Vins & spirits

Des rouges légers, pour chatoyer votre été

Auteur : Mohamed Najim et Etienne Gingembre
Article publié le 23 juin 2022

[Les pépites de la révolution viticole] Après la pétanque, il n’y a pas que les rosés. Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas le bonbon anglais, mais les auteurs de Quand le vin fait sa révolution (Ed. du Cerf, 2021) préfèrent les compotées de fruits rouges. Pour accompagner vos repas aux terrasses, pour vos barbecues sur votre lieu de vacances, Mohamed Najim et Etienne Gingembre ont un faible pour les rouges légers et bios issus des Domaines Elisabeth et Bruno Vuittenez, Borgnat, Eugène Meyer, Régina, Amirault-Grosbois, et Frédéric Berne.

Avant la révolution viticole (voir livre Ed. du Cerf, 2021), c’était des pinards acides, souvent « piqués » donc infects, des déserts d’arômes, pauvres en alcool donc chaptalisés, mais aussi sulfurisés pour échapper à la pourriture grise des septembres pluvieux.
Désormais, ce sont des compotées de fruits rouges, avec des subtilités aromatiques qui rappellent leurs terroirs.

La possibilité de nombreux accords

Les rouges les plus légers sont des vins de viandes blanches ou roses, pour accompagner un chapon, un civet de lapin, une canette de barbarie, des côtes de veau ou même un poulet rôti.
Mais ils peuvent aussi se substituer à des blancs pour accompagner un pâté en croûte, une délicieuse tourte lorraine, et puis tous les veaux en sauce, qu’ils soient sautés aux champignons, en blanquette ou marengo. Ces rouges légers, on les verra très bien, aussi, sur de la charcuterie, certes pas la plus forte en goût, mais un jambon à l’os, un saucisson cuit ou un fromage de tête persillé. Pour finir, nous on les aime aussi, quand ils sont bien tendres, bien soyeux et pleins de fruits rouges, servis sortis de cave, entre 12 et 14 degrés, sur un filet de bœuf voire – pourquoi pas ? – une magnifique côte de la même bête à cornes grillée sur la braise…

Voici une petite liste, non exhaustive, des rouges les plus légers pour embellir votre été.

Jean-Benoit, Elisabeth & Bruno Vuittenez à Meloisey, dans les Hautes-Côtes de Beaune

Elisabeth et Bruno Vuittenez subliment la finesse des Hautes-Côtes de Beaune

Les deux anciens professeurs de la viti-œno de Beaune possèdent un vin de garage de 0,6 hectare à Meloisey, la capitale spirituelle des hautes-côtes, d’où est partie la renaissance de ce terroir. C’était aussi leur laboratoire d’expérimentation grandeur nature : tout en enseignant pendant des décennies les rudiments de la révolution viticole. Avec le soutien de leur fils, Jean-Benoit, Elisabeth et Bruno Vuittenez l’ont mise en pratique en produisant chez eux une absolue pépite en pinot noir (9,50 euros), avec du fruit, de l’élégance, de la finesse, en d’autres termes un vin aérien et sublime. On ne s’en cachera pas : nous, on l’adore…

Le Domaine Borgnat défend les couleurs rouges de l’Auxerrois

Eglantine Borgnat du domaine éponyme

L’autre Bourgogne, celle de l’Auxerrois, qui est surtout connue pour ses chablis, vinifie également des rouges très légers, à l’image de l’Irancy, qui enchanteront vos diners de l’été. Cette AOC a pour particularité d’accepter dans son cahier des charges, en plus du pinot noir toujours dominant, un maximum de 10 % de césar, aussi appelé romain, un vieux cépage local supposé avoir été importé dans la région par les légions de Jules. C’est donc un vin d’assemblage, ce qui fait figure d’exception dans la Bourgogne.
Mais question rouges légers, nous, nous avons une petite préférence pour l’appellation Bourgogne Coulanges-la-Vineuse qui est essentiellement pinot noir. « C’est un vin très léger, très sur le fruit, presque féminin », nous confie de sa voix claire la jeune Marcy Barbault, du Comptoir des Vignes, la cave à vin d’Auxerre. Marcy recommande la cuvée Tradition du domaine Borgnat animé par Eglantine Borgnat, (9,30 euros), qui est médaillé en or au Concours général agricole.

Eugène Meyer fait ressortir la finale épicée des pinots noirs d’Alsace

Trois générations de Meyer, Xavier, François, Eugène et ces dames boostent leurs cuvées

Serge Dubs, le président des sommeliers alsaciens, nous a mis sur la piste de Xavier Meyer, « l’un des jeunes talents les plus prometteurs d’Alsace ». C’est Eugène qui en 1969 a converti le domaine à la biodynamie, après avoir été intoxiqué par un produit chimique. François a continué, et puis Xavier, sur qui veille ses père et grand-père. Le jeune homme s’intéresse particulièrement à la mise en valeur des terroirs : « Un vin réussi sur un lieu-dit, c’est quand on n’arrive plus à identifier le cépage », nous confie-t-il.
A Bergholtz, entre Colmar et Mulhouse, il propose de superbes blancs d’Alsace, mais aussi cet étonnant pinot noir à la belle couleur rubis (16 euros). Ce qui l’emporte, on s’en doute, ce sont les fruits rouges, avec une dominante de cerise et de myrtille. La bouche est gourmande et rafraichissante, les tanins fins et soyeux. Et puis, bien sûr, chez Eugène Meyer comme dans les autres régions, on a appris à magnifier le caractère du terroir. Et en Alsace que ce soit dans le gewurzstraminer ou dans le pinot noir, on retrouve ces notes d’épices qui sont incomparables.

Le Domaine Régina exprime la terre lorraine dans ses rouges de Toul

Isabelle et Lorraine Mangeot, du domaine Régina

Dans les années 90, la petite AOC des Côtes de Toul (une centaine d’hectares) avait encore la réputation de faire des vins à peu près pas buvables. Et puis, les vignerons et les néo-vignerons, comme Jean-Michel et Isabelle Mangeot, se sont retroussés les manches. Eux étaient informaticiens dans une multinationale du pneu quand, à la fin de la décennie, ils rachètent et louent en tout une vingtaine d’hectares. Et ils font si bien les choses qu’ils collectionnent très vite les médailles d’or. Jean-Michel hélas décédé, c’est Isabelle, accompagnée de sa fille Lorraine, qui continue.
Comme les Alsaciens, le Domaine Régina réussit de très beaux blancs, mais aussi un pinot noir très léger, couleur rubis, avec beaucoup de fruit – groseille et framboise –, de la finesse, de l’élégance (10 euros). Un vin de plaisir, de soif, mais aussi de gastronomie, que nous avons dégusté avec une tourte à la viande. Ce millésime était œil-de-perdrix, presque rosé. D’ordinaire les rouges de Toul sont l’expression de ces coteaux arides, avec des bouquets d’arômes qui évoquent leur terroir argilo-calcaire.

Xavier Amirault et Nicolas Grobois, les cousins de Saint-Nicolas-de-Bourgueil

Les cousins Amirault-Grosbois exhalent les fruits rouges de la Loire

Après vous avoir beaucoup parlé des pinots noirs du quart nord-est de l’Hexagone, venons en au cabernet franc de la Loire. C’est l’histoire de deux cousins, Xavier Amirault et Nicolas Grosbois, qui ont chacun leur domaine. En 2007 ils décident d’unir leurs savoir-faires pour proposer des vins bio, qui expriment leurs terroirs. Les Terres Jaunes, les Arpents et les Graipins, trois cuvées de Saint-Nicolas-de-Bourgueil, la Butte aux ânes et la Boule, deux bourgueils, le Bourg et encore les Terres Jaunes, en Chinon sont caractéristiques de ces vins gourmands, soyeux et plein de fruits rouges de la nouvelle génération, avec un très bon rapport qualité-prix (8 à 16 euros). Nous apprécions particulièrement leur cuvée parcellaire Terrasse chaude.

Frédéric Berne invente les beaujolais bio de demain

Frédéric Berne, chef de file des vignerons qui militent pour la reconnaissance de Lantigné, comme onzième cru du Beaujolais

Après la meute des pinots noirs et les cabernets ligériens, notre tour d’horizon des rouges légers ne serait pas complet si l’on ne vous parlait pas des gamays du Beaujolais. Du côté de Lantigné, dans le Rhône, Frédéric Berne s’est fait le champion de l’agroforesterie : l’herbe et une brassée de fleurs des champs a envahi tout l’espace entre ses ceps. Désormais en biodynamie, le jeune vigneron vinifie des morgons, des chiroubles, des régniés et des lantigniés, tous parcellaires, vendus 15 euros la bouteille.
Avec 25 des 45 vignerons de Lantigné, la bande à Frédéric considèrent déjà leur terroir comme un cru à part du Beaujolais. Ils ont même l’ambition de la faire reconnaître comme le onzième cru des gamays de Bourgogne, comme on les appelle désormais. Les sols de Lantigné sont identiques à Fleurie (granits roses) et à Morgon (pierres bleues). La bande s’est donnée un cahier des charges extrêmement contraignant.
Reste à savoir si l’INAO réussira à s’affranchir de sa torpeur bureaucratique pour s’intéresser à leur initiative.

En savoir plus sur la révolution viticole

Lire : Quand le vin fait sa révolution, Etienne Gingembre et Mohamed Najim, Ed. du Cerf, 2021, 288 p., 20€, et sa « constellation de vins d’exception, de vins de gourmandise, de vins de saveurs, de vins d’émotion »

En savoir plus sur les spécialistes des rouges légers retenus :

  • Domaine Elisabeth et Bruno Vuittenez, 2, rue de Sceaux, 21200 Beaune – Tél. : +33 3 80 24 74 40 – brunovuittenez@free.fr
  • Domaine Borgnat, 1, rue de l’Église, 89290 Escolives-Sainte-Camille – Tél. : +33 3 86 53 35 28
  • Domaine Eugène Meyer, 21, rue de Bergholtz-Zell, 68500 Bergholtz – eugene-meyer.fr – Tél. : +33 3 89 76 13 87 – contact@eugene-meyer.fr
  • Domaine Régina, Isabelle et Jean-Michel Mangeot, 350 rue de la République 54200 Bruley – Tél. : +33 3.83.64.49.52 – 06.80.33.43.77 – contact@domaineregina.com
  • Famille Amirault-Grosbois, Allée des Quarterons, 37140 Saint-Nicolas-de-Bourgueil – Tél. : +33 2 47 97 75 25 – contact@amirault-grosbois.com
  • Domaine Frédéric Berne, 150, chemin des Vergers, 69430 Lantignié – Tél. : +33 6 83 46 05 06 – fredericberne69@hotmail.fr

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