Culture

Cinéma en salles : Babylon, de Damien Chazelle (2023)

Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 7  février 2023

avec Brad Pitt, Margot Robbie, Diego Calva, Tobey Maguire. 190 mn

Avec son époustouflant Babylon, Damien Chazelle sous le couvert d’un portrait multi-facettes du Hollywood des origines, adresse une lettre d’amour fou au cinéma. Son regard incisif sur la crudité  et la cruauté d’une réalité créative impitoyable rappelle la profonde mélancolie qui irriguait déjà La La Land. Calisto Dobson resitue cet hommage débridé à Hollywood dans le genre réflexif d’Hollywood sur Hollywood.

Damien Chazelle a ses obsessions.

Depuis Whiplash (2014), son premier coup de maître,  le cinéaste né en 1985 creuse le sillon d’une obstination, percer les mystères de la création. De donner du sens, de l’ampleur à l’existence. Avec Babylon, il revient, après First Man (2018) une escapade en solitaire vers la Lune, sur les terres de la folie Hollywoodienne.

Déjà La la Land (2016) sondait la question du choix cornélien entre une dévorante ambition artistique et le sacrifice de toute autre tentative d’être simplement heureux. Sa nouvelle production pousse son introspection cinématographique encore plus loin dans les démangeaisons créatives. En plongeant au cœur du contexte de l’avènement industriel d’Hollywood et, il faut bien le dire, de sa démesure débridée, il rend un hommage plus qu’appuyé au cinéma et à tous les membres de l’immense tribu des faiseurs de films.

Un pur concentré de cinématographie

Bourré de références à une flopée de protagonistes de la prime jeunesse des studios, clairement inspiré des frasques et d’affaires plus ou moins sulfureuses rapportées et souvent renchéries dans Hollywood Babylon de Kenneth Anger, le film se révèle un quasi pur concentré de cinématographie.

Chaque section de ce film fleuve est déjà à elle seule une histoire, un genre à part. La séquence d’ouverture foudroyante nous catapulte dans un monde qui nous rappelle les pharaoniques productions de l’époque des pionniers des blockbusters d’aujourd’hui. La mise en scène tonitruante de cette évocation en appelle autant à la liberté la plus folle qu’au constat que rien ne peut se mettre en travers de la magie générée par un film.

Une fabuleuse mise en abime

Après d’autres exemples récents autour des délires et extravagances d’ Hollywood +, tels que Once upon a time in…Hollywood  de Quentin Tarantino (2019), ou encore Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson (2022), Babylon vient nous dire avec maestria que rien ne peut remplacer le désir de cinéma.

De longue date, les mises en abyme par le petit ou le gros bout de la lorgnette des légendes et des mythes hollywoodiens ont fait florès et ont nourri l’imaginaire d’une flopée d’auteurs. Sans revenir sur les deux plus récentes citées plus haut, elles ont survolées tous les genres, de la comédie au drame, en passant par le film noir, la satire et le western dévoyé et ou encore même la science-fiction.

Des plus anciens Les Voyages de Sullivan de Preston Sturges (1942), à Sunset Boulevard de Billy Wilder (1950), jusqu’à plus près de nous, Barton Fink de Joel et Ethan Coen (1991), Maps to the Stars de David Cronenberg (2014), et sans oublier The Artist bien sûr de Michel Hazanavicius (2011), la liste est longue.

Citons également le film passé aux oubliettes de Paolo et Vittorio Taviani, Good Morning Babilonia, qui a sans doute été vu et revu par Damien Chazelle puisqu’il le précède dans son exploration du Hollywood des pionniers. L’un des films le plus emblématique sur Hollywood étant sûrement Chantons sous la pluie de Stanley Donen (1952), exposé à bon escient dans Babylon comme pierre angulaire du changement qui frappa Hollywood à l’orée de l’avènement du parlant. Un peu à la façon dont le cinéma est aujourd’hui secoué par la technologie digitale et le recours au streaming tous azimuts.

Le contraste entre l’aspect sublime de la pellicule et ces coulisses sauvages, c’est le cœur du film.
Je voulais essayer de capturer tout cela,
l’humanité dans ce qu’elle a de plus glamour et dans ce qu’elle a de plus bestial et dépravé
.
Damien Chazelle

Le barnum anarchique impressionne.

Assumant le coté anarchique, rebelle, outrancier, Chazelle lance un cri d’alerte au risque d’aseptisation puritaine du cinéma. Sa riposte est vitale . En confrontant la chroniqueuse mondaine d’Hollywood (Jean Smar) à l’acteur star muet que le parlant a enterré (Brad Pitt), il rappelle l’essentiel : si Hollywood dévore ses enfants, si les époques passent, si les héros d’hier et de demain s’effacent, leurs images restent et vivent dans la lumière du cinéma et nous envoûtent pour l’éternité.

#Calisto Dobson

Hollywood en point de mire

Liste non exhaustive de films d’Hollywood par Hollywood (notables en sus de ceux cités)

Le Jour du Fléau, de John Schlesinger (1975)

Le Dernier Nabab, d’ Elia Kazan (1976)

 S.O.B. et Meurtre à Hollywood, de Blake Edwards (1981 et 1988)

The Player, de Robert Altman (1992)

Galaxy Quest, de Dean Parisot (1999)

Mulholland Drive, de David Lynch (2001)

Avé César !, de Joel et Ethan Coen (2016)

sans oublier, Hollywood, la passionnante mini-série de Ryan Murphy et Ian Brennan sur Netflix

Articles similaires

[And so rock ?] Robert Wyatt, Rock Bottom (1974) Virgin Records

Voir l'article

[And so rock ?] Punk.e.s , de Rachel Arditi et Justine Heynemann

Voir l'article

[And so rock ?] A Drifter to the Light of the Sun ou le destin perdu de Bobby Sichran

Voir l'article

Le carnet de 16 albums de Calisto Dobson pour 2023

Voir l'article