Culture
Cinéma Hommage à Bob Rafelson (1933 – 2022)
Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 26 juillet 2022
Après Peter Bogdanovich (1939-2022), c’est au tour d’un autre maverick du nouvel Hollywood des années 70/80 de disparaître le 23 juillet. «L’un des plus grands artistes de cinéma de son époque» pour Francis Ford Coppola, Bob Rafelson ne laisse qu’une mince filmographie d’une dizaine de films dont au moins une moitié mérite que nous nous y attardions. Moteur.
Né sur un malentendu
Né à New York en 1933, après la démobilisation, Bob Rafelson entame une carrière de télévision. Il y met fin à la suite à une virulente altercation avec un producteur au sujet du choix d’un acteur.
Son premier film Head (1968) est un malentendu. Il s’agit de dénoncer les intrigues et bassesses du show business au travers de la carrière d’un groupe monté de toutes pièces, The Monkees, une réponse américaine aux Beatles, écrit par son ami Jack Nicholson (avec lequel il aura cinq collaborations comme acteur). Si la série éponyme dont il est inspirée, et la carrière musicale du groupe sont un succès, le film est un échec.
Ce qui ne l’empêche pas d’être co-producteur d’Easy Rider (Dennis Hopper) présenté à Cannes en 1969 (à écouter les 10 films qui ont changés le monde).
En 1970, sa deuxième réalisation Cinq Pièces Faciles avec en tête d’affiche Jack Nicholson et Karen Black est aujourd’hui considérée comme une œuvre majeure et la plus sensible de cette période du cinéma américain. Elle raconte les errances d’un ex prodige du piano reconverti dans le forage pétrolier. Magnifique portrait d’un homme pris au piège de sa vulnérabilité.
Deux ans plus tard, Bob Rafelson récidive et produit une autre réussite, The King of Marvin Gardens, toujours avec Jack Nicholson, accompagné de Bruce Dern et Ellen Burstyn. Il s’agit ici d’une mélancolique dénonciation de la mystification du rêve américain.
Ce film garde aujourd’hui l’aura d’un cinéma sans concession proche de la veine de grandes œuvres telles que Babbitt de Sinclair Lewis.
En 1976, Bob Rafelson tente d’enfoncer le clou d’un cinéma réaliste avec Stay Hungry, plongée dans l’univers des culturistes qui donne aux cotés de Jeff Bridges et Sally Field, un premier rôle à certain Arnold Schwarzenegger.
En 1981 il atteint l’acmé de sa courte popularité et son quart d’heure de lumière avec un remake du classique Le facteur sonne toujours deux fois d’après James M. Cain. Afin de rivaliser avec le duo mythique John Garfield et Lana Turner dans la version originale de Tay Garnett, il emploie Jack Nicholson et Jessica Lange. Cette évocation torride d’une passion destructrice durant la grande dépression lui vaudra son plus grand succès public.
Il renoue avec le cinéma six années plus tard avec un film noir dans la grande tradition du genre. La Veuve Noire avec l’immense Debra Winger, accompagnée de Theresa Russell, Sami Frey et Dennis Hopper n’aura pas l’audience escomptée. Le film ne demande qu’à être largement réévalué. De par son élégance, ce portrait de la femme fatale dans tous les sens du terme pourchassée par une représentante du Département de la Justice porte en lui les germes d’un féminisme qui ne dit pas son nom.
Avec Mountains of the Moon (en français Aux sources du Nil), Bob Rafelson atteint son sommet cinématographique. Ce film d’aventures épiques retrace l’histoire vraie et retentissante de l’expédition deux explorateurs anglais, Richard Burton (Patrick Bergin) et John Hanning Speke (Iain Glen) pour découvrir l’emplacement exact des sources du Nil. Dans des paysages somptueux, la quête mythique met à rude épreuve l’association complexe de deux caractères de l’époque victorienne que tout oppose, le poète, anthropologue et proche de l’Afrique et l’ambitieux aristocrate avide de reconnaissance. Les conditions extrêmes sont autant d’obstacles à tout ambition présomptueuse où le refus de composer avec les peuples autochtones mené à la catastrophe. The lost city of Z (James Gray, 2016) lui rend incontestablement hommage.
Après ce tour de force, Bob Rafelson retrouvera par deux fois son vieil ami Jack Nicholson pour Man Trouble en 1992 qui sera un échec cuisant ainsi que Blood and Wine en 1996 qui ne marquera pas les esprits.
Son dernier film non sans charme, Sans motif apparent d’après Dashiell Hammett sorti en 2002 avec Samuel L. Jackson et Milla Jovovitch, tentera sans succès de retrouver la portée de ses œuvres maîtresses.
S’il n’a pas reçu la même reconnaissance qu’un réalisateur du même acabit tel que Peter Bogdanovich pour ne citer que lui, Bob Rafelson nous laisse une poignée de films qui auront marqué de leur empreinte une période charnière du cinéma américain.
Pour aller plus loin
A lire :
Peter Biskind, Le Nouvel Hollywood (Le Cherche-Midi, 2002)
Richard Francis Burton, John Hanning Speke, Aux sources du Nil, La découverte des grands lacs africains 1857 1863, Libretto, 2016
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