Culture
Le carnet de lecture de Tiphaine Dumontier, romancière
Dans le ventre des filles (Grasset), vibrant roman de cette rentrée d’hiver, en donne un aperçu : les livres sont omniprésents dans la vie de la narratrice, double fictionnel de l’autrice. On ne s’étonne donc pas que Tiphaine Dumontier dise d’eux qu’ils « l’aident littéralement à vivre », magnifiques références à l’appui délibérément choisies du côté des femmes : Annie Ernaux, Jane Austen, Deborah Levy, Virginia Woolf entre autres.
A côté, on découvre une romancière férue depuis toujours de comédies musicales, adorant « élaborer des playlists » ou encore fascinée par une photo de Georgia O’Keefe…
Les œuvres qui m’ont marquée quand j’étais jeune
Et qui m’ont longtemps accompagnée : Arthur Rimbaud, Salinger, Cortazar, John Irving, Pennac — puis Proust, la grande découverte, à 19 ans. Il y a eu aussi Baudelaire, Montaigne… Mme Bovary est un livre auquel j’ai très souvent pensé, tout comme La Princesse de Clèves.
Et puis un beau jour, j’ai découvert que je n’avais lu que très peu de livres écrits par des femmes.
Depuis j’ai inversé la tendance : je lis plus d’autrices que d’auteurs, tout simplement par envie, par goût, mais aussi de façon un peu politique. Je pense qu’il est très important d’écouter ce qu’ont à dire les femmes.
Dans mon panthéon il y a Annie Ernaux, Virginia Woolf, Jane Austen et, découverte plus récemment, Deborah Levy.
Leurs livres m’aident littéralement à vivre. Ce sont quatre autrices dont le style et l’œuvre sont bien sûr résolument différents et qui, je dirais, composent chacune une facette de ma personnalité. Mais toutes ont en commun de me donner du courage, de la force, et de me montrer quelque chose que je nommerais la liberté. Je n’oublie pas Liv Stromquist : ses bandes dessinées ont changé à jamais mon regard sur les relations amoureuses.
Je ne suis pas une grande cinéphile, ma culture cinématographique est un peu pauvre, mais j’adore aller au cinéma. J’ai grandi avec un goût pour les comédies musicales : Chantons sous la pluie, West Side Story, Grease, La mélodie du Bonheur… J’aimais aussi des films comme Flashdance ou Dirty Dancing, où la danse s’offre comme quelque chose d’émancipateur pour l’héroïne.
Certains l’aiment chaud, un des films que j’ai le plus regardé (j’adore Marilyn Monroe).
J’ai aussi beaucoup aimé les films de Woody Allen quand j’étais ado, mais aujourd’hui je ne porte plus du tout le même regard sur ce réalisateur ni sur son œuvre.
Je réfléchis beaucoup à ces changements de posture que nous imposent les découvertes successives des violences perpétrées par des hommes autrefois admirés.
C’est comme des deuils esthétiques que nous sommes obligées de faire, ce qui n’est pas toujours évident. Il y a toujours un sentiment de trahison très fort.
Mes goûts musicaux sont très éclectiques.
À vrai dire je n’écoute pas énormément de musique parce que ça me reste trop dans la tête et j’ai un grand besoin de silence. J’adore élaborer des playlists que j’intitule en fonction de mon humeur du moment, mais je me lasse assez vite des chansons.
À part certaines, que je peux écouter en boucle, comme récemment Good luck, Babe, de Chappell Roan,
Ils me rient tous au nez, de Theodora.
Ou d’autres, que je garde toujours sous le coude :
My mistakes were made for you, The Last Shadow Puppets
There’d better be a mirror ball, Arctic Monkeys
In a sentimental mood, Duke Ellington et John Coltrane
Glory Box, Portishead
Et tous les albums de Phoenix !
J’adore aller voir des expos, découvrir des artistes.
Ça me nourrit, ce sont des moments absolument nécessaires pour moi. Récemment j’ai été très touchée par les œuvres de Kimsooja, qui a tapissé de miroirs le sol de la Bourse de Commerce, après celui du Belvédère de la Punta della Dogana, à Venise.
J’adore aussi son œuvre vidéo The Needle Woman.
J’aime les peintures de Baya, celles d’Etel Adnan, celles d’Ana-Eva Bergman…
J’aime beaucoup les cartes postales, j’en achète systématiquement à la fin d’une expo. Elles me servent souvent de marques-pages, ou bien je les expose au mur ou sur des étagères, comme des petites œuvres en soi.
Deux photos, accrochées à côté de ma bibliothèque : Frida Kahlo et son regard intransigeant sur une photo qui date de 1926, prise par son père Guillermo — un portrait de Georgia O’Keefe devant son ranch, âgée de 81 ans. Elle porte une veste en jean, elle a un port de tête incroyable, elle est magnifique. J’aimerais tellement lui ressembler un jour !
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