Gastronomie

Carine Amery, sommelière du thé plaide pour l’accorder avec le repas

Auteur : Olivier OLgan
Article publié le 11 septembre 2020

« Avec le thé, le marché flatte trop la facilité, au détriment de la saveur » Depuis quelques années, Carine Amery s’engage à valoriser le thé comme une saveur gastronomique à part entière. A contre-courant des pratiques et des préjugés de la restauration, cette « sommelière du thé » promeut les accords mets-thés et trois règles de base pour les réenchanter : bien choisir, bien préparer, bien servir.

Carine Amery, sommelière de thé, fondatrice de Tsurmesure © DR

Un geste trop négligé

Viendrait-il à l’idée d’un chef étoilé de servir du vin sans connaître ni sa préparation ni sa provenance, de ne pas en respecter la température, ni l’accord avec ce qui est servi ? C’est pourtant ce qui arrive trop souvent au moment de proposer un thé.  « L’appauvrissement des saveurs du thé s’intensifie car l’offre privilégie uniquement la facilité d’utilisation, rappelle Carine Amery. Que ce soit à domicile ou en restauration, les feuilles de thé des sachets perdent rapidement leurs arômes et saveurs. Elles sont le plus souvent réduites en poudre pour les besoins du conditionnement. Dans le meilleur des cas, gardées entières, c’est le temps de l’infusion et/ou la taille du récipient qui ne sont pas respectés. »

Pourtant, la préparation du thé est moins sophistiquée que celle d’un cocktail.

Les mondes infinis et millénaires du thé

S’il y a environ 5 000 sortes de vignes cultivées dans le monde, Il existe plus de 6000 crus de thés rien qu’en Chine.

Avec une seule récolte de feuilles, en fonction de la manufacture, six variétés de thé différentes peuvent être produites ; elles correspondent aux six couleurs de la nomenclature chinoise : le thé blanc, le thé jaune, le thé vert, le thé bleu-vert (aussi appelé Oolong ou thé semi-oxydé), le thé rouge (appelé improprement « thé noir » en Occident) et le thé noir (ou Pu-erh) chinois.

Gastronomie rime avec alchimie

Savourer, que ce soit du vin ou du thé, exige bien entendu un minimum de préparation. « Pour le thé, elle est systématiquement réduite aux gestes de la pincée ou sachet jeté dans un récipient arrosé d’eau chaude. « Pourtant, retrouver un subtil arôme n’est pas difficile, surtout, rappelle Carine Amery si chacun garde en tête que l’important reste l’infusion. Elle est la toile de fond sur lequel l’arôme va se développer. » Car, mal préparées, les meilleures feuilles du monde vous donneront une boisson médiocre

Une logique de l’attention

Pour mettre en valeur le potentiel aromatique d’un thé, quelques attentions s’imposent :

  • Faire le sachet soi-même (avec des sachet vides, vendus par boîtes de 100) permet de doser en fonction du volume du récipient, généralement 6-7 gr/demi-litre.
  • Faire attention au matériau de la théière ; les meilleures sont en porcelaine, en faïence, en verre, en céramique ou en terre cuite, à éviter la fonte des « pseudo théières » japonaises (qui ne servent sur place que de bouilloire)
  • Respecter le dosage à la théière ; il ne se fait pas au volume mais au poids, compter environ 2 grammes par tasse.,
  • Adapter la température en fonction de la couleur du thé, par exemple si l’on verse de l’eau bouillante sur un thé vert, l’amertume passera en premier lieu dans l’infusion. Une règle générale : les thés blancs, verts, jaunes doivent être infusés dans une eau à 80°C ou moins et les thés oolong, rouge et noirs dans une eau juste portée à ébullition
  • S’assurer de la qualité de l’eau. D’une minéralité inférieure à 120 mg de résidus secs à 180°C (information présente sur chaque bouteille vendue), son pH doit être neutre ou très légèrement acide. Une eau du robinet filtrée par une carafe de type Brita est parfaitement adéquate
  • Conserver les feuilles de thé à l’abri de la lumière (pas dans un bocal transparent), de l’air, de l’humidité, des changements de température et des odeurs.

Une vaste gamme d’accords mets et thé

On le comprendra aisément, pas besoin d’avoir des centaines de thés à la carte, seulement 3 à 5 suffisent à créer un voyage autant olfactif que gustatif, de couvrir l’essentiel des accords avec les mets. « Il ne faut pas oublier que dans les multiples qualités du thé, la « théanine » qu’il contient est un exhausteur de goût. » C’est pour cette raison de que Carine conseille aux restaurateurs de proposer du thé notamment aux repas de midi. Le produit est facile à travailler (une fois qu’on le respecte) et le client est prêt à payer le prix d’un service de qualité. Las, la démarche se heurte au mythe de plus en plus battu en brèche que le vin est plus lucratif ….

La roue des saveurs, à la fois ouril et guide pour mieux cerner les perceptions du dégustateur

La roue des saveurs rapproche le thé du vin

Cet outil pédagogique qui sert à nommer et à communiquer permet lors des dégustations d’identifier les parfums et les saveurs que l’amateur perçoit sans pouvoir les dire. « C’est un support d’atelier car la palette des arômes du thé est la plus large de tous les produits  comestibles, précise Carine Amery. Elle est aussi efficace pour accompagner une dégustation de vin où les registres ‘marin’ (typique du thé japonais), ‘empyreumatique’ (goudron) ou ‘fongique’ en sont absents, alors qu’ils sont bien présents dans certains crus de thé. »

Histoire de créer un premier accord, servez-vous un Genmaicha !

C’est pour la sommelière, le thé le plus polyvalent ; ce mélange de Sencha de riz complet grillé s’associe avec le plus d’aliments : les viandes, les poissons, le chocolat, les fruits frais et même avec un simple sandwich ! la majorité des thés japonais se concilie bien qu’avec le poisson. Et pour cause, les Sencha, ont des notes marines assez accentuées !

Pour aller plus loin ; voici la notice rédigée pour le Genmaïcha bio (de chez Watanabe) par Carine Amery dans ‘Mes trésors de thé‘, proposée sur son site :  « Issu de la production de la famille Watanabe à Kagoshima, ce thé est constitué de feuilles fines (et non de feuilles grossières comme c’est souvent le cas pour le Genmaïcha) et de riz complet grillé à des intensités diverses, ce qui élargit le registre des saveurs empyreumatiques, de chicon braisé, de chicorée. Un thé vert puissant, finement astringent, légèrement amer. Qui s’accorde à de nombreuses préparations de fromage gratiné et cuit, chicons au gratin, croque-monsieur, raclette ; et de salades de légumes, cuits ou crus. Ainsi qu’aux préparations de chocolat noir. 12 gr/litre ; 90°C ; 3’/Possibilité d’infusions multiples. »

Bienvenue dans ce monde de saveurs inédites que Carine Amery révélera régulièrement pour Singulars,
mais c’est déjà une nouvelle histoire !

Comment commencer à déguster le thé ?

Le site Carine Amery Tsurmesure 
contact, réservation d’ateliers : info@thesurmesure.be

Des ateliers thématiques pour les particuliers ou les entreprises

  • Dégustation Découverte (2 heures)
  • Apprendre à préparer le thé

« Le thé s’habille » : recettes de thé sur mesure pour des musées et institutions conditionnées dans des boîtes métalliques fabriquées sur mesure.

Où les trouver ? des adresses et de sites par correspondance

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