Gastronomie

La galette des Rois entre tradition et innovation

Auteur : Blandine Vié
Article publié le 9 janvier 2018 à 15 h 01 min – Mis à jour le 4 janvier 2022

La galette des Rois est devenue un rituel à la fois gourmand et festif (voir notre sélection de vins qui l’accompagne). Mais derrière la créativité des pâtissiers, connait-on encore son histoire liée à la fête chrétienne de l’Epiphanie ? Au-delà de la fève, il est temps aussi d’embrasser les traditions régionales qui en découlent pour proposer une sélection de douze réalisations en ce début d’année 2022 ; de l’Atelier P1  à Pierre Hermé en passant par les Boulangeries Gana,  SAIN  et les Maisons du Chocolat, Louvard  et Pradier. 

 

Rembrandt L’adoration des mages (1632) Ermitage, Saint Pétersbourg

Un peu d’histoire

L’Épiphanie (« apparition » au sens étymologique) — dite aussi Théophanie (apparition de Dieu) — est une fête chrétienne célébrant l’avènement du Messie et plus particulièrement la visite et l’adoration à la crèche de l’enfant Jésus par les Rois Mages Gaspard, Melchior et Balthazar venus lui apporter l’or, la myrrhe et l’encens en offrandes. C’est pour ça qu’on la surnomme « Jour des Rois » et que la galette est elle aussi dite… des Rois. Elle a théoriquement lieu 12 jours après Noël, donc le 6 janvier, mais comme ce jour n’est pas férié, en vertu d’un indult papal, l’Église autorise qu’elle ait lieu le deuxième dimanche après Noël pour que le plus grand nombre puisse la fêter en famille.

La fève fut d’abord légumineuse…

À cette occasion, on a coutume de « tirer les rois », c’est-à-dire de se partager un gâteau ou une galette dans laquelle est cachée une « fève » —  à l’origine une vraie légumineuse… d’où le nom — et la personne qui obtient cette fève devient le roi de la journée.

Lorsque l’Église recycle…

La galette de la Boulangerie SAIN avec sa crème d’amandes et amandes complètes et mélange de sucres non raffinés

Mais, comme pour la plupart des festivités religieuses, l’Église a « recyclé » une antique tradition mécréante pour en faire une date religieuse symbolique. En l’occurrence, il s’agit de la survivance d’une pratique païenne qui avait lieu dans la Rome antique pendant les Saturnales (fêtes en l’honneur de Saturne dans la foulée du solstice d’hiver) et qui donnaient lieu à de grandes réjouissances populaires, à la limite de la débauche. Elles consistaient notamment à inverser les rôles entre les maîtres et les esclaves qui devenaient alors « les rois d’un jour » !
Lors d’un banquet — c’est Tacite qui le rapporte — on tirait au sort un « roi » à l’aide d’une fève glissée dans une galette. On le dotait théoriquement de tous les pouvoirs (autour d’une table), mais on le détrônait à la fin de la fiesta !

Sébastien Gaudard signe une galette à la frangipane ou au chocolat photo © Photo Colombe Clier

En France, la tradition de la galette des Rois remonterait au XIIIe ou XIVe siècle. Ses origines sont obscures. On l’a très tôt associée aux impôts et aux taxes que les commerçants des villes devaient acquitter au moment de l’Épiphanie. Par sa forme et sa couleur, elle aurait évoqué les deniers dont ils devaient, bon gré, mal gré, se séparer. Ils s’en consolaient en tirant les rois et en buvant à leur santé. La « galette » n’est-elle pas un mot d’argot qui signifie « argent », comme le chantait Mistinguett ? Au Moyen-Âge, l’Église remplaça le gâteau par du pain bénit et la fève prit la forme d’un petit Jésus (certains historiens situent son apparition plus tard), mais on maintint toujours un roi d’un jour. On partageait alors en autant de parts que de convives, plus une qu’on appelait « part du Bon Dieu », « de la Vierge » ou « du Pauvre » et qui était destinée au premier pauvre qui se présenterait au logis.

La galette traditionnelle de l’Atelier P1

Les temps du « gâteau de l’Égalité »

La Révolution n’y vit bien sûr qu’une tradition anticivique. Elle rebaptisa l’Épiphanie « Fête du Bon Voisinage » — la Fête des voisins avant l’heure ! — et la galette… « gâteau de l’Égalité », tandis  que la Convention préférait quant à elle l’appeler « Gâteau des Sans-Culottes ». Comme on dit, chacun prêche pour sa paroisse ! Et ce n’est que vers 1875 que les fèves de porcelaine ont remplacé les fèves-légumineuses.

Depuis, il existe des collectionneurs de fèves qu’on appelle « fabophiles ». Selon la tradition toujours, c’est au plus jeune des enfants de la famille caché sous la table que revient de désigner à qui attribuer chaque part.

Une tradition gourmande

Pierre Hermé réinterprète les saveurs de sa galette Jardin de l’Atlas

Quelques siècles plus tard cette tradition de la galette est toujours pérenne. Galette mais aussi couronne, gâteau, brioche ou fouace dont il existe d’ailleurs des dizaines de variantes régionales.

La galette se déguste plutôt au nord de la Loire. En Île-de-France, il était coutume qu’elle soit feuilletée et sèche, c’est-à-dire non fourrée. Elle est également présente en Touraine, en Lorraine et en Normandie. Ailleurs encore, on se régale de galettes toutes plates, quasiment en pâte à pain comme en Sologne (on les fait cuire dans le four à pain très chaud, avant la fournée), ou en pâte plus ou moins sablée, enrichie d’amandes, comme la nantaise, parfumée au rhum, celle de Lorient au beurre demi-sel, avec son parfum de bergamote et son décor d’angélique, la toute modeste mais si bonne charentaise, la flamande avec sa croûte caramélisée. Dans le Lyonnais, c’est de frangipane qu’on la fourre (à ne pas confondre avec la crème d’amandes façon Pithiviers qui garnit certaines galettes) et cet usage s’est répandu tous azimuts.
Aujourd’hui créatifs jusqu’à l’audace, nos boulangers-pâtissiers ont largement « revisité » ou renouvelé le répertoire des crèmes de fourrage : chocolat, crème de marrons, compote de pommes (à boire avec un cidre), framboise et pistache, etc.

Presque de quoi en manger une différente chaque jour de janvier puisque la coutume est désormais de tirer les Rois jusqu’au 31 !

La Golden Galette de Nicolas Cloiseau La Maison de Chocolat, entre fondant caramélisé de la Tatin et crumble

Il s’y blottit toujours une fève qui désignera « roi ou reine d’un jour » celui ou celle qui la trouvera dans sa part et qui — dit-on — lui portera chance pour toute l’année. Théoriquement, le roi (ou la reine) doit payer sa tournée ou offrir la prochaine galette. Une exception à cette règle : la galette traditionnellement servie à l’Élysée qui ne contient pas de fève car un Président de la République ne saurait être détrôné par un Roi !

Sacrée pour les uns, profane pour les autres, en tout cas elle demeure depuis l’Antiquité un symbole fort… de gourmandise (et une jolie occasion de découvrir des vins blancs d’exception (voir sélection)!

 

Notre sélection à déguster au plus tard le 31 janvier 2022

Réservation recommandée

  • Belles Envies sert une galette avec 31 g de glucide pour 100 g

    Atelier P1 : 157 Rue Marcadet 75018 Paris : galette bio frangipane ou choc orange

  • Belles Envies, 3 Rue Monge, 75005 Paris : galette frangipane à Index Glycémique Contrôlé
  • Boulangerie Gana, 92 Rue de Charonne, 75011 Paris 11 : galette traditionnelle à l’amande
  • Boulangerie SAIN : 15 Rue Marie et Louise, 75010 Paris 10 : galette aux amandes ou au chocolat (lire plus dans Singulars)
  • Clem & Gwen : 62 Boulevard Jean Jaurès, 92110 Clichy: frangipane classique
  • Hugo & Victor, 40 Boulevard Raspail, 75007 Paris 7 galette Signature 2022, mélange de frangipane et de combawa
  • Jean-Paul Hévin, 231, rue Saint-Honoré, 75001 Paris 1 : galette à l’amande, au chocolat noir et au citron vert
  • La Maison Du Chocolat, Nicolas Cloiseau, 8 boulevard de la Madeleine 75009 Paris : « Golden Galette », entre le fondant caramélisé de la tarte tatin et le crumble croustillant.
  • Maison Louvard : 11 rue de châteaudun, Paris 9ème : galette frangipane amande
  • Maison Pradier : galette frangipane classique
  • Pierre Hermé, 72 Rue Bonaparte, 75006 Paris : Jardin de l’Atlas, au feuilletage caramélisé et saveurs mêlées de la crème d’amande et de la fleur d’oranger!
  •  Sébastien Gaudard : galette aux amandes crème d’amandes, rhum grand agricole de la Martinique

et aussi Stohrer, 51 rue Montorgueil 75002. Tel : 01 42 33 38 20 (lire plus dans Singulars)

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