Culture
Sportives! d’Eric Mistler (Kerber éditions)
Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 25 juillet 2024
(Olympiades culturelles) Si les JO 2024 sont les premiers jeux à parité totale, il y a encore un espace pour une meilleure représentation et visibilité des femmes dans le sport. En résonnance avec cette réussite (qui partait de loin puisque Coubertin refusait la participation des femmes), « Sportives ! » magnifique album du photographe Eric Mistler (Kerber édition) met en perspective cet enjeu sociétal avec des portraits d’amatrices de haut niveau toutes disciplines olympiques et paralympiques confondues. Certains sont visibles le long du front extérieur de la Mairie du 3ème et sur les murs d’enceinte des Arènes de Lutèce jusqu’à la fin août. L’artiste franco-argentin a confié à Calisto Dobson les motivations de son reportage inclusif.
Globe-trotter sportif et humaniste
Eric Mistler franco-argentin né à Buenos Aires a une existence parsemée de nombreuses rencontres. Ses multiples casquettes, en ont fait un genre de globe-trotter au travers de ces deux passions que sont la musique et le sport.
Photographe polyvalent, il est l’auteur entre autres de la pochette de l’album de Renaud Marche à l’Ombre. Il est également le producteur : de documentaires, Let There Be Rock sur le groupe AC/DC (1979), Appelez-moi donc Eugène sur le navigateur Eugène Riguidel, vainqueur de la Transat en double en 1979 et de films, dont les premiers pas de cinéastes, tels que Bruno Podalydès et Gaspard Noé.
Sportif accompli, il a pratiqué la voile et le rugby en compétition. C’est en 2021 qu’il se lance dans un projet de longue haleine. Parcourant le monde il s’est mis en quête de femmes sportives de haut niveau pour prendre leur portrait.
Le résultat, intitulé Sportives !, présente sobrement par leur prénom, la dénomination de leur sport et le lieu d’exercice, des amatrices pratiquantes d’un sport olympique ou paralympique. Souvent prises en pleine action, ces images d’un élégant noir et blanc captent ces athlètes, valides ou porteuses d’un handicap, habitées d’un mouvement et d’un regard, qui transpirent l’authenticité de la beauté de leur geste et leur caractère affirmé.
Chacune d’entre elles a une histoire et l’image en soi en contextualise un instant.
Ce qui nous frappe au cœur de ces représentations qu’elles soient avant, pendant ou après l’effort, c’est le naturel confondant avec lequel ces femmes nous transmettent le tempérament induit par leur pratique.
La mise en lumière opérée par notre actualité olympique « paritaire » ne saurait faire oublier à quel point la place des femmes au sein de notre société a encore de l’espace à occuper.
Quel est l’origine du projet « Sportives ! » ?
Eric Mistler. J’ai toujours aimé le sport et voulais marquer la tenue des Jeux à Paris. En 2020, mon ami John, encyclopédie vivante du sport, me pose la question fatidique : – As-tu un projet pour Paris 2024 ? Moue dubitative de ma part. – Pense au sport féminin, me conseille-t ’il. S’ensuit une discussion enflammée avec Matthieu, mon complice en photographie et les contours du projet se dessinent.
Comment t’y es-tu pris pour rencontrer toutes ces athlètes ?
Sur les 90 athlètes photographiées, j’en avais que 5 dans mon répertoire. Le plus gros travail a consisté à faire chauffer le téléphone, j’ai dû appeler 500 clubs partout en France. Le projet étant fédérateur, j’ai ressenti partout de l’adhésion et essuyé un seul refus.
Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer ?
Il fallait être armé de patience mais de difficultés particulières j’ai plutôt rencontré des difficultés avec ma forme physique car, autant que possible, j’ai couru, sauté, nagé, raffuté avec elles.
Le plus beau compliment qu’elles m’aient fait : « Vous êtes plus fatiguant qu’un entraînement. »
Quelle a été la rencontre qui t’a marquée ?
C’est la question : tu préfères ton père ou ta mère ? Mais puisqu’il faut répondre : Christine dite Cri-Cri, baptisée Madame Robot par une classe de CP. Elle a perdu ses pieds et ses mains et pratique le volleyball assis. Elle m’a bluffé par son esprit de compétition, sa hargne, par son rôle de capitaine sur le terrain et par son amour de la vie en dehors. En duo, nous avons fait une jolie rencontre avec le public à la Médiathèque de Mâcon.
Après Sportives! et Paris Buenos-Aires, quels sont tes projets futurs ?
Terminer le montage d’un film documentaire sur un lieu artistique baptisé le Hang’Art, et continuer le travail sur deux livres en cours : l’un sur les fans d’AC/DC et l’autre sur le V° arrondissement de Paris, où j’habite. Pour les deux, ce seront des portraits de personnages, en photo et en écrit.
Ton carnet de lecture ?
El Profesor, de Maria Alché et Benjamín Naishtat est un film argentin qui se passe dans le milieu universitaire. Humour et réflexion.
Ce n’est pas une nouveauté mais je viens de lire Adolfo Kaminsky : Une Vie de Faussaire par Sarah Kaminsky. Un expert en faux papiers, qui sauvera des milliers de vies pendant la guerre. Passionnant.
En musique je ne suis pas très innovant et reste fidèle aux années 60 : Beatles, Rolling Stones, Animals, Kinks.
Enfin, un spectacle les 4 et 14 octobre prochain au Café de la Danse avec Les Excellents de mon ami Ramon Pipin (Au Bonheur des Dames, Odeurs), qui « exécutera » l’album Revolver des Beatles au ukulélé.
Propos recueillis par Calisto Dobson, le 20 juillet 2024
Pour suivre Eric Mistler
Le site d’Eric Mistler Photo
Son compte Instagram
Pour commander Sportives !, Kerber édition, 192 p. 158 photos en Noir et blanc, bilingue 2023
Récompensé à juste titre du Prix du Livre 2024 par la Fondation Alice Milliat, dédiée à la mémoire de cette femme pionnière dans le combat pour la reconnaissance internationale du sport féminin, cet ouvrage de 158 photographies capte autant l’énergie de femmes en pleine action que l’humanisme d’un regard qui va au-delà des apparences.
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