Culture
Une sculpture sonore de Bill Fontana veut mettre en résonance Notre Dame de Paris
Auteur : Marc Pottier, Art Curator basé à Rio de Janeiro
Article publié le 5 novembre 2020
[Découvrir les artistes d’aujourd’hui] Inspirées par une réhabilitation de Notre-Dame de Paris qui reste toujours à imaginer, ont surgi beaucoup de propositions artistiques. L’installation du sculpteur sonore américain Bill Fontana reste la plus stupéfiante : « Silent Echoes – Notre Dame » ou l’exploration du silence des 10 cloches rescapées. Ecoutez !
« La musique est continue, seulement l’écoute est intermittente » (Henry-David Thoreau)
La France a déjà eu le plaisir d’accueillir plusieurs fois ce génie du son-sculptural, né en 1947 à Cleveland qui vit et travaille aujourd’hui à San Francisco quand il n’est pas en train d’enregistrer aux quatre coins du monde. En 1985, Il participe à la 13ème biennale de Paris en 1985, investi la Basilique de Saint-Denis en 1992. Son « Sound Island 1994 » pour les célébrations du 50ème anniversaire du débarquement du jour J de l’arrivée des alliés en Normandie et de la libération de Paris cristallise son travail. Il avait retransmis en direct sur la façade de l’arc de triomphe les images et le son de la mer au large d’une falaise de la côte normande, effaçant ainsi tout autre bruit et couvrant le capharnaüm de la circulation parisienne.
L’intégration de l’imprévisibilité
Toujours fasciné par la musique, sa première machine d’enregistrement en main dès 1967, il aura tout de suite filé à New-York pour rejoindre le cours ‘expérimental music composition’ du compositeur-poète américain John Cage(1912-1992) qui affirmait que l’une des composantes les plus intéressantes en art était le facteur d’imprévisibilité où des éléments extérieurs s’intègrent à l’œuvre de manière accidentelle. Pendant plus de 50 ans, avec un vaste éventail de lieux et monuments, ponts en acier, réservoirs d’eau, turbines, arbres centenaires… Bill Fontana aura posé ses écouteurs et agi comme un corps de résonance de l’environnement. Le film s’ajoute à ses installations sonores à l’aide d’une caméra fixe qui concentre le regard en pénétrant tous les détails de l’objet ou du lieu examiné.
De l’accéléromètre aux oreilles.
Aujourd’hui, le sculptureur sonore voyage avec son studio d’enregistrement portable, ses micros, ses hydrophones et ses accéléromètres qui n’appartiennent qu’à lui. Ces derniers sont des ‘transducteurs’, normalement utilisés par des ingénieurs en structure pour mesurer les vibrations dans les structures telles que les ponts. Mais la technique ne fait pas out, comme le dit si bien Bill Fontana, « l’équipement le plus important est en fait entre mes oreilles ».
Les sons délocalisés
« Partant du principe que l’acte d’écouter est une manière de faire de la musique, j’ai une approche à la fois musicale et scientifique de l’enregistrement et de la présentation des sons que je délocalise et juxtapose à l’architecture, aux paysages et aux situations historiques du monde entier. Cela m’a conduit à explorer non seulement les sons qui viennent directement à mes oreilles mais aussi celles, à découvrir, qui habitent le monde physique » nous confie-t-il. « En 2006, j’ai créé « Harmonic Bridge » à la Tate Modern de Londres dans lequel j’ai transformé le Millenium Bridge de Norman Foster en un instrument de musique, en direct avec un réseau d’accéléromètres cartographiant les vibrations cachées de ce pont qui furent retransmises au Turbine Hall du musée » donne-t-il comme exemple.
Explorer le son du silence
Dans ses sculptures sonores, Bill Fontana crée des expériences physiques révélant d’autres formes de présence dans les objets, les architectures, les paysages… sur lesquels il travaille., À travers ses œuvres, le public pénètre dans un pays des merveilles invisibles, celles d’intérieurs acoustiques. « Mon idée pour Notre Dame de Paris est dérivée d’une série d’œuvres qui explorent le son du silence. La première d’entre elles, avant celle des « Resonant Silences » la Met Life Tower de New-York, a été réalisée au Japon où j’avais utilisé la technologie de mesure acoustique sur d’anciennes cloches de temples bouddhistes Nanzen-ji (Kyoto) ». Il avait alors révélé que même quand elles ne sonnent pas, leur silence n’est qu’apparent. Leurs sons et ceux de leur environnement sont bien présents. Ses capteurs de haute résolution montés sur chacune des cloches ont ‘écouté’ et enregistré les échos harmoniques du lieu.
Le battement de cœur de Notre Dame.
Notre Dame est l’âme de Paris. A la suite du tragique incendie de 2019 les cloches se sont tues. Par Silent Echoes – Notre Dame, Bill Fontana montre qu’en fait ses cloches sonnent toujours secrètement, comme un battement de cœur de la cathédrale blessée. Ce son produit est créé par leur réponse harmonique aux sons ambiants du voisinage. L’idée est de créer une sculpture sonore en streaming en direct avec les 10 cloches dans laquelle les capteurs de vibration haute résolution seront montés sur chacune d’entre-elles. L’œuvre qui pourrait être retransmise partout possède une dimension ‘curative’, expression d’un temps suspendu créé par la double combinaison de cet incendie et de l’actuelle série de confinements due au coronavirus.
Espérons qu’une des grandes institutions culturelles françaises captera sa dimension poétique, saisira l’opportunité de faire vivre « Silent Echoes – Notre Dame ». Singular’s est convaincu qu’elle le mérite !
Pour suivre Bill Fontana
Son site Resounding pour retrouver l’ensemble de ses sculptures sonores
Pour aller plus loin :
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