exclusive de la peinture, il réalise notamment des paysages, parfois peuplés de figures fantomatiques déployant une iconographie utopique et fantasmée, guidée par ses souvenirs de voyage, la mémoire potentielle de ces lieux silencieux et celle de l’histoire de la peinture. Telles des métaphores du processus de la mémoire, les œuvres de Yann Lacroix superposent des espaces flous et des zones de détails particulièrement précis dont l’intensité contraste avec le brouillage visuel d’autres zones de la toile.
Sa pratique picturale est majoritairement axée autour des paysages. Leur aspect luxuriant n’est pas sans évoquer les destinations de voyage les plus prisées, devenues symptomatiques d’un désir de renouer avec un paradis perdu et poussant paradoxalement à la création d’espaces artificiels. Chez l’artiste, ces lieux se transforment en un miroir de la peinture rythmée par le jeu des apparences, sorte de recherche autour du potentiel caractère évanescent des images.  De cela résulte une émotion disparue et la joie de la tentative de retrouver ce qui a été vu, ce qui a été éprouvé. Ainsi, à partir de ses souvenirs (images glanées sur Internet, séjours à l’étranger, environnement quotidien…), l’artiste peint des paysages volontairement composites, habités de végétation exotique, de serres tropicales et de piscines, constitués de leur propre artificialité mais dont la trace d’une histoire passée ou possible amène sensualité et vie : une réflexion sur les hétérotopies qui s’articule par le biais de ces lieux à la fois fantasmés et emprunts d’une poésie du quotidien comme des allégories de la peinture même.

Pincemin, Jean-Pierre. Etoile, année de l’Inde, 1986 – sans titre 1992 – 1983 (Galerie Dutko – Art Paris 2023) Photo OOlgan

Jean-Pierre Pincemin (1944-2005) (Galerie Dutko)

« Ma grande affaire avec la peinture est d’aimer la peinture, de ne pas savoir comment peindre, d’inventer des moyens de peindre et assez vite, de pouvoir m’identifier à la peinture occidentale. » De 1968 à 1973, Jean-Pierre Pincemin se lance dans les carrés collés : la toile est tout d’abord plongée dans un bain de peinture, ensuite elle est découpée et assemblée en figures géométriques irrégulières, carrées ou rectangulaires. Dès 1971, Jean-Pierre Pincemin rejoint le mouvement Supports/Surfaces, mouvement créé dès la fin des années 60. Ce mouvement dont Matisse a été l’initiateur avec ses papiers découpés, est poursuivi par la nouvelle abstraction, le hard edgeaux USA et en France, par Simon Hantaï ou encore Claude Viallat. Le concept de ce mouvement se porte sur la réalité physique du tableau.
A la fin des années 1980, Jean Pierre Pincemin décide de « tout balayer et tout assimiler » et assimile donc ainsi tous les styles, tous les supports, toutes les techniques et tous les genres. Il s’oriente alors vers la représentation, vers l’image et le sujet : Il inscrit des arbres primitifs italiens, simples et plats, des grosses fleurs à la Warhol, toute une figuration à motifs incertains  mais aux formes sûres.

Navet, Alexandre Benjamin (Galerie Derouillon Art Paris 2023) Photo OOlgan

Alexandre Benjamin Navet (1986) (Galerie Derouillon)

L’artiste pluridisciplinaire présente son stand en atelier de céramiste grâce à une scénographie immersive : murs peints par l’artiste, meubles sur mesure et moquette unique conçue en partenariat avec Codimat. La nouvelle série de peintures œuvre dans la grande tradition des arts décoratifs français dialogue avec des sculptures inédites crées en collaboration avec le céramiste Rémi Bracquemond, donnant vie en 3 dimensions aux vases qui habitent les toiles, en dessinant des univers aux couleurs vives.

Schneider, Gérard. (Alexis Lartigue Fine Art, Art Paris 2023) Photo OOlgan

Gérard Schneider (1896-1986) (Alexis Lartigue)

Des toiles puissantes, des peintures dites d’actions où l’artiste crée de façon très spontanée, avec un geste de la brosse vif et fugitif. Gérard Schneider ne cherche à pas à représenter quelque chose de réel mais plutôt à faire ressortir des émotions intenses dans la réalisation de ses œuvres. En effet, on retrouve dans les compositions abstraites, des formes et mouvements propres à l’artiste, avec l’utilisation de nombreuses couleurs qui répondent à son goût et qui procure chez lui un certain effet qu’il ne peut s’en passer, tout en donnant une richesse à ses œuvres pour en faire ressortir un certain goût sonore. Une volonté musicale de la touche que l’on retrouve dans le nom de ses œuvres (en effet, toutes ces compositions picturales ont le nom «  Opus  », (comme s’il avait produit sa propre musique). N’oublions pas qu’il était musicien et qu’il consacrait de nombreuses heures à l’improvisation musicale.

Nils-Udo Photos & Oeuvres (Galerie Pierre-Alain Challier, Art Paris 2023) Photo OOlgan

ILS-UDO, photographies et peintures (Galerie Pierre-Alain Challier)

Le stand reprend une partie de l’exposition dédiée à l’artiste en 2022 que Singulars présentait ainsi : « Je ne suis pas un land artist. Moi, je réorganise la nature » revendique l’artiste qui développe une œuvre « autour de la Nature, invitant le regardeur à se distancer du réel ».  Tableaux et clichés en grand format se répondent, et proposent une immersion fascinante dans cette ambition d’abolir la frontière entre l’art et la vie. « C’est tout ce qui s’offre à la préhension des cinq sens de l’homme, qui participe à la conception de mon travail. » Lire plus.

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