Paris+ par Art Basel 2022 Solo Shows : Maxwell Alexandre, Akeem Smith, Hilary Balu, Hilary Pecis, Jessy Razafimandimby, Roméo Mivekannin, Georges Mathieu (Grand Palais Ephèmère)

Vendredi 21, samedi 22, 12h – 20h, Dimanche 23, 12h – 19h, Grand Palais éphémère.  place Joffre, 75007, Paris

Manifestement Paris+ par Art Basel du 20  au 23 octobre au Grand Palais éphémère a tenu ses promesses de sa valeur ajoutée sur la Fiac : tout est plus rodé, plus pratique (gestion des badges et de la signalétique), l’offre est superlative (en marchands, en collectionneurs, en prestige). La puissance de l’argent est omniprésente, inversement proportionnelle aux risques des solo show, exigeant plus de cohérence. Pour l’essentiel, ils ont été assignés aux galeries émergentes. La moisson de Singular’s est stimulante : déjà connu Maxwell Alexandre,  Akeem Smith, Hilary Balu, Hilary Pecis, Jessy Razafimandimby, Roméo Mivekannin, et un ancien en réhabilitation, Georges Mathieu. Tous les goûts avec des portefeuilles garnis (à la différence de Asia Now) sont adressés très professionnellement pour amplifier le succès annoncé de la Foire Paris+.

Maxwell Alexandre, 2022 A Gentil Carioca, Rio Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Maxwell Alexandre, A Gentil Carioca, Rio

Maxwell Alexandre, 2022 A Gentil Carioca, Rio Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Depuis longtemps, Singulars promeut l’œuvre de Maxwell Alexandre. Le stand qui réussit la gageure de condenser toute la force des labyrinthes de krafts colorés de l’artiste brésilien en constitue un très pertinent condensé de ses questions sur l’espace muséal.  «  Parfois il faut frapper le racisme en pleine face, mais je n’ai pas le courage de frapper physiquement quelqu’un, alors je le fais en peinture» Maxwell Alexandre traque avec ses krafts colorés tous les territoires de pouvoir où les luttes raciales et sociales se sclérosent au détriment des minorités noires brésiliennes. écrit Marc Pottier. Son « New Power » pointe l’implication de l’art contemporain dont les « lieux-blancs » contrôlent le récit et l’image et les investit à sa manière pour en renouveler les codes et l’imaginaire. »

Pour aller plus loin : le portrait de Marc Pottier et A Gentil Carioca, Rio

Akeem Smith, Heidi Gallery Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Akeem Smith, Heidi Gallery

Akeem Smith, Heidi Gallery Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Présenté aux dernières Rencontres photographiques d’Arles Le travail de mémoire profondément personnel est au cœur des photo-sculptures  d’ Akeem Smith qui a grandi entre New York et la Jamaïque des années 1990 au début des années 2000. Réalisées à partir de vestiges récupérés dans le quartier de son enfance,  leur matérialisation par assemblage constitue une puissante tentative d’enregistrer et représenter voir mobiliser une mémoire collective qui existe aux confins de la sienne.

Au cours de la dernière décennie, Akeem Smith a rassemblé des archives sans cesse croissantes, au cœur desquelles se trouve une vaste mine de photographies et de cassettes vidéo VHS, qui lui ont été confiées par sa famille, ses amis et des personnalités clés de la communauté dancehall. Largement absente des archives institutionnelles, la documentation des mouvements populaires jamaïcains est encore généralement considérée aux yeux de l’élite socio-économique jamaïcaine comme un fouillis indésirable plutôt que comme un patrimoine national précieux.

Smith contrecarre toute mièvrerie par la construction de « reliquaires » monumentaux, qui enferment ces testaments corrosifs dans le paysage matériel de zinc ondulé, de bâche, de bois réutilisé et de parpaings dont ils sont issus. « En s’appropriant une culture visuelle apparue à la fin des années 1970, suite à la décolonisation du pays et à la formation d’une identité nationale indigène, Smith sacralise une esthétique afro-caribéenne, et invite à une réflexion sur la place de nos cultures dans la construction de nos regards. » ajoute la présentation d’Arles.
Pour aller plus loin : Heidi Gallery

Hilary Balu, In the flood of Illusions VI, 2022 Magnin-A Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Hilary Balu, Magnin-A

Hilary Balu, In the flood of Illusions XV, 2022 Magnin-A Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Né en 1992 à Kinshasa, République Démocratique du Congo où il vit et travaille, les peintures d’Hilary Balu dévoilent une société africaine transformée par la mondialisation et la société de consommation. La « mutation brutale » qu’a connue la République Démocratique du Congo dans son identité culturelle, politique, économique et spirituelle devient le cœur de son travail, en syncrétisant à la fois la fascination pour l’objet et la saturation des images de pop culture et le refus de tout naturalisme considéré  comme une vision coloniale ; la dynamique de « défier le fantasme européen » en créant un nouvel imaginaire.

Un lieu, des objets, des personnages. Histoire et mythologie. Dans ces vastes fresques à la composition luxuriante, chargé de symboles et de réminiscences, Hilary Balu cherche le point de fuite, l’origine du départ. Ses séries sont une traversée aussi bien spatiale que temporelle, du XVe siècle à nos jours, du capitalisme européen à l’esclavage, des rêves et chimères implantés dans l’esprit d’un enfant, à l’ admiration des rois kongo devant les objets importés par les Portugais. L’histoire racontée par Balu est l’ironie de l’histoire, la continuité de la violence, l’imagination qui pousse les exploités à retourner au pays des exploiteurs.
Pour aller plus loin : Magnin-A

Hilary Pecis, A patio, 2022 Galerie David Kordansky Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Hilary Pecis, David Kordansky Gallery

Hilary Pecis, Blooming Aloe, 2022 Galerie David Kordansky Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Il ne faut pas trop se fier aux paysages urbains et domestiques californiens d’Hilary Pecis (née en 1979, Fullerton,). Sous les peintures et des dessins à presque (trop) idylliques, jardins tirés au cordeau, intérieurs nickels, saturé de couleurs saturées, de motifs géométriques aux traits audacieux, tout parait trop lisse pour ne pas cacher en sourdine quelques aspérités. L’absence d’humanité dans ces environnements domestiques irradiés de lumière jette un certain voile sur ces intérieurs méticuleusement agencés et ces extérieurs rendus de manière vibrante. Les « choses » semblent désignées sans partage, comme si l’humanité n’était plus utile : des livres encombrant une table basse, aux restes d’un dîner, des allées de villas aux plantes grasses du sud de la Californie composent et surexposent les objets et les lieux comme des indépendants de toute caractéristique humaine.

Léché, trop léché, cette désincarnation du cadre de vie idéal rappelle entre autre Hopper, mais avec une adrénaline plus forcée. Pecis combine des perspectives déformées et des juxtapositions de teintes surprenantes, plaçant son travail en dialogue avec des mouvements historiques de l’art moderniste comme le fauvisme dans lequel les tendances subjectives et analytiques sont synthétisées. Ses images surchargent des mises en scène reconnaissables en vertiges d’une société qui tout  en célébrant les moments calmes de la vie quotidienne, semble déjà réfugiés dans le métavers

Pour aller plus loin : David Kordansky Gallery

Jessy Razafimandimby, 2022 (Galerie Sans titre) Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Jessy Razafimandimby, Galerie Sans titre

Jessy Razafimandimby, 2022 (Galerie Sans titre) Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

L’artiste malgache né en 1995 vit et travaille en Suisse. Ce passionné de design d’intérieur et à l’ornementation explore le concept du « chez soi». Il a fait de la collecte et de l’assemblage d’objets d’intérieurs fragmentés et des textiles, la base d’une œuvre abrasive et critique sur le « système bourgeois » du bon goût et des conventions sociales. Il interroge la capacité des hommes à construire des relations avec son environnement, parfois fusionnelles. Ce n’est pas tant ce que l’on devient, mais avec qui l’on devient, l’expérience collective, qu’interroge Razafimandimby.

C’est tout un univers baroque qui s’impose où sillonnent des figures chimériques. « La boutique que Jessy Razafimandimby compose pour nous est une ode à la délicatesse, à la gentillesse, à la douceur. Une œuvre habitable où l’on se sent bien. Incarnés, les objets qu’il nous offre nous accompagnent dans nos liturgies ordinaires. C’est une poésie des choses. A travers une composition sensible de formes familières et sacrées, Jessy Razafimandimby questionne l’intimité. Avec minutie, il nous rend attentif aux détails, ceux qui sont simples et beaux. Il nous rapproche de nos territoires de confiance, nous invite à reconstruire nos propres sous-pentes. Il aborde, délicatement, le soin d’arranger, encore et toujours son espace intérieur, l’espace domestique mais également celui qu’on a dans le cœur. » écrit Alexandra Romy, Art au centre de Geneve, 2021

Pour aller plus loin : Galerie Sans titre

Romeo Mivekanmin, Un homme nubien, d’aprés Karoly Csuzy, 2022 Galerie Cécile Fakhoury Abdijan Paris+ Photo OOlgan

Romeo Mivekanmin, Galerie Cécile Fakhoury (Abdijan)

Romeo Mivekanmin, Bahci-Bouzouk, d’après Jean-Léon Gérome, 2022 Galerie Cécile Fakhoury Abdijan Paris+ Photo OOlga

Il faut comprendre l’œuvre de Roméo Mivekannin comme une ‘infraction’ assumée et revendiquée dans le champ de la peinture classique occidentale en général, et la peinture orientaliste en particulier à la fin du 18e siècle / début du 19e siècle qui coïncide avec l’expansion des diverses colonies des Royaumes européens.

Ces représentations, constructions de l’Orient par l’Occident projetaient un orient rêvé et fantasmé, l’artiste nous confie-t-il sur le stand, le vit comme « une dépossession de sa propre histoire, de sa propre image ». C’est sur le même terrain, celui du pouvoir des images qu’il entreprend de reprend pied (et corps) dans tous les sens du terme, puisqu’il s’introduit dans tous les tableaux. Ce contre-récit bouscule les représentations ambiguës des personnages noirs, des femmes, des esclaves : « ces Autres furent autant sources de fascinations que de craintes, rendus anonymes pour les besoins de l’art » Le public est invité à jouer un rôle qu’il le veuille ou non en changeant ses perceptions mimétiques d’un théâtre visuel ambigu.

Sa dynamique comme l’explique dans le catalogue de la Galerie Cécile Fakhoury à Abidjan est d’inverser « avec une ironie non dissimulée les mécanismes de construction de l’image ; subvertissant les jeux de regards et de pouvoir ; et s’employant ainsi à créer un espace hybride où peuvent advenir de nouveaux récits d’une expérience commune. » Cet espace, il est construit avec des vieux draps, non tendus, sur lesquels il peint avec ses propres pigments pour changer sur ce terrain là aussi de perspectives.
Pour aller plus loin : Galerie Cécile Fakhoury

Georges Mathieu Peintures 1951-1962, Jacques de Milly au siège d’Escalon, 1958. Applicat-Prazan Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

Georges Mathieu Peintures 1951-1962, Applicat-Prazan

Georges Mathieu Peintures 1951-1962, Hommage hérétique, 1951 Applicat-Prazan Paris+ par Art Basel Photo OOlgan

De l’œuvre prolifique de Georges Mathieu, la Galerie Applicat-Prazan a choisi de se concentrer sur une décade essentiel où le peintre gestuel définit son vocabulaire formel très exubérant qui fera sa popularité et sa disgrâce (sur le marché). La biographie condensée et instructive, proposée notamment pour la période concernée est éclairante sur la naissance d’un style : « Entre 1948 et 1950, Mathieu invente ses signes et maîtrise son vocabulaire tributaire de son geste lyrique qui est vitesse et instantanéité, autrement dit expression de tout son être, générateur d’énergie (…) L’originalité de sa démarche est reconnue par les esprits les plus divers, de Sir Herbert Head à Henri Michaux en passant par Stéphane Lupasco et André Malraux qui affirme : « Enfin un calligraphe occidental ! » Mathieu a supprimé les fonds nuancés au profit des fonds uniformes où viennent s’inscrire ses signes plus indépendants. Il observe que « la “calligraphie”, art du signe par excellence, vient de se libérer du contenu signifiant littéral de l’écriture pour n’être plus que pouvoir direct de signifiance. »
Pour aller plus loin : Applicat-Prazan,