Vins & spirits

Accords vins-mets : ces Domaines viticoles qui se révèlent par un restaurant

Auteur : Mohamed Najim et Etienne Gingembre
Article publié le 6 février 2023

[Les pépites de la révolution viticole] Après la publication de leur livre, Quand le vin fait sa révolution (Ed. du Cerf, 2021), Mohamed Najim et Etienne Gingembre ont a reçu trois bouteilles de Tursan envoyées par Michel Guérard, le célébrissime chef d’Eugénie-les-Bains. C’est ainsi que les deux auteurs ont découvert qu’une grande table étoilée pouvait posséder des vignes ou, inversement, que des domaines reconnus avaient ouvert un restaurant, histoire d’y réaliser l’accord vins-mets qui convient à leurs cuvées. Parmi les vignerons- restaurateurs, commençons par Château de Bachen de Michel Guérard, Château de Pizay, Château Troplong Mondot, Les Belles Perdrix et Les Clos des Paulilles.

Sont-ils d’abord cuisinier ou vigneron ?

Cela dépend, bien entendu : Michel Guérard a bien sûr commencé par ouvrir Les Prés d’Eugénie à Eugénie-les-Bains, dans les Landes, qui arbore fièrement trois étoiles au Michelin depuis 1977. Et puis voilà qu’en 1983, le chef landais achète les vignes et les chais du Château de Bachen, 25 hectares de rouge et de blanc en appellation Tursan, à quelques kilomètres de son restaurant. Il se fait conseiller par Jean-Claude Berrouet, qui a vinifié 49 millésimes de Petrus, et Denis Dubourdieu, le pape du vin blanc, pour réussir de véritables nectars, selon Mohamed qui les a dégustés.

Château Troplong Mondot, et Les Belles Perdrix

Château Troplong Mondot et restaurant gastronomique, Les Belles Perdrix, Photo DR

Mais à la différence de Michel Guérard, d’autres restaurateurs-vignerons auront d’abord cultivé la vigne avant de se mettre au piano. C’est même le cas le plus fréquent.

Prenez le Château Troplong Mondot, premier grand cru classé de Saint-Emilion, dont le site fabuleux en plein cœur du vignoble a incité sa propriétaire, Christine Valette-Pariente, à ouvrir un restaurant gastronomique, Les Belles Perdrix, aujourd’hui classé une étoile au Michelin. Certes, c’est comme chez Guérard, il vaut mieux avoir un porte-monnaie bien rempli. Mais le chef David Charrier a pris l’initiative de proposer aux moins de trente ans un menu en quatre services avec un verre de Troplong Mondot, pour 70 euros.

N’oubliez pas votre carte d’identité…
Alors évidemment ce grand cru classé B flirte avec les 100 euros la bouteille. Mais son Mondot, second vin du domaine, est un saint-émilion tout à fait délicieux pour un tarif plus abordable de 36 euros.

Rassurons-nous, il n’y a pas que des étoilés.

Le Château de Flaugergues, par exemple, est une bâtisse du XVIIIe siècle dont les vignes, en appellation Languedoc, se situent sur la commune de Montpellier. Le domaine a également ouvert un restaurant de très bon aloi, le Folia, qui sert une « cuisine du marché » dans un menu à 26 euros : lanière de bœuf à l’asiatique en entrée, tranche de cochon grillée en plat, le tout accompagné d’un gourmand flaugergues rouge (grenache, syrah et mourvèdre). Parce qu’évidemment on y déguste les rouges et les blancs du château dans une gamme de prix qui va de 13 à 26 euros la bouteille.

D’autres exemples ? Il n’y en a pas à foison, mais on peut aussi retenir le Restaurant Adèle x Maison Darroze, ouvert en juin 2018 à Saint-André-du-Bois (Gironde) par le Château Malromé, un Entre-Deux-Mers. Au cœur des vignes de Provence, le Clos des Roses a ouvert une « Bastide » où le chef Fabien Pasquale fait déguster des recettes méditerranéennes pour accompagner les rosés et les côtes de Provence rouge du domaine.

Pour notre part, nous avons choisi trois rouges. Trois vins rouges de domaines implantés dans trois beaux vignobles de France qui accompagnent à merveille la cuisine de leurs restaurants.

Le Tursan de Michel Guérard souverain sur les viandes blanches du chef étoilé

Faut-il le souligner ? Du haut de ses 89 ans, Michel Guérard est sans doute le doyen des grands chefs étoilés. Cette longue expérience de la vie, de la gastronomie et bien sûr de la vigne lui a permis de vinifier des tursans d’une très grande finesse. Nous avons gouté son Baron de Bachen, Tursan rouge 2018 (18 euros) : cet assemblage de tannat (40 %), de merlot, de cabernet franc et de cabernet sauvignon aboutit à un vin sexy, suave, facile à boire, digeste, sur le fruit, pas trop tanique, bref, un vin qui « se mange tout seul » formule célèbre d’Alexis Lichine, Américain d’origine russe propriétaire du château Prieuré-Lichine, à Margaux.

Est-ce pour accompagner « le bœuf sur le bois et sous les feuilles », l’un des grands classiques des Prés d’Eugénie ? Sans doute, mais si vous n’êtes pas de passage dans les Landes ou n’êtes pas disposé à dépenser 300 euros pour le menu du midi, vous pouvez le servir très simplement avec un bon poulet rôti, mais aussi un filet mignon de porc voire une assiette de penne à l’arabiata.

Le Château de Pizay cuisine la pintade pour accompagner ses beaujolais

Chateau pizay, vignobles, hotel 5 étoiles et table gastronomique Photo DR

Morgon est un hameau qui forme avec celui de Villié, la commune de Villié-Morgon, dans le département du Rhône, qui est aussi le territoire de l’AOC éponyme. Cela explique que les vignes du Château de Pizay, situé sur la commune voisine de Belleville-en-Beaujolais, mais accolé à la limite communale de Villié-Morgon, se trouvent majoritairement dans cette appellation. Ce château, qui est une vraie forteresse médiévale, ne se contente pas de vinifier de très bons beaujolais, dans les trois couleurs.

Entrée de la tableau du Château Pizay Photo DR

Il tient aussi un restaurant qui propose des menus gastronomiques pour le déjeuner pas du tout exorbitants (29 à 39 euros). Par exemple une pintade fermière en fricassée, à la bière ambrée du Beaujolais et au lard grillé, que vous accompagnerez bien sûr d’un morgon, pourquoi pas de cette merveilleuse cuvée La Centenaire (22 euros).
Chère pour l’appellation ? Peut-être et le château propose deux autres morgons, savoureux, à 12 et 16 euros. Mais La Centenaire vaut le détour. Un nez est floral, avec des arômes de sous-bois frais, d’humus sur un fond de Jasmin. Le palais est puissant, riche, gras, profond, aux accents de fruits noirs, confits et gouteux, et une superbe finale, gage d’une longue garde possible.

Les Clos des Paulilles servent un agneau qui magnifie leur Collioure rouge

Les Clos des Paulilles, Baie de Paulilles Port-Vendres Photo DR

L’histoire de la famille Cazes commence au début du siècle dernier par l’acquisition de vignes qui appartenaient au Maréchal Joffre, natif de Rivesaltes. Avec ses 220 hectares en biodynamie, le domaine est une institution dans les Côtes du Roussillon quand en 2012 il rachète les 90 hectares en appellation Banyuls et Collioure du Clos des Paulilles. Cette propriété, au bord d’une plage de Port-Vendres, était bien sûr idéalement située pour accueillir un restaurant.

Le Clos-de-Paulilles à la fois un magnifique vignible et une table de séductions Photo DR

Les Clos de Paulilles – on a repris le nom du domaine pour éviter les confusions – propose de la gastronomie à tarif raisonnable (31 à 41 euros). Ne demandez pas au chef ce qui pourrait bien accompagner son agneau à la cuillère, aumonière au chou vert et haricot coco, jus d’agneau corsé.
En AOP Collioure, le Clos de Paulilles Rouge (17,50 euros) s’accorde remarquablement à la cuisine orientale et méditerranéenne, comme l’osso-buco et bien sûr l’agneau au thym : des arômes de fruits mûrs et d’épices viennent s’ajouter à la complexité des cépages, finesse et élégance du mourvèdre, gras et opulence de la grenache, minéralité de la syrah sur ces schistes bruns des Pyrénées.

En savoir plus sur la révolution viticole

Lire : Quand le vin fait sa révolution, Etienne Gingembre et Mohamed Najim, Ed. du Cerf, 2021, 288 p., 20€, et sa « constellation de vins d’exception, de vins de gourmandise, de vins de saveurs, de vins d’émotion »

Pour trouver ses vignerons – restaurateurs  :

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