Variété : la tournée de Ben Mazué, entre résilience et lâcher-prise

jusqu’en avril 22. Singulars était au Théâtre Sébastopol à Lille.

D’une mélancolie heureuse,  entre résilience et lâcher-prise émotionnel, Ben Mazué a dessiné les teintes de sa tournée en France jusqu’en avril 22. Sincère et ajustée, l’expérience musicale et humaine est à vivre, et ceci d’autant plus que les dates d’avril verront l’artiste jouer dans les zéniths de toute la France.

Paradis et La Femme Idéale.

Paradis, son premier album live, miroir de la tournée qui a suivi l’ album studio La Femme Idéale avait été recommandé par Singulars. Un Paradis perdu, album de rupture dans lequel Ben Mazué se livrait sur un déchirement personnel dans 14 morceaux uniques, marqués par la prose prolifique de l’artiste. C’est donc plein d’appréhension sur la tonalité de ce retour sur scène que Singulars franchit les marches du Théâtre Sébastopol à Lille.

Derrière les portes rouges une scène simplement éclairée, en deux parties. A gauche, un stand de guitare et un piano habillé de bois, à droite la guitare de l’artiste, et au milieu un écran digne des meilleurs diaporamas de mariage, grand et blanc. Sur l’avant-scène, un rack de lumière. La salle est pleine à craquer, et les applaudissements ne tardent pas à se transformer en standing ovation dès les premières minutes du spectacle.

Invitation à une randonnée imaginaire

C’est la claque. Première chanson, tout le monde debout. Son écriture ciselée, touchante, en un mot juste, couplée à l’énergie de Ben Mazué transcende une salle déjà acquise à sa musique. Comme à son habitude, l’artiste clôt sa première mélodie en entamant une histoire, miroir de sa vie à lui. Il nous propose de le suivre dans une randonnée imaginaire, pour clarifier, formuler les pensées et explorer les paysages doucement, à la manière d’un Sylvain Tesson dans ses pérégrinations littéraires (Sur les chemins noirs pour n’en citer qu’une).

Ben Mazué est un solitaire, un timide, une personne qui chérit les moments de pause, de ralentissement, de solitude. Truffaut disait Les films sont plus harmonieux que la vie. Il n’y a pas d’embouteillages dans les films, pas de temps mort. Les films avancent comme des trains, tu comprends, comme des trains dans la nuit. Et il semble que ces embouteillages, ces passages de vie soient la bénédiction du quadragénaire.

Un travail d’apprentissage précis

Cette scénarisation emporte le public dans le tumulte des émotions de l’artiste, à mesure que les inflexions de sa voix annoncent les morceaux de ses deux derniers albums, Paradis et La Femme Idéale. Paradoxe d’une forme complètement écrite qui lui permet de se révéler et prendre des libertés – quitte de temps en temps à reprendre rapidement son texte, et à s’y accrocher. C’est un travail d’apprentissage précis, dans lequel rien n’est laissé au hasard : tout est millimétré, et le spectateur assiste au récital déconcertant d’un acteur jouant la partition de sa propre existence, le tout orchestré par Clément Simounet à la guitare et Robin Notte au piano/séquences. Musiciens exceptionnels, ils donnent une vie nouvelle aux morceaux de Ben Mazué, qui les interprète avec un simple micro serre-tête, ou guitare à la main.

Une mise en scène et en lumière simples, efficaces.

Sur un écran de projection, tantôt les silhouettes d’un quatuor à cordes, de Pomme ou d’Anaïde Rozam sur Semaine A/Semaine B. Le plateau explose en couleurs vives au rythme des refrains et des couplets qui se succèdent, comme autant de coups de massues, formules magiques qui irradient le spectateur de leur force. La salle chante timidement mais sûrement, et applaudit à tout rompre quand les lumières s’éteignent.

Une sorte de mélancolie heureuse

Malgré des tranches de vie parfois dures, Ben Mazué prend soin d’entrecouper les passages d’émotions par des traits d’esprits qui allègent son cheminement. Il puise dans les thèmes phares de sa vie : l’amour, sa femme, et sa famille – son père, sa mère, ses enfants. Il dispense une sorte de mélancolie heureuse qui prend l’auditeur le lendemain du concert, dans le souvenir de l’intensité d’un moment unique.

Un divertissement exquis qu’il faut se presser de réserver avant avril 2022, date de la fin de la tournée de Ben Mazué. En SMAC (salles de musiques actuelles) jusque février, l’artiste vous donne rendez-vous pour ses deux derniers mois de concerts (Mars et Avril) dans les Zéniths de France, une grande première pour lui.

#Simon Dubois