Culture
Le carnet de lecture de Ludmila Berlinskaïa & Arthur Ancelle, Duo et DA du Rungis Piano-Piano Festival
Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 17 septembre 2020
Couple fusionnel, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle forment depuis 2011 un remarquable duo de piano à quatre mains. Pour éclairer la diversité et la convivialité de leur répertoire, ils ont créé avec un certain humour le Rungis Piano-Piano Festival – hélas tronqué par le Covid – du 1 au 3 octobre. C’est aussi à deux voix qu’ils ont confié à Singulars un carnet de lecture stimulant.
Le duo à quatre mains, l’exemple d’un vivre ensemble


Arthur Ancelle & Ludmila Berlinskaïa, DA du Rungis Piano Piano Festival Photo ©Ira Polyarnaya
Sur scène comme à la ville, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle forment un duo de pianistes, très engagé depuis 2011 pour révéler les richesses d’un répertoire musical, trop méconnu, le piano à quatre mains. C’est pour en éclairer la diversité et la convivialité qu’après le festival La Clé des Portes , créé en 2012 dans les châteaux de la Loire, ils ont imaginé le Rungis Piano-Piano Festival. La première édition se tient du 1 au 3 octobre au Théâtre de Rungis : « Le duo de pianos est un genre qui n’est malheureusement pas reconnu à sa juste valeur, regrette le couple franco-russe. À l’instar du quatuor à cordes, du trio et des autres formations de musique de chambre, le jeu à quatre mains et deux pianos offre des possibilités musicales et sonores proprement extraordinaires. »
« Jouer ensemble est une joie »
« En tant que musiciens nous savons combien le fait de partager une partition est synonyme de convivialité, d’amusement, de connivence, confirme le duo. Tout en gardant sa propre personnalité, chaque musicien doit s’ouvrir à l’autre, cheminer afin de construire une vision commune, intellectuelle et sensible, de l’œuvre. C’est un bel exemple de vivre- ensemble. »
Leur carnet de lecture est à leur image, éclectique, cohérent et … partagé.
Carnet de lecture littéraire et musical
Arthur Ancelle. J’ai toujours été un grand lecteur, j’aime la stimulation de la lecture, le pouvoir du rêve, de la projection. Combien de livres ai-je dévoré petit avec une lampe de poche sous la couverture au lieu de dormir ?
Toutefois, ces dernières années, la lecture est devenue plus difficile : les journées sont incroyablement chargées, et je ne tiens que quelques pages le soir avant de dormir. Heureusement qu’il y a les voyages liés aux concerts : le train, l’avion, l’attente en loge sont autant de moments parfaits pour lire « tranquillement ! »
Le confinement, s’il n’a pas été un choc, a bouleversé insidieusement habitudes, réflexes et emploi du temps, sans réellement libérer l’esprit, et mon temps de lecture n’en a que peu bénéficié.
C’est plutôt après, puisque tant de concerts ont été annulés, que je me suis remis à dévorer.
J’aime particulièrement les livres sur des artistes ou des personnalités, les biographies, mais aux biographies officielles un peu froides je préfère les œuvres écrites par des auteurs qui sont également de très fortes personnalités artistiques. On pense immédiatement à Zweig, bien entendu, mais récemment j’ai beaucoup aimé lire le livre de Serge Lifar sur Serge de Diaghilev.
Serge Lifar était lui-même un grand danseur, on peut dire « proche » de nous puisqu’il est décédé en 1986, je suis fascinée par son amour pour Diaghilev, qui en a suscité tant, de Stravinsky à Nijinsky, mais contrairement à ce dernier, Lifar possède un vrai style littéraire, il met en perspective, raconte et analyse, réfléchit, met en scène nombre d’artistes de l’époque, c’est passionnant. C’est aussi l’époque de nombreux bouleversements, notamment pour les Russes et l’émigration, c’est extrêmement intéressant et aide à relativiser notre situation.
Mais c’est bien Henry Miller qui a provoqué le plus d’émotions, d’exaltation, de réflexion, de rêverie avec Sexus, premier de sa trilogie La Crucifixion en rose, si bien écrit, si personnel, si vivant. Je ne pouvais pas le lâcher, et en même temps je passais de longues minutes le livre en main à réfléchir, rêvasser, laisser monter en moi les mondes que les dernières phrases lues m’ouvraient.
Arthur Ancelle. J’ai toujours quelques lectures musicales sur la table de chevet ou dans le sac de voyage. Le Carnet de Voyage en URSS de 1927 de Serge Prokofiev m’a passionné de bout en bout : tout ce qu’il décrit paraît si proche, si réel ; bien qu’il ait parfaitement conscience du danger que représenterait la saisie de ses carnets pendant son voyage et qu’il ait probablement en tête également la postérité, Prokofiev livre sans détour ses impressions, pensées, jugements, on y retrouve nombre de personnages et lieux devenus « historiques » qui vivent un bref épisode de leur quotidien sous vos yeux. Passionnant.
Ludmila Berlinskaïa Nous écoutons à la fois peu et beaucoup de musique…
Arthur Ancelle Peu car nous avons des piles de disques qui s’amoncellent, des listes de recommandations et d’envies non satisfaites, et beaucoup car nous faisons énormément de recherches pour les programmations de nos festivals, et pour nos programmes personnels.
Ludmila Berlinskaïa Oui, ce facteur X du mécénat est également très présent dans le livre de Lifar dont je parlais, des femmes et hommes de l’ombre qui par leur soutien et conviction peuvent changer la face du monde artistique : Diaghilev sans ses mécènes, c’est un univers qui ne peut exister !
Arthur Ancelle Pendant le confinement, nous avons regardé énormément de films, impossible de me rappeler lesquels, c’était très éclectique, mais pendant nos récentes vacances également. Nous nous retrouvons tous les deux dans l’humour déjanté, décalé, la critique sociale et le jeu d’acteurs magnifique d’un O’Brother des frères Coen revu récemment, par exemple…
Ludmila Berlinskaïa …mais aussi hypnotisés par Romy et Alain Delon dans la Piscine de Jacques Deray : ils sont tellement charismatiques, il y a tellement de tension, de vie sous-jacente dans chacune des scènes…
Arthur Ancelle …en parlant de piscine, il y avait également le film très touchant de Gilles Lellouche : Le Grand Bain. Formidable de vérité et de folie, d’absurde et d’intime, avec un casting excellent.


Pour suivre le Duo de pianos
Tout sur le Duo Berlinskai & Ancelle
1er Rungis Piano-Piano Festival du 1 au 3 octobre 2020
Théâtre de Rungis
1 place du Général de Gaulle 94150 Rungis
Plein tarif de 15 à 25€ avec une série OFF gratuite sont ouverts au public.
- Jeudi 1er octobre 2020, 20h30 Ludmila BERLINSKAÏA & Arthur ANCELLE Orchestre National d’Île-de-France dir. Lucie LEGUAY Mozart : Concerto pour deux pianos et orchestre en mi bémol majeur, K 365 Symphonie n° 38 en ré majeur K 504 « Prague », Francis Poulenc : Deux marches et un intermède FP 88, Concerto pour deux pianos et orchestre en ré mineur, FP 61
- Samedi 3 octobre 2020, 20h30 Thomas ENHCO, Baptiste TROTIGNON George Fragos, Jack Baker and Dick Gasparre : I Hear a Rhapsody Duke Ellington : Caravan Gene de Paul : I’ll Remember April Hoagy Carmichael : The Nearness of You Miles Davis : All Blues Baptiste Trotignon : Moods, La Danza Thomas Enhco : You’re Just a Ghost, Owl & Tiger.
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