Culture
Le carnet de lecture d’Yves Petit de Voize, Festival de Pâques de Deauville
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 13 avril 2022
Depuis 1997, entre incubateur de formations et pépinière de talents, Yves Petit de Voize conçoit le Festival de Pâques de Deauville comme un creuset de partages et de transmission entre générations de musiciens, convaincu que la vie musicale reste une éthique collective. La 26e édition débute le 16 avril jusqu’au 7 mai 22 avec un bouquet d’airs baroques chanté par Léa Desandre, dirigée par Thomas Dunford, à la tête de l’Ensemble Jupiter.
Un Serial créateur de festivals pour les musiciens
Comme tout acteur discret – mais essentiel – agissant dans l’ombre de l’art, il y a les références qu’on peut lire dans le cv d’Yves Petit de Voize : « rédacteur en chef de Diapason pendant une décennie et créateur de festivals et saisons musicales ». En la matière, elles sont plutôt fringantes : de la première l’Académie Festival des Arcs en 1972 (avec Roger Godino) … à l’animation musicale de la Fondation Singer-Polignac depuis quelques années en passant par le Festival de Montreux‚ de Saint-Maximin‚ La Biennale de la Musique de Lyon, et Cordes-sur-Ciel et le Festival de paque de Deauville depuis 1997 …
Rassembleur pour transmettre
Ces lignes si elles démontrent une solide capacité à entrainer autant les mécènes que les musiciens disent peu de l’élan toujours gourmand et communicatif qui anime ce mélomane. Ce passeur charismatique qui n’aime rien de plus que de travailler en bande, n’a pas son pareil pour constituer des tremplins de carrière pour les musiciens. Car le fil commun qui relie tous ses projets – souvent fous – est d’être toujours à leur service. Avec cette condition qui le caractérise, qu’ils jouent le jeu de la transmission et du collectif …
Pour les aider à grandir, à se faire entendre au sens propre, le directeur artistique ne cesse de fourmiller d’initiatives : dupliquer le festival de Deauville en Août et à Pontivy en Bretagne, créer et développer un label de disques, B.Records, et une web radio au-delà du Festival, B•concerts (ex Music.Aquarelle)… Toujours animé par des admirations et d’émerveillements multiples pour ces jeunes, chaque édition en révèle, prêts à tout sacrifiés pour leur art dans un temps rude où la musique savante est pour beaucoup au mieux en perte de vitesse, au pire incapable de renouveler son public, ….
L’enthousiasme pour démentir les Cassandre
Quand on évoque ces obstacles, Yves Petit de Voize les balaye arguant qu’ils ne sont ni nouveaux ni irréductibles, et que le marketing n’y fera pas grand-chose. Il croit à l’enthousiasme de ces jeunes musiciens, fraichement diplômés, voir lauréats de concours, il a toujours su parier sur leur intelligence collective et de leur imagination créative.
Encore faut-il leur apprendre à ne pas rester dans leur tout d’ivoire, leur proposer des structures d’accueil, et de partage, et de se frotter au répertoire, collectivement, avec leurs ainées et devant un public de connaisseurs.
Depuis un demi-siècle, Yves Petit de Voize ne cesse de démentir les Cassandre, avec toujours la même conviction chevillée au corps et à l’oreille, à rebrousse-poil des principes de la formation musicale à la française, les musiciens ont besoin d’être soutenus pour quitter leur destin solitaire de virtuose pour vivre la musique collectivement.
La force d’ un esprit de troupe
Depuis plus de 25 ans, le Festival de Paque de Deauville – grâce au soutien indéfectible de la ville et de son maire et du Groupe Barrère – est devenu autant une pépinière où quatre générations d’artistes se côtoient et partagent ensemble des répertoires inédits qu’un incubateur de programmes et d’ensembles (du Cercle de l’Harmonie au Concert de la Loge) que seule le Festival de Deauville a été capable de couver.
On pourrait aussi égrener les dizaines révélations qui après un compagnonnage à Deauville, ont su trouver leur voie, leur répertoire ou leur formation, ppur les curieux avides de stars, il suffit de vous reporter aux programmes des 25 éditions précédentes ou au livre anniversaire de 20 ans !
En cohérence avec ce feu de la transmission qui anime Yves Petit de Voize nous préférons promouvoir ce formidable esprit de troupe – qui enrôle chaque année de nouveaux musiciens – quel que soit leur instrument – qui permet toutes les audaces en matière de répertoire – désormais enregistrées sur b-records.
L’éthique du collectif
Cette éthique du collectif qu’Yves sait transmettre aux musiciens et aux spectateurs qui font confiance à ses intuitions et ses programmes est à nos yeux le ressort et la réussite exemplaire d’une démarche vraiment culturelle, installée et rayonnant au fil des ans, sans esbrouffe, sans paillettes, et ni artifice.
Gageons qu’en consolidant ses projets, Yves Petit de Voze a su aussi créer la génération de mélomanes actifs qui sera à son tour prendre la relève pour comme le dit notre mélomane humaniste, « fonder et démultiplier d’autres maisons communes où jouer entre amis toute la musique de chambre associant cordes, vents, voix, claviers et percussions. Du trio à la symphonie de chambre, et de Bach à Olivier Grief ».
Le carnet de lecture d’Yves Petit de Voize
Retour à Lemberg, Philippe Sands : En Ukraine, la guerre se rapproche chaque jour de Lviv, l’ex Lemberg polonaise qui changea huit fois de nom et de mains entre 1914 et 1945. Aujourd’hui où les frontières de l’Ukraine sont à nouveau contestées, relire ce « thriller » historique où se mêlent secrets de famille et histoire universelle est une nécessité. Vous n’oublierez jamais Leon (grand-père de l’auteur), Rita, Malke, Rosa, Miss Tilney, Lauterpacht, et Lemkin, inventeurs des concepts de « crime contre l’humanité » et de « génocide » ; encore moins le terrible Hans Frank, gouverneur général de la Pologne qui annonça de Lemberg la mise en place de la « solution finale » en 1942.
Les canons russes menacent à nouveau Lviv/Lemberg. Reverrais-je jamais intacts mon cher Hôtel George, les rues du Trois-Mai, Teatralma, Zamarstynivska, la place de l’Opéra et le monument Mickiewicz de cette envoûtante cité où j’errai en ce printemps 2019 à la recherche des héros foudroyés de Philippe Sands ?
Six ans ont passé depuis le livre du 20e anniversaire, mais l’esprit de nos festivals – Pâques et août musical – est toujours le même, la troisième génération festivalière ayant tendu joyeusement les mains à la quatrième : Théo Fouchenneret, Justin Taylor, Le Consort (voir Carnet), Valentin Tournet (La Chapelle Harmonique), Jean Rondeau (Nevermind), le trio Arnold, Vassily Chmykov, David Moreau, Paul Zientara, Stéphanie Huang, Maxime Quennesson, Anna Sypniewski, Gaspard Thomas, Arthur Hinnewinkel …
L’interprète rare : Justin Taylor avec qui il est très agréable de construire des programmes originaux. Je l’ai convaincu d’ajouter le pianoforte à son clavecin. Avec les deux, il est la séduction-même.
L’ensemble invité : Lea Desandre, Thomas Dunford et leur pétillant Ensemble Jupiter.
L’œuvre rare : Le Quintette à corde de Bruckner, son unique œuvre de chambre, toujours à redécouvrir. Mais aussi les Dix pièces de Ligeti, réputées injouables donc jouées au festival par la fine fleur des vents français.
L’œuvre connue revisitée : L’Octuor de Mendelssohn. Célèbre mais toujours périlleuse, avec nos deux quatuors fétiches : Hermès et Hanson. Rester dans la profondeur du son, ne pas s’emporter dans les tempi rapides et renoncer à tout ego solistique n’est jamais facile quand on est un jeune virtuose.
Après le livre, encore : La création de la collection Deauville Live de b•records. Une vingtaine d’albums déjà : voix, claviers, percussions, musique de chambre et l’orchestre du festival, L’Atelier de musique (Diapason d’Or et Choc de l’année 2021 de Classica).
A paraître : Hommage à George Crumb, disparu cette année (Black Angels et Makrokosmos III).
La création et le développement de B•concerts (ex Music.Aquarelle), webradio qui diffuse en direct les concerts du festival. On peut y écouter à chaque instant et gratuitement l’essentiel de nos festivals passés et suivre ainsi l’évolution des musiciens invités à Deauville depuis vingt ans.
Pour suivre les projets d’Yves Petit de Voize
- le site Festival de Pâques de Deauville.
- Le site B.Records
- Le web radio B•concerts (ex Music.Aquarelle)
- Le site de la Fondation Singer-Polignac
Programme de la 26e édition du 16 avril au 7 mai 2022
- Samedi 16 avril, 20h, Amazone, par Lea Desandre, mezzo-soprano, Thomas Dunford, luth et direction, Ensemble Jupiter
- Dimanche 17 avril, 20h, Schubert, Trio pour piano et cordes n° 2 op. 100, D. 929, Quintette pour deux violons, alto et deux violoncelles D. 956., par Mi-Sa Yang, Shuichi Okada, violon, Manuel Vioque-Judde, alto, Max Bumjun Kim, Stéphanie Huang, violoncelle, David Laloum, piano
- Lundi 18 avril, 11h, György Kurtág, Quintette pour instruments à vents op. 2 (1959), Georges Enesco, Burlesque pour piano, extrait des Pièces impromptues opus 18 (1916) , Witold Lutosławski, Bukoliki pour piano (1952) – Oldřich Flosman, Sonate pour vents et piano (1970) – György Ligeti, Dix Pièces pour quintette à vent (1968), Étude pour piano n° 6 « Automne à Varsovie » (1985) – Thierry Escaich, Mecanic Song pour quintette à vent et piano (2006), par l’Ensemble à vents La Fresque, Jonas Vitaud, piano
- Samedi 23 avril, 20h, Robert Schumann – Concerto pour violon et orchestre WoO1, Wolfgang Amadeus Mozart – Symphonie n° 40 K. 550, Arvo Pärt – In spe (2010), Pierre Fouchenneret, violon, Orchestre régional de Normandie, Jean Deroyer, direction
- Vendredi 29 avril, 20h, Edvard Grieg, Sonate pour violoncelle et piano op. 36 – Olivier Messiaen, Quatuor pour la fin du temps pour violon, clarinette, violoncelle et piano (1940), par Raphaëlle Moreau, violon, Raphaël Sévère, clarinette, Edgar Moreau, violoncelle, David Kadouch, piano
- Samedi 30 avril, 20h, Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto pour clavecin, deux violons et violoncelle K. 107 (II) d’après la Sonate op. 5 n°2 de J-C. Bach, Quatuor à cordes n° 11 K. 171, Concerto pour clavecin, deux violons et violoncelle K. 107 (II) d’après la Sonate op. 5 n°3 de J.C. Bach, Fantaisie K. 397, Concerto pour pianoforte et quatuor à cordes K 414, par Le Consort (Théotime Langlois de Swarte, Sophie de Bardonnèche, violon, Mathurin Bouny, alto, Hanna Salzenstein, violoncelle, Justin Taylor, clavecin et pianoforte)
- Vendredi 6 mai, 20h, Wolfgang Amadeus Mozart, Quatuor pour piano et cordes K. 478 – Robert Schumann, Sonate pour violon et piano op. 105, Anton Bruckner, Quintette pour deux violons, deux altos et violoncelle WAB 112, par Pierre Fouchenneret, Vassily Chmykov, violon, Lise Berthaud, Paul Zientara, alto, Victor Julien-Laferrière, violoncelle, Théo Fouchenneret, piano
- Samedi 7 mai, 20h, Franz Schubert, Huit Variations sur un thème original, op. 35, D. 813, Allegro « Lebensstürme » op. 144, D. 947 – Felix Mendelssohn, Allegro brillant op. 92, Octuor à cordes op. 20, par Ismaël Margain, Guillaume Bellom, piano, Quatuor Hanson, Quatuor Hermès
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