Vins & spirits

Faugères, Minervois, Gaillac, Fronton, Cahors, Madiran… Les rouges occitans arbitrent la querelle des cassoulets.

Auteur : Mohamed Najim et Etienne Gingembre
Article publié le 14 février 2022

[Les pépites de la révolution viticole] L’hiver et ces temps de covid appellent les cuisines roboratives. De Castelnaudary à Carcassonne, de Toulouse à Narbonne, on se dispute joyeusement la recette authentique du cassoulet et les adresses de rouges généreux qui les accompagnent. Mohamed Najim & Etienne Gingembre, auteurs de Quand le vin sa révolution, conseillent des vins de proximité. Du Fronton à Toulouse ou du Minervois à Carcassonne. Revue de détail d’une quinzaine de vignerons hardis.

La querelle des trois cassoulets est une controverse occitane.

A coté de Castelnaudary, le cassoulet Impérial au confit d’oie  de l’Hostellerie Etienne Photo DR

C’est bien sûr et d’abord un plat délicieux, dans toutes ses variantes, mais ces déclinaisons nourrissent une dispute régionale. D’abord, il faut préciser que d’un cassoulet l’autre, il y a évidemment des constantes, sur quoi s’accordent les belligérants : il s’agit d’une recette de haricots blancs, cuisinés avec plusieurs viandes dans une cassole conique en terre cuite, qui donne son nom à ce plat célèbre.

Et puis il y a les sujets de conflit.

Le cassoulet au confit de canard de Chez Emile à Toulouse Photo Chez Emile

A Castelnaudary, qui serait sa cité d’origine pendant la Guerre de Cent Ans, ce à quoi les historiens ne croient pas un traitre mot, serait-ce parce que les haricots blancs n’avaient pas encore traversé l’Atlantique !  On y met du confit d’oie, du jarret ou de l’épaule de porc, de la saucisse et de la couenne de cochon, une carcasse de volaille ou quelques os de porc.
A Carcassonne, on y ajoute souvent une perdrix rouge et un morceau de mouton.
Enfin, à Toulouse, on y met du confit de canard ainsi, bien sûr, qu’une saucisse de Toulouse, et aussi des tomates, avant de le recouvrir d’une fine couche de chapelure.

Voilà les trois champions : Castelnaudary et Carcassonne, dans l’Aude, et Toulouse, en Haute-Garonne, capitale de la région comme de l’ancienne province. Et c’est tout ? Non, ce n’est pas tout, parce qu’il y a aussi la recette de Villefranche-de-Lauragais et celles de Narbonne, de Montauban, de Pau ou de Pamiers.

Le cassoulet au confit d’oie de la Maison Escudier à Castelnaudary Photo DR

Par exemple, à Pamiers, dans l’Ariège, on cuisine le Mounjetado, une variété de cassoulet qui intègre le coustellou (travers de porc), du jarret et du jambon cru à la recette de Castelnaudary.

Que boit-on en dégustant ces cassoulets ?

Eh bien, nous dirions plutôt des vins de proximité. Du Fronton à Toulouse ou du Minervois à Carcassonne. Revue de détail.

A tout seigneur, tout honneur, commençons par Castelnaudary

En poursuivant par Villefranche-de-Lauragais, une commune distante d’une dizaine de kilomètres, on va vous proposer Gaillac, qui n’est pas tout près, mais à une soixantaine de kilomètres plus au nord.

Château Les Vignals Photo DR

Par exemple un Château Les Vignals, domaine bio de 76 hectares situé sur un terroir argilo-calcaire de la commune de Cestayrols. Balayées par le vent d’autan, très connu dans cette région, ses vignes sont accrochées à la rive droite du Tarn. Le braucol (50 %) est le cépage dominant de cette cuvée Tradition (12 euros), qui lui assemble de la syrah, merlot et du cabernet-sauvignon. La bouche s’ouvre sur des petits fruits rouges et noirs très mûrs et épicés. Ce rouge puissant, ample, riche, aux tanins fins et veloutés, s’accordera parfaitement à votre cassoulet.

Au Domaine Vayssette, situé à Gaillac même, Nathalie et Patrice vous proposent une cuvée Léa (10,80 euros) à la belle robe grenat à reflets violets, au nez intense et complexe de fruits rouges. En bouche, l’attaque est franche avec des tanins puissants et soyeux, une belle complexité, et toujours ces arômes de griotte avec une pointe de vanille.

Toujours sur la rive droite du Tarn, le Domaine Labarthe se trouve à Castanet. Sa cuvée Guillaume (11,90 euros) est ample, longue, soyeuse, très typée, avec une belle charpente tannique et un boisé élégant. Elle présente aussi tous les atouts d’un grand vin de garde.

Carcassonne va privilégier les appellations Faugères et Minervois.

Jean-Michel Cazes, l’un des sorciers de Pauillac (Lynch-Bages), a acheté 60 hectares de vignes à La Livinière, au pied de la Montagne noire. Après avoir drainé les sols, arraché et replanté les cépages rois du Languedoc, il a fait évoluer les minervois de son Domaine de l’Ostal « vers un style bien à lui, vrai mix entre le classicisme et l’élégance bordelaise, et aussi les caractères aromatiques des cépages et du climat méditerranéen », écrit le guide Bettane & Desseauve. Les arômes de garrigue, de griotte et de fruits rouges de son Minervois Domaine de l’Ostal « Estibals » (12 euros), ou encore la violette, avec des notes de vanille, d’épices et de réglisse de son Minervois Domaine de l’Ostal « Grand Vin » (22 euros) s’accorderont idéalement à votre cassoulet enrichi d’une perdrix.

Vous pourrez leur préférer les merveilleux faugères de Brigitte Chevalier. De son propre aveu, la vigneronne du Domaine de Cébène propose « des vins digestes, aériens, fruités, avec des tanins très doux, ce que les schistes me permettent ». Les habitués du Domaine de Cébène vous diront que ses cuvées « A la Venvole » (16 euros), « Les Bancèls » (20 euros) et « Belle Lurette » (25 euros) sont d’incontournables pépites.

Toulouse se tourne vers les appellations Fronton et Cahors 

Comme sa voisine Montauban, d’ailleurs. Fronton n’est pas un terroir très engagé dans la révolution viticole que nous avons décrite dans notre livre. C’est même un vignoble en retard, ce qui n’empêche pas certains propriétaires d’avoir basculé dans la nouvelle donne.

Domaine Plaisance Penavayre, Vacquiers

Le Domaine Plaisance Penavayre, à Vacquiers, est de ceux-là. Il propose, pour 9 euros, un beau rouge bio avec plein de fruit en bouche et des notes végétales. Sa texture est fine, avec un beau grain.
Au cœur de l’AOC Fronton, le Domaine le Roc produit entre Garonne et Tarn des vins de forte personnalité mettant en valeur la négrette, qui est le cépage emblématique de l’appellation. Sur leurs 38 hectares cultivés en bio, Amme, Cathy, Grégoire, Jean-Luc et Frédéric Ribes offrent d’excellentes cuvées entre 10 et 16 euros la bouteille.
Et puis, au Château La Colombière, il y a Diane et Philippe Cauvin, qui sont sans doute les plus emblématiques ambassadeurs de cette révolution qui va s’emparer du Fronton comme des autres terroirs de France. A Villaudric, une commune voisine de Fronton située à une trentaine de kilomètres au nord de Toulouse, ce jeune couple cultive son beau domaine un biodynamie et propose de très beaux frontons (entre 12 et 16,50 euros) qui accompagneront à la perfection les cassoulets de Toulouse et de Montauban.

On a déjà beaucoup évoqué les cahors dans un coup de cœur précédent, mais pas encore du Château de Chambert. Philippe Lejeune cultive 60 hectares en biodynamie. Ses cahors (entre 12 et 17 euros) sont recommandés par Bettane & Desseauve comme par La Revue du Vin de France.
Mais à Cahors, nous l’avons détaillé dans notre livre, il y a aussi le Château La Caminade où Dominique et Richard Ressés assemblent malbec, tannat et merlot pour vinifier des rouges à la belle structure, avec des fruits mûrs, de l’élégance et néanmoins de la fraicheur, tout à fait caractéristiques des goûts d’aujourd’hui (6 à 14 euros la bouteille).

Le cassoulet de Narbonne s’entendra à merveille avec un vin des Corbières.

La Cave de Camplong, propose avec « Peyres Nobles » un corbières d’un rouge profond

Depuis une dizaine d’années, un grand nombre de pépites apparaissent dans cette vaste appellation (11 500 hectares). Dans cette région dont la viticulture est dominée depuis un siècle par les coopératives, on peut se tourner vers l’une des plus emblématiques, première du département de l’Aude et deuxième de France.

Fondé en 1909, Le Chai des Vignerons se situe à Lézignan Corbières, capitale de l’appellation. La cave propose une « Cuvée de Léon » d’entrée de gamme (5,80 euros) tout à fait honnête, mais nous recommandons son « L de Lézignan » (9,40 euros) et surtout son « Esprit 1909 » (12,90 euros), 70 % syrah, 30 % grenache, qui collectionne les distinctions.

Cap au sud : à 35 kilomètres de Lézignan se trouve Cascastel. Les Maîtres Vignerons de Cascastel sont surtout des maitres de l’appellation Fitou, mais ils vinifient aussi un corbières de très bonne qualité vendu 9,90 euros la bouteille.

Plus à l’ouest, La Cave de Camplong, qui s’étend sur 270 hectares, propose avec « Peyres Nobles » (6 euros) un corbières d’un rouge profond aux arômes de garrigue et au goût de fruits rouges.

Cassoulet de l’ouest, celui de Pau s’entendra très bien avec des rouges de Madiran.

Au royaume de Navarre, les haricots sont tarbais et la recette incorpore du piment d’Espelette voire un foie gras de canard poêlé. On vous a déjà parlé de Simon Ribert, le jeune génie du Madiran new age, qui vinifie, avec son frère Charles, une merveille de rouge sur les 3,5 hectares de son domaine, Stratéus.

On vous recommande aussi le Domaine Laougué, à Viella, dans le piémont pyrénéen, où Paul et Sylvain Dabadie cultivent 25 hectares de cabernet franc, tannat, gros et petit manseng. Les Dabadie proposent quatre cuvées de Madiran (entre 10 et 16 euros), dont de véritables « bêtes de concours » qui collectionnent les médailles.

Nous achèverons ce voyage pyrénéen sur son versant oriental, où les gens de Pamiers cuisinent le mounjetado et boivent des vins en pleine renaissance. Aussi bizarre que cela puisse paraître pour une terre méridionale à l’influence catalane, la viticulture ariègeoise n’avait jamais redémarré après les ravages du phylloxéra. Les ceps ne sont réapparus que dans les années 1990. Ils sont organisés dans l’IGP Ariège (60 hectares), avec des hauts et des bas, du moyen mais aussi du très bon.

A Vira, le Domaine d’Engraviès de Thomas Piquemal propose 5 cuvées bio toutes très prometteuses dont l’une, le « Roc des Maillois » (12 euros), assemblage de syrah, merlot et cabernet sauvignon aux saveurs complexes et puissantes, semble tout à fait indiquée pour être servie sur le mounjetado, le cassoulet de Pamiers. Et Vira se trouve à 18 kilomètres de Pamiers.

Où trouver les rouges occitans

Lire : Quand le vin fait sa révolution, Etienne Gingembre et Mohamed Najim, Ed. du Cerf, 2021, 288 p., 20€, et sa « constellation de vins d’exception, de vins de gourmandise, de vins de saveurs, de vins d’émotion »

Avant les rouges, notre sélection d’adresses de cassoulets

Castelnaudary

Appellations Faugères et Minervois.

Appellations Fronton et Cahors 

Vin des Corbières.

Rouges de Madiran.

IGP Ariège BIO

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