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Le carnet de lecture de Marco Angioloni, ténor, Il Groviglio

Culture

Le carnet de lecture de Marco Angioloni, ténor, Il Groviglio

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 29 juillet 2024

Le ténor s’est taillé une légitime réputation comme interprète défricheur de l’opéra baroque – de Cavalli à Stradella – comme en témoigne le récent et très rare Poro, re delle Indie, d’Haendel (Château de Versailles Spectacles) magnifiquement chanté à la tête de son ensemble Il Groviglio. Marco Angioloni sait aussi prendre des chemins buissonniers et les plaisirs voluptueux de la Dolce Vita,  15 Mélodies populaires françaises et italiennes des années 30 à 50, chantées en solo et en duo (avec Karine Deshayes, Ambroisine Bré, Charlotte Planchou…). Son enregistrement Glossa est un cocktail rétro suave et pétillant, qui révèle pour Olivier Olgan un charmeur léger au timbre ensoleillé à découvrir cet automne lors de ses nombreux concerts.

Un cocktail de souvenirs

Dans le livret de ce cocktail mélodique d’été, pétillant comme un spritz, Marco Angioloni revendique de plonger dans cette nostalgie familiale, se souvenant des airs fredonnés par ma mère ou ma grand-mère à la maison, ou dans la rue au quotidien. Dans ce flow émotionnel, il assume « la grande variété de styles et de goûts de l’époque, de l’ambiance survoltée des cabarets à l’intimité des salons italiens ». Le « mix » est construit avec le cœur réparties chronologiquement – des années 30 à celle des 50’s – et géographiquement, réparties entre ses deux patries, de naissance (Italie) et de cœur (France), et à travers l’évocation des cités les plus emblématiques (Paris, Naples, Rome…).

Un « enchevêtrement » de timbres

Balayant les frontières entre les genres et les répertoires, il fallait se douter que le nom de “Groviglio” signifiant “enchevêtrement”, Alberto Rabagliati allait pousser plus loin son manifeste ; « ce mélange de sonorités, personnalités et surtout d’affects qui résume à lui seul l’esthétique baroque, Un vibrant entrelacement de cordes pincées et caressées » qui fait l’identité de l’ensemble crée en 2020. Dolce Vita, magnifique cocktail d’airs populaires s’intercale entre des productions lyriques plutôt pointues cherchant à faire briller des pépites méconnues signées de Francesco Provenzale, Alessandro Stradella ou Antonio Draghi, …

Renouer avec la polyvalence vocale des ainés

Le ténor rappelle qu’il ne fait que poursuivre les carrières de ses ainés – de Beniamino Gigli, à Alberto Rabagliati en passant par Luis Mariano qui du début du 20ème siècle pouvaient être respectivement chanteurs d’opéra, de variétés, et enfin d’opérette ou de comédie musicale. Il revendique aussi que ces chanteurs, malgré leurs parcours artistiques différents, avaient les mêmes bases, le même bagage en termes de technique vocale classique et d’émission vocale.
Techniquement, l’utilisation des « portamento » (port de voix), propre à ce genre d’écriture musicale donne ce côté lyrique et nonchalant, typique de l’opérette du début du 20ème ou de Puccini. Ce chant très « legato » et « sul fiato » (sur le souffle) que le ténor maitrise à la perfection, il est aussi présent aussi sur ses terrains de prédilection :

« Il suffit de chanter quelques lignes de Stradella ou de Lully pour se rendre compte que ces éléments étaient déjà présents, et que sans legato, on n’arriverait pas à la fin de la représentation ! »

Autant dire que le soin à concevoir un programme musicalement cohérent – grâce aux arrangements particulièrement soignés de Johan Farjot – capte immédiatement l’oreille. Il est difficile de se détacher de ces mélodies transgénérationnelles qu’il faut savourer avec gourmandise.

Olivier Olgan

Le carnet de lecture de Marco Angioloni

Baroque oboe concertos, Marcel Ponseele, Accent

C’est peut-être le disque que j’ai le plus écouté dans ma vie, j’en connais chaque instant, chaque mesure, chaque phrasé, chaque respiration. 
On ne présente pas l’immense hautboïste qu’est Marcel Ponseele, surtout chez les hautboïstes (dont j’étais). Je peux cependant louer son immense talent, dans un choix de « best of » du répertoire baroque pour hautbois joué sur instruments d’époque, présenté avec une esthétique baroque des plus philologiques et en même temps des plus modernes, avec un petit écart chez piazzolla, qui sublime ce disque exceptionnel. 

Rossini Héroïnes, par Cécilia Bartoli, Decca

Pour des fans de belcanto comme moi ce disque vaut le détour. On y découvre une Bartoli d’une fraîcheur et pureté absolue (au jeune âge de 25 ans), à la musicalité époustouflante et à qui ce répertoire et ces rôles « soprane 2 » vont à merveille. Un vrai régal pour l’oreille et l’esprit !
Delirio, par Nathalie Dessay, dirigée par Emmanuelle Haïm, Erato 
Magnifique récital de cantates italiennes de Haendel de la période Romaine, sublimement interprétées par Natalie Dessay accompagnée par Emmanuelle Haïm et les musiciens du Concert d’Astrée.
Album qui m’a fait découvrir le répertoire baroque que je n’ai jamais quitté depuis. 

Puccini, La Bohème, par Pavarotti/Freni, dirigés par Karajan, Decca

Cet enregistrement a le mérite de m’avoir fait tomber amoureux de l’opéra : j’étais ado et, à l’époque, je n’étais pas particulièrement fan de ce que je pensais être un drôle de genre… en l’écoutant pour la toute première fois j’ai découvert un monde et j’ai immédiatement su que c’était ce que je voulais faire plus tard dans ma vie ! En plus, celui-ci est très probablement le plus bel enregistrement de cette œuvre puccinienne.
https://www.dailymotion.com/video/x75d4t

The Rossini Tenor, Rockwell Blake, LSO dirigé par John Mccarthy, Arabesque recording

Ce disque est un pur bonheur, la joie qu’il donne à l’écoute, avec l’interprétation et technique galactique de Blake, dans des airs les plus marquants du répertoire Rossinien pour ténor. 
Propos recueillis par Olivier Olgan le 22 juin 2024

Pour suivre Marco Angioloni

Discographie

  • Dolce Vita, France Italie, avec Karine Deshayes mezzo-soprano, Ambroisine Bré mezzo-soprano, Juan-Carlos Echeverry ténor, Charlotte Planchou, ensemble Contraste, Glossa, 2024
  • Haendel: Poro, re delle Indie,  avec Lucía Martín Cartón, ensemble Il Groviglio, dirigé par Christopher Lowrey, Château de Versailles Spectacles, 2024

  • A Baroque Ténor, Arias for Annibale Fabbri, ensemble Contraste, Pan Classics, 2022
  • Santa Editta, d’Alessandro Stradella, Oratorio pour six voix et continuo,  Da Vinci Classics, 2021
  • Cavalli, Il Canto della Nutrice, Da Vinci Classics, 2020

Agenda

Festival Orfeo 28, Théâtre de Châteaudun,

  • 14 septembre, 20h30, Dolce Vita, Ensemble Contraste
  • 15 septembre, 15h, Le Triomphe de l’Amour – Récital voix & théorbe

20 septembre : L’Energie des passions, La nuit de l’ENS, Auditorium de l’ENS de Paris

22 septembre : Le Triomphe de l’amour, avec Il Groviglio, Les concerts à la Villa Daumier, Valmondois

15 octobre, Omaggio a Francesco Rasi, Teatro Vasariano, Arezzo

7 novembre, Gala des Etoiles de demain, Centre universitaire Méditerranée (Opéra de Nice)

15 et 18 novembre, Iro (Il Ritorno d’Ulisse in patria, Monteverdi) avec Accademia Bizantina (O. Dantone dir.) Ravenna Festival, Teatro Alighieri

16 décembre, Haendel, Haliate (Sosarme), Salon d’Hercules, Château de Versailles Spectacles
 

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