Culture

Cinéma en salles : La Conspiration du Caire (Boy from heaven), de Tarik Saleh (2022)

Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 10 novembre 2022 

Actuellement en salles.
avec Tawfeek Barhom, Fares Fares et Mohammad Bakri. 119 mn

Découvert en 2017 avec Le Caire confidentiel,  polar noir qui brossait le quotidien d’un inspecteur désabusé à la poursuite d’un meurtrier haut placé dans un pays miné par la corruption, Tarik Saleh enfonce le clou. Avec La Conspiration du Caire, sous le couvert d’une intrigue de thriller, le réalisateur égyptien exilé nous dresse le portrait d’une société égyptienne prise entre le marteau d’un État totalitaire et l ‘enclume d’une religion absolutiste. Son Prix du scénario au Festival de Cannes 22 ne doit pas faire oublier la force et la maitrise de la mise en scène qui en fait l’un des films les plus marquants de l’année, selon Calisto Dobson.

Entre thriller d’espionnage et film d’initiation

Tawfeek Barhom est le jeune étduant de La Conspiration du Caire Tarik Saleh 2022 Photo DR

Adam est un jeune homme habité par la foi, à l’esprit humble et brillant. Fils d’un pêcheur veuf à la sévérité radicale, il obtient une bourse pour intégrer la prestigieuse université islamique Al-Azhar.
À la suite du décès du grand imam, il va se retrouver pris au sein d’une (mortelle) lutte d’influence.

C’est le cinéma de genre qui me pousse vers un projet, pas le propos politique.
Raconter les méandres d’une société, quelle qu’elle soit, ressemble toujours à un polar.

Tarik Saleh

Une dénonciation d’une grande probité

Avec La Conspiration du Caire, Tarik Saleh brosse une peinure sans concession de la société égyptienne Phot DR

Tarik Saleh réalisateur d’origine égyptienne, né en Suède, s’empare à bras le corps de la question du rapport entre l’État et la religion dans un pays musulman. Déjà Le Caire confidentiel nous avait impressionné par son regard sans concessions sur la situation de la société de son pays d’origine. Persona non grata en Égypte, l’ancien graffeur sous le pseudonyme de Circle and Tarik quinquagénaire brosse un film sous tension, d’une sobriété exemplaire. Sans aucun manichéisme il dénonce avec une grande probité les enchevêtrements qui minent l’Égypte. Sa mise en scène sans aucune couture apparente, lui permet de déployer plus qu’un discours, un constat accablant qui renvoie dos à dos le totalitarisme étatique ainsi que celui que certains voudraient voir adopter par la religion.

Passionnant de bout en bout, son film au travers du parcours de son personnage principal, d’abord candide, puis plus retors mène une réflexion de fond sur la capacité à intégrer le poids de la religion et sa velléité absolutiste face à la volonté sanguinaire du pouvoir politique de ne pas y céder.

Je ne critique pas la religion,
mais je veux interroger la notion de sacré qui bouleverse encore aujourd’hui toutes nos sociétés. 

L’alerte raisonnée de Tarik Saleh est limpide

Le salut viendra sans doute de la bonne intelligence de croyants qui ne demandent qu’à pratiquer leur foi dans la bienveillance enseignée par cette dernière. En désignant une minorité vouée à l’hégémonisme de part et d’autre des protagonistes, il nous fait part de ce qui gangrène une grande partie des sociétés musulmanes. Une soif de pouvoir de petits comités engendrée par des pratiques culturelles dévoyées. En pointant du doigt le rigorisme du père de notre héros, le réalisateur illustre par la base des pratiques ataviques qui se relaient jusqu’au plus haut sommet de la société.

Il finit cependant sur une note d’espoir en désignant Adam comme digne héritier d’une tradition éclairée de bienveillance. Même si ce dernier revient de ses universités chargé d’une amertume qu’il transcendera sous une forme de résilience à la force des rames de la barque de son père.

#Calisto Dobson

Articles similaires

[And so rock ?] A Drifter to the Light of the Sun ou le destin perdu de Bobby Sichran

Voir l'article

[And so rock ?] Punk.e.s , de Rachel Arditi et Justine Heynemann

Voir l'article

Le carnet de 16 albums de Calisto Dobson pour 2023

Voir l'article

[And so rock ?] Hommage (III) Lou Reed, Berlin (1973)

Voir l'article