Culture

Front contre front, Ensemble, de Marie-Laure Viebel, Place Saint-Germain-des-Près

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 4 juillet 2024

(Olympiade Culturelle 2024) Alors que les affrontements n’ont jamais été aussi exacerbés, politiques avec la multiplication de « duels » des prétendants, sportifs avec les confrontations de l’Euro et des Jeux Olympiques, l’œuvre de Marie-Laure Viebel installée Place Saint Germain des Près jusqu’au 18 septembre 2024 transcende le « front contre front » pour un « Nous » solidaire et fraternel. Elle entre en résonnance avec la ritualisation du « combat singulier » au cœur de l’exposition « Duels, l’art du combat », du Musée de l’Armée. Riche en mythes et en émotions, la sculpture aux formes si familières brasse pour Olivier Olgan toute une forêt de symboles de l’affrontement à la Concorde. A quelques jours de son démontage, l’artiste offre sous son arche le jeudi 12 septembre, à 18h des ‘Fantaisies baroques’, concert gratuit de Katia Krassoutskaïa (violon baroque), Emilie Marmier (archiluth) et Julien Coulon (guitare baroque).

Arc de vie et de concorde

Front contre front, Ensemble, de Marie-Laure Viebel, Place Saint Germain des Près Photo Mario Fourmy (Paris Fourmy)

De la chair en sueur jusqu’à la moelle des os, le souffle olympique tremble dans l’air vers une lueur interminable. Viébel sort du feu les tourments de l’effort pour une danse remplie de rêves et d’empreintes solaires.
Sous cet Arc de vie, et dans ce ciel parisien, l’athlète est couleur d’écorce et son ombre illumine la fraternité qui dort sous d’invisibles flammes. Comme un flocon de neige, pleine d’étrusque audace, Viébel caresse le bonheur furtif d’une finale enivrante.
Morad El Hattab, (extrait du texte pour Viébel).

Dépasser l’affrontement

Elle tombe à pic cette œuvre à la fois si familière et si étrange. Sa forme est universelle, mais elle semble venir d’un autre monde, tel un monolithe, elle nous interpelle sur le sens à donner à notre existence, individuelle et collective.
Jamais il n’a été autant question de « Front contre front » titre que l’œuvre de Marie-Laure Viebel vient d’installer avec le soutien du maire du 6e Jean-Pierre Lecoq sur la Place Saint Germain. L’artiste nous rappelle – vœu pieu? – que l’affrontement « le mano a mano » tant valorisé n’a ni vaincu ni vainqueur, puisqu’il fige l’instant de la rencontre.

« Moment clef suspendu de l’affrontement dans la compétition, dans ce front contre front, ce face à face, ce corps à corps, les hérauts sont alors à égalité; ceux qui se regardent et se combattent, il n’y a alors ni vainqueur, ni vaincu.
Et le « Je » Olympique de devenir « Nous », solidaire et fraternel.
Marie Laure Viebel

Front contre front, ensemble, de Marie-Laure Viebel, Place Saint Germain des Près Photo Mario Fourmy (Paris Fourmy)

Lève-toi et marche !

L’os de Vœux de Viébel fait retentir dans un silence étourdissant l’antique impératif : « Lève-toi et marche ! ». Le bronze dont elle le revêt le sculpte comme pour le rendre au minéral, à l’élémentaire, à ce surcroît de métaphysique tout aussi silencieux, et tout aussi sonore.
Tel qu’il enjambe l’espace, l’os traduit l’arc de l’instant où le premier hominidé a dressé son buste à la verticale.

Rapprochez le de l’Homme qui marche d’Alberto Giacometti, et vous serez sidéré par son arrachement prodigieux à la terre et aux éléments. Il les évide en dessinant sa ligne votive. Elle est faite d’énigme et de beauté. Ainsi est née la fourche des bifurcations aussi bien sémantiques qu’anthropologiques.
Nimrod Bena, Poète (extrait du texte pour Viébel).

Front contre front, Ensemble, de Marie-Laure Viebel, Place Saint Germain des Près Photo Mario Fourmy (Paris Fourmy)

Os de poulet et geste de vœux

En donnant forme humaine à des os de poulet, Viébel inscrit l’Homme dans une animalité au cœur du grand cycle du vivant : celui qui aime, qui souffre, qui se reproduit et qui meurt.
Mais donner forme humaine à des os, c’est aussi ressusciter les morts.
Patrice Gree, (extrait du texte pour Viébel).

Front contre front, Ensemble, de Marie-Laure Viebel, Place Saint Germain des Près Photo Mario Fourmy (Paris Fourmy)

Du rêve au mythe et vice versa

De la Graine à l’os de vœu, du temps long au temps court,
au moins les deux cents derniers millions d’années…
De l’apparition du Coco de mer à celle des plantes à fleurs…
Des Dinosaures Bipèdes (Théropodes) à l’origine des Oiseaux…
De la soudure des clavicules (chez les Théropodes) à la « Furcula » (os de vœu) des oiseaux…
Comme pour « Toumaï », le plus ancien d’entre nous, (7 millions d’années), ces deux clavicules soudées, nez contre nez, ont un parfum d’éternité.
Recouvert d’or, ce double os de vœu nous renvoie tous « les soleils du coeur » de l’Artiste.
Professeur Michel Brunet, paléontologue, père scientifique de « Toumaï » découvert en 2002 (pour Viébel)

Loin d’avoir épuisé tous les symboles de cette œuvre à la portée universelle, l’invitation à dépasser le « front contre front » est lancée,
c’est à vous désormais d’entrer en Jeux, passer en dessous de cette œuvre et faire un vœu!.

Front contre front, Ensemble, vous invite à faire un vœu Place Saint Germain des Près. Photo Mario Fourmy (Paris Fourmy)

Olivier Olgan.

Pour aller plus loin

Jusqu’au 18 septembre, le site « frontcontrefrontensemble » déploie les multiples symboliques associées à l’œuvre de Marie-Laure Viebel

le jeudi 12 septembre, à 18h,’Fantaisies baroques’ concert avec Katia Krassoutskaïa (violon baroque), Emilie Marmier (archiluth) et Julien Coulon(guitare baroque). Le trio crée par le biais de ses multiples instruments à cordes frottées et pincées dans la musique du 17ème et 18ème siècles en France, en Italie et en Angleterre.  

Jusqu’au 18 aout, Duels l’art du combat, au Musée de l’ArméeCatalogue Infine (336 p. 35€)

Après l’éclairante « Victoire, la Fabrique des héros », l’exposition explore – dans la perspective des Jeux Olympiques – le ressort millénaire du duel entre mythe et rite qui irrigue sociétés civiles et militaires, sur tous les continents et à toutes les époques.

Ritualisant la violence – sans pour autant l’effacer – « ce combat singulier » participe d’ une esthétique de l’honneur et du respect de l’autre, par armes interposées – à mains nues ou à cheval,  de l’épée à la raquette de tennis – nourrissant le désir ou le fantasme d’un héroïsme collectif.
Une vingtaine d’experts éclaire le sens et la portée  de ces représentations d’une violence encadrée et sur la façon dont se créent des modèles héroïques autour de trois questions : Qui, Où et Quand ?
Pratiqué, toléré ou condamné, mais toujours valorisé, le « duel » s’impose comme un phénomène anthropologique, historique et social, qui a su traverser les frontières et les âges. Féroce, flamboyant, grave ou spectaculaire, il reste aujourd’hui un mode de confrontation très présent dans les esprits et ou imaginaires sous des formes différentes, dans l’univers du sport, de l’art, du jeu vidéo, voir de la politique démocratique.

« La plupart des civilisations ont connu des formes de duel qui dépassent toutes le paradigme du simple affrontement d’homme à homme. Elles suivent des règles qui leur confèrent une dimension cérémonielle.
Cette notion est fondamentale puisque c’est ce décorum qui permet d’éviter une brutalité arbitraire et de circonscrire l’intensité de la fureur déployée. Dans cette acception, le terme de duel peut alors s’appliquer à toute expression de violence ritualisée, destinée à réguler les tensions qui parcourent une société et à fournir un cadre à leur résolution. »
Dominique Prévôt, commissaire

texte

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