Culture

[And so rock ?] A Drifter to the Light of the Sun ou le destin perdu de Bobby Sichran

Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 3 mai 2024

[And so rock ?] Il y a trente ans, le 3 mai 1994, paraissait ‘From a sympathetical hurricane’ (Columbia Records), cet objet sonore perdu désormais dans les limbes des bacs à soldes. Entre bricolage maison et fulgurances musicales dégenrées, Bobby Sichran délivrait pourtant pour Calisto Dobson une missive restée lettre morte en forme de véritable petit trésor caché.

 

 

Il est des existences aux destinations prémonitoires. Lorsque dans, la très bien nommée, l’indifférence générale meurt Robert Lichtman en février 2015, tout le monde ou presque a oublié,  certains n’en n’ayant d’ailleurs jamais entendu parlé, Bobby Sichran.

Musicien de son état de déménageur à mi-temps pour faire taire les factures, son dernier projet devait s’intituler “Dériveurs à la lumière du soleil”…  Il a non seulement fini par sérieusement dériver mais aussi par disparaître corps et biens. Oui MAIS, parce qu’il y a un MAIS d’espèce.

Un espèce de disque bricolé entre quatre murs et qui nous arrive de 1994.

1994 le web n’existe pas, nous sommes d’accord. L’émergence du’ home studio’ en est à ses balbutiements et ce type-là sorti de Long Island va provoquer le monde avec un titre au déchaînement contenu.

Quelque temps avant, le mec s’est déjà acoquiné avec la bande Bomb Squad (ouais les ceux-là mêmes qui ont bossé avec Public Enemy). Tout en étant en grande partie à l’œuvre sur le mixage du premier album de Das EFX, Dead Serious, oui “I’m dead serious” mais il est seulement crédité à la guitare.

Ça donne une petite idée, le Robert en question étant un vrai blanc bec; surtout bec ça a sa petite importance pour la suite…

C’est à peu près là qu’il commence à tambouiller sa mixture à 360° de Robert Johnson et Muddy Waters en passant par James Brown, George Clinton jusqu’à Bob Dylan et les toujours présents, parce que c’est comme ça et qu’on ne peut pas faire autrement, Beatles.

Sa savoureuse macération de folk, funk, blues, hip hop et Beatles donc, finit par allécher et c’est Columbia qui le signe.

À cette époque les majors cherchent encore à sucer la roue de ceux qui cherchent vraiment. L’album reçoit des critiques élogieuses, surtout en Europe et se fait sa petite place parmi les convaincus que Beck, on y arrive, qui vient de sortir son Mellow Gold accompagné de son irrésistible Loser, est le nouveau messie des branleurs. Oui Beck vient de crever le plafond et les fumeurs de sticks en raffolent.

C’est à peu près ça,
sauf que From A Sympathetical Hurricane sort 4 mois  après et que pour certains il fait figure de suiveur.

Il n’en est rien. La comparaison est finalement assez paresseuse Mais le mal est fait. Cet album recèle une envergure qui ne dit pas son nom.

Sous ses airs de rafistolage de bouts de trucs, il empeste la coolitude à pleines oreilles.

Visionnaire par sa démarche

Fait à la maison et composé de sons raccommodés sans coutures, arborant une allure particulièrement fraîche il devance ce qui a pu émerger dans le genre sans jamais se la raconter. Je ne vais pas m’étaler et vous faire la retape à chaque titre de cette injustice. Je ne crierai surtout pas au chef d’œuvre, superlativité qui est parfois franchement lassante.

Contentez-vous de plonger dans l’œil de ce sympathique ouragan et vous y entendrez un croisement de dub funk aux contours pop attisés d’un hip hop aux racines blues d’un jeune mec de 25 ans qui poétise les sons sans fioritures et ramone les bleues de l’âme.

Sept longues années plus tard

Son deuxième opus « Peddler In Babylon » verra le jour;  il ne se contentera que de colporter une disparition toute aussi héroïque.
Et c’est en 2015 donc que sur la pointe des pieds Robert Lichtman aka Bobby Sichran tirera une révérence toute aussi effacée que la trace de son petit déchaînement de chambre.

Calisto Dobson

Pour suivre Bobby Sichran

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