Culture

[And so rock ?] Robert Wyatt, Rock Bottom (1974) Virgin Records

Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 27 juin 2024

[And so rock ?] Il y a les bons disques, il y a les grands disques, il y a les chefs-d’œuvre et puis il y a les monuments tels que le monolithe inaltérable de 2001 Odyssée de l’Espace. Rock Bottom de Robert Wyatt fait assurément partie de cette dernière catégorie. 50 ans après sa parution cet album de 6 titres pour 39 min 34 secondes, conçu dans la résilience la plus cathartique, sonne toujours pour Calisto Dobson comme le maître étalon d’une flopée de productions signées – du duo Jon Hassell – Brian Eno à Portishead – à la poursuite d’une modernité hors du temps.

Une gestation à l’hopital

Lorsque Robert Wyatt, batteur fondateur des groupes Soft Machine et Matching Mole se lance dans l’enregistrement de Rock Bottom c’est du haut d’un fauteuil roulant. Au cours d’une soirée de juin 1973, il a chuté de quatre étages et s’est retrouvé paralysé. La légende voudrait que sous acide (L.S.D.), il ait voulu se prendre pour un oiseau.

À partir d’une poignée de titres initiés à l’origine pour le troisième album de Matching Mole, la véritable gestation de ce “fond rocheux” débute alors qu’il se trouve alité à l’hôpital.

En faisant appel à Nick Mason, le batteur de Pink Floyd, pour la production, il s’assure que les territoires qu’il s’apprête à défricher seront préservés.

Robert Wyatt à l’époque de la création de Rock Bottom (1974) Photo DR

Des pointures de haut vol

Autour de lui une bande de musiciens de haut vol amis et connaissances vient lui prêter main forte pour  ce projet appelé à devenir un exercice de reconstruction psychique.
À la guitare le petit génie Mike Oldfield, qui a décroché la timbale une année plus tôt avec son Tubular Bells, choisi pour la bande son du carton planétaire du film L’Exorciste de William Friedkin. À la basse Hugh Hopper, compagnon de la première mouture de Soft Machine, mais aussi Richard Sinclair du groupe Caravan.
Autour de ces pointures s’agrègent le poète Ivor Cutler  ainsi que le batteur avant-gardiste Laurie Allan (Gong), les jazzmen Mongezi Feza à la trompette et Gary Windo à la clarinette basse et saxophone ténor. Sans oublier le guitariste Fred Frith mais qui là tient l’alto et le piano. Cette banale énumération de pointures pour souligner l’aspiration à investir de lointaines latitudes et atteindre des profondeurs émotionnelles jusqu’ici inaccessibles.

Lorsque le 26 juillet 1974 paraît Rock Bottom, le monde n’est pas prêt à recevoir ces mélopées subliminales en forme de prière exorcisante.

Le bain amniotique du titre d’introduction Sea Song nous immerge d’entrée de jeu au cœur d’un univers où le temps n’a plus cours.

De cette mise en condition aux cinq morceaux qui suivent, l’impérissable modernité qui émane des ondes émanatrices de Rock Bottom n’a toujours pas fini de répandre ses doucereuses effluences à la mélancolie envoûtante.

Une ribambelle d’emprunts

Des lustres plus tard, beaucoup s’en souviendront et emprunteront les mêmes sentiers solitaires bercés de cette profonde et langoureuse volupté rédemptrice. De Jon Hassell associé à Brian Eno avec leur projet Fourth World, Vol. 1 : Possible Musics jusqu’à entre autres pour ne citer qu’eux deux,

Portishead pour son fondateur Dummy, une ribambelle d’artistes puiseront leur inspiration à l’aune de ce monument inaltérable.
Y plonger  c’est s’immerger au sein d’un baume de consolation qui nous permet d’asservir nos tourments.

Je vous invite à découvrir l’excellente collection Discogonie des Éditions Densité dédiée à des albums emblématiques. La publication consacrée à Rock Bottom est fortement recommandée.

Calisto Dobson

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