Voyages

Fascinante et envoûtante Vallée des Merveilles, musée d'art pariétal à ciel ouvert

Auteur : Thierry Joly
Article publié le 7 juin 2018 à 15 h 04 min – Mis à jour le 28 juin 2018 à 13 h 51 min

Quatre-vingts km au nord de Nice, la Vallée des Merveilles est avec ses milliers de pétroglyphes le plus grand site archéologique d’Europe et plus vaste monument historique français classé. Un véritable musée à ciel ouvert où l’art pariétal est magnifié par des paysages grandioses.

 

S’il fallait décider du site d’art préhistorique le plus spectaculaire au monde, nul doute que la Vallée des Merveilles viendrait en très bonne place, si ce n’est la première. Là, au cœur du Parc du Mercantour, dans les Alpes, entre 2 100 et 2 500 m d’altitude, sont disséminées pas moins de 35 000 gravures rupestres datant de la fin du Néolithique et de l’âge du Bronze enchâssées dans un amphithéâtre minéral parsemés de lacs. Un cadre naturel qui décuple l’émotion et le ressenti éprouvés devant ces œuvres d’art pariétal.

Nichée au milieu de rudes montagnes, trop haute, trop étroite et trop rocheuse pour être cultivable, la vallée ne fut apparemment jamais habitée. Qu’est ce qui a donc pu pousser les hommes d’alors à venir y tailler ces milliers d’images sur de grandes dalles de couleur ocre, rouge sang ou violacée appelées chiappes qu’un glacier a façonnées et polies lors du dernier épisode glaciaire ?

Gravures rupestres protohistoriques
Gravures rupestres protohistoriques, devant un lac aux eaux émeraude. Vallée des Merveilles. Photo © Thierry Joly

Des hypothèses mais aucune certitude

Personne ne peut répondre avec certitude. Furent-elles réalisées au fil des siècles par des pèlerins qui montaient là pour vénérer leurs dieux, par des éleveurs qui amenaient leur bêtes en estive à proximité ?… Ou des tribus vivant plus bas faisaient-elles spécialement le voyage pour pratiquer des cérémonies religieuses ?..

Pour comprendre à quel point ce site a pu frapper l’imagination de l’homme, l’inciter à venir y accomplir des rites et susciter le mysticisme il faut avoir vécu un orage dans la vallée des Merveilles. Le tonnerre y gronde plus fort qu’ailleurs, réverbéré par les sommets qui l’entourent et la foudre s’abat fréquemment sur le Mont Bégo, haut de 2 872 m, dont les entrailles sont riches en zinc et en fer.

La Vallée des Merveilles
La Vallée des Merveilles, parc du Mertcantour. Photo © Thierry Joly

Un site diabolique pour les Chrétiens

Ajoutez y la présence de ces mystérieuses gravures et vous comprendrez aisément pourquoi un voile de superstition fut jeté sur le lieu une fois que le Christianisme devint la religion officielle. L’Église désirant détourner les gens de cette zone au fort relent de paganisme, plusieurs sites de la vallée furent baptisés de noms ayant une connotation démoniaque : pic et col du Diable, lac Noir, lac Carbon, lac Fourchu, col de Valmasque qui vient du mot « masca », sorcière. Et son nom actuel de Vallée des Merveilles n’est qu’une mauvaise traduction de l’italien Valle Meraviglie qui signifiait plutôt vallée des sortilèges ou des miracles.
Pendant des siècles, n’y sont donc venus que de rares bergers, des voyageurs occasionnels qui la traversaient lorsqu’ils allaient de France en Italie mais aussi mages, astrologues et disciples de Satan attirés par sa réputation de lieu maudit et d’annexe de l’Enfer.

Gravures rupestres

Gravures rupestres de la fin du Néolithique ou de l’âge du bronze. Vallée des Merveilles. Photo © Thierry Joly

Sorcier, chef de tribu et danseuse

Aujourd’hui, ce sont les touristes qui affluent du monde entier pour découvrir ces œuvres qui ont toutes été exécutées par percussion directe sur la roche en utilisant des outils en quartz. Ornant plus de 4 000 pierres, dalles et blocs, isolées ou par groupes, elles ne représentent que très rarement des figures anthropomorphes, peu fréquentes dans l’art préhistorique. Mais ce sont bien sûr les plus spectaculaires et elles sont désignées par des surnoms tels que « La Danseuse », « Le Christ », « Le Chef de Tribu » et « Le Sorcier », ce dernier haut d’une trentaine de centimètres avec un poignard dans chaque main semblant faire une invocation au Mont Bégo auquel il fait face.

Les œuvres les plus communes montrent des têtes de bétail cornues habituellement dépourvues de détails, de temps à autre par paire et apparemment attelées à une charrue. Nombre de préhistoriens y voient le signe que la vallée étaient peut être pour nos lointains ancêtres un lieu sacré voué au culte dual du Dieu-Taureau et de la Déesse-Terre.

Représentation du Sorcier
Représentation du Sorcier, figure anthropomorphe, invoquant, probablement, le Mont Bégo auquel il fait face. Vallée des Merveilles. Photo © Thierry Joly

Œuvres picturales ou proto-écriture

Viennent ensuite des symboles tels que croix, cercles et spirales ainsi que des formes ovales ou rectangulaires subdivisées en petits carrés. Représentent-elles des champs cultivés parfois traversés par un chemin ou un cours d’eau, des enclos où le bétail était parqué, des filets ou des pièges ?… Là encore rien n’est sûr. Enfin, on rencontre aussi des armes, essentiellement des poignards et des hallebardes, dont les similitudes avec celles trouvées dans des tombes de l’âge du Bronze ont permis aux scientifiques de dater ces gravures.

Grand spécialiste du site, Henry de Lumley voit même dans toutes ces gravures une transmission de concepts à l’aide de symboles, une sorte de proto-écriture car avec son équipe il a identifié des glyphes récurrents se répétant des milliers de fois dans des ordres différents. Une hypothèse qui est toutefois loin de faire l’unanimité.

Lors de la visite du site, votre guide vous en dira plus. Car pour éviter vols et vandalisme les personnes seules ont interdiction de quitter le sentier de grande randonnée traversant la vallée. Une nécessité lorsqu’on voit les milliers de graffitis de toutes sortes  qu’ont déjà laissés des voyageurs indélicats de l’époque romaine à nos jours !!!! Et si vous voulez approfondir vos connaissances sur ces œuvres et leurs auteurs, passez par le Musée départemental des Merveilles de Tende, ravissante petite ville de la haute vallée de la Roya qui n’est française que depuis 1947.

Gravures rupestres protohistoriques

Gravures rupestres protohistoriques.Vallée des Merveilles. Photo @ Thierry Joly

Y accéder, y loger et s’y restaurer

Voir la Vallée des Merveilles se mérite. Au départ du hameau de Casterino, près de Saint Delmas de Tende, il faut compter 2 h à 2 h 30 de marche pour accéder au refuge qui marque son entrée.
Pour…

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