Culture
Gabriele Münter, Peindre sans détours (MAM Paris-Paris Musées), une bouffée d’énergie, une orgie de couleurs
Une œuvre singulière de paysages et de portraits aux couleurs saisissantes, des formes simplifiées mais expressives, des contours noirs affirmés qui structurent la composition. Gabriele Münter (1877-1962). longtemps réduite à n’être que la compagne de Kandinsky fut pourtant co-fondatrice du cercle munichois du Cavalier Bleu (Blaue Reiter).
Les peintures vibrantes de cette pionnière de l’expressionisme allemand confirment pour Sylvie Arzelier son étonnante modernité. Le MAM Paris lui rend hommage jusqu’au 24 août 2025. Et son catalogue édité par Paris Musées, le premier en français sur l’artiste vous permet d’en savoir plus. Et c’est tant mieux.

Gabriele Münter, Le lac bleu, 19011 (Peindre sans détours MAM Paris) photo Sylvie Arzelier
Peu connue en France
Gabriele Münter est une figure emblématique de l’expressionnisme allemand. Née en 1877, elle a joué un rôle crucial dans le mouvement expressionniste Der Blaue Reiter, le Cavalier bleu, qu’elle a co-fondé aux côtés de Wassily Kandinsky, Paul Klee, August Macke… Le MAM de Paris réhabilite enfin le parcours artistique et l’ influence durable de celle qui fut pourtant artiste avant sa rencontre avec Kandisky et après, dans une histoire de l’art alors dominée et écrite par les hommes.
Une pionnière en photographie
Dès la première salle de l’exposition, le regard se pose sur des photographies prises par l’artiste à partir de 1898. Des photos qui présentent son voyage américain qu’elle entreprit avec sa soeur, puis son périple en Tunisie avec Kandinsky. Deux temps forts qui marquent son approche du cadrage et de la composition des scènes.

Gabriele Münter, Tête d’homme, (Peindre sans détours MAM Paris) photo Sylvie Arzelier
La période parisienne de Gabriele Münter.
On y découvre, entre autres, des paysages enneigés du Parc de Saint Cloud et de Sèvres, où elle vit quelques temps avec Kandinsky. Sont également exposés d’exquises petites gravures, au dessin si contemporain.
Quelques temps plus tard elle s’installe à Paris seule, rue Madame, dans l’immeuble des Stein. Là, elle découvre Picasso et Matisse, qui vont avoir un impact sur sa manière de peindre des portraits. Vert sur les joues ou dans la chevelure, touches bleues sur la barbe : on s’arrête hypnotisé par cette Tête d’homme, peinte en 1906.
La touche Münter se construit.
Puis arrive la section retraçant la période du cercle munichois du Cavalier Bleu, dans les années 1903 à 1914. On retrouve des paysages de Murnau, village où Münter et Kandinsky ont passé beaucoup de temps. Les œuvres sont caractérisées par l’utilisation décalée des couleurs, des formes simplifiées, l’apparition des cernes noirs.

Gabriele Münter, Marianne von Werefkin (Gabriele Münter, Peindre sans détours MAM Paris) photo Sylvie Arzelier
Le portrait de Marianne von Werefkin, figure choisie pour l’affiche de l’exposition du MAM, en est le résumé.

Femme dans un fauteuil écrivant (Gabriele Münter, Peindre sans détours MAM Paris) photo Sylvie Arzelier
Puis retour à Paris dans les années 30, après sa rupture avec Kandinsky et un exil en Scandinavie.
Elle y peint, autre autre, une délicieuse femme assise aux cheveux courts, habillée d’un pantalon fluide et chaussée de ballerines rouges, La femme dans un fauteuil écrivant.
Les couleurs sont plus éthérées et ce tableau symbolise la femme libre qui travaille, dans le Paris des années 30.
Gros plan sur le visage d’une jeune fille endormie, des paysages aux couleurs décalées, une table de jardin sur laquelle trônent deux verres, l’un avec une orange, le second un citron et en arrière plan une bouteille d’eau de Seltz, bleu dense…
Impossible évidemment de décrire les 170 œuvres exposées au MAM. Différentes techniques : peintures, gravures, dessins, photographies, sont présentées dans un parcours chronologique d’une œuvre qui méritaient enfin de sortir de l’ombre.
Courrez découvrir (ou redécouvrir) cette artiste originale, avant gardiste, à la palette de couleurs hypnotiques.

Gabriele Münter, Jeune fille endormie, (Peindre sans détours MAM Paris) photo Sylvie Arzelier
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Pour aller plus loin sur Gabriele Münter
Gabriele Münter, Peindre sans détours
Jusqu’au 24 août 2025, MAM Paris, 11, avenue du Président Wilson, 75016 – M° Alma-Marceau – Du mardi au dimanche. 10h-18h, jeu. Jusqu’à 21h30, fermé le lundi.
Catalogue, Paris Musées, 248 p. Premier catalogue d’exposition en français sur une artiste trop méconnnue en France pourtant pinonnièe de l’art moderne, sept essais de Kathrin Heinz, Dominique Jarassé, Angela Lampe et Katharina Sykora, détaillent la richesse de ses techniques plastiques, en particulier la photographie, et révélent l’ensemble de son parcours et accordant une place particulière à ses séjours parisiens, puisque Paris eut une importance décisive dans sa formation artistique. Elle y lança sa carrière en 1907 avant de revenir s’y ressourcer en 1929, alors que son style et ses sujets se renouvelaient au contact des nouvelles voies de la figuration picturale.
On oublie parfois que Münter avait commencé sa carrière avant de faire la connaissance de Kandinsky et qu’elle la poursuivit longtemps après leur séparation, accomplissant une œuvre bien plus importante et diversifiée que ce qu’elle réalisa à cette époque.
Fabrice Hergottdonne un aperçu de la permanence et de l’intensité de l’engagement artistique de Gabriele Münter, le projet d’une vie, elle qui déclarait vouloir simplement peindre « sans détours ».
Isabelle Jansen et Hélène Leroy, commissaires
A voir
- Gabriele Münter, Pionnière de l’art moderne, Arte TV
- Catherine Aventurier, Vassily Kandinsky & Gabriele Münter, passion et revolution (2021)
A lire
Mayte Alvarado, Gabriele Münter. Les terres bleues, Seuil, 2025, 96 p.
Francisco Rubio, Pour l’amour de l’art: Gabriele Münter-Wassily Kandinsky (1902-1917), Samsa 2022, 170 p.
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