Gastronomie

Le chef Mathieu Pacaud et le maître sommelier Frédéric Turpaud réinventent Divellec

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 23 juillet 2020

Le mythique restaurant étoilé Divellec incarne à la fois tout le prestige de notre gastronomie et d’une institution fréquentée par les grands de ce monde. Covid oblige, Mathieu Pacaud, le maitre des lieux a simplifié et rendu plus accessible sa carte (avec un choix de deux menus pour toute la table), laissant à son sommelier Frédéric Turpaud, de faire des étincelles avec les accords entre vins et mets.  

Invitation au lâcher-prise

S’installer à la table (en terrasse) d’un étoilé Michelin, pétri du mythe de l’étoile Michelin ou non, c’est toujours accepter – quel que soit le nombre de convives – de s’engager dans un voyage à la fois rassuré par l’excellence et convaincu de la nécessité de la surprise. Avec deux uniques menus – Découverte ou Dégustation   – pour l’ensemble de la table, le chef Mathieu Pacaud invite au lâcher-prise pour mener sa barque gastronomique aux couleurs de la mer à bon port.

Monsieur loyal et chef d’orchestre

Frédéric Turpaud Maître Sommelier de l’Union de la Sommellerie Française © DR

Une fois le menu choisi par la table – ce soir là le menu Dégustation -, c’est au maitre sommelier (de l’Union de la sommellerie Française) de prendre les commandes. Frédéric Turpaud prend son rôle à cœur et raison ; à la fois merveilleux monsieur loyal (à l’écoute des convives et de leur curiosité) et chef d’orchestre pour associer avec harmonie l’ensemble des vins dont il se réserve le choix, seul responsable d’une cave de plus 1200 références. Avec un avertissement bienveillant limpide : « Le vin change le plat ou le plat change le vin ».
Le gastronome comprend que les choix qui s’annoncent se font sans apriori.

Les amarres sont larguées dés l’apéritif.

En guise d’apéritif, accompagnant les zakouskis (tartare de thon, ciboulette, huile de soja),

C’est au Champagne Alfred Gratien que va la préférence du maitre sommelier : La 5éme génération de maitre de chais vinifie en barrique « à l’ancienne » pour un breuvage équilibré, élégant et fin. Beaucoup moins dosé que dans les années 60_ Si la marque évolue avec son temps, le rosé est aussi à découvrir lui aussi en barrique.

Quand il est poussé dans ses retranchements, Frédéric Turpaud peut aussi proposer un Chardonnay Piémontais de Massolino ou des vins du Languedoc méconnus qu’il apprécie pour leur très belle diversité.

Le plein accord pour le Menu Dégustation

Pour le Plateau de fruits de mer, c’est un Muscadet qu’il propose : convaincu de faire découvrir le renouveau de ce terroir grâce au travail de vignerons qui sont revenus aux fondamentaux notamment dans la maîtrise des rendements.
C’est une Cuvée Château Thébaud d’ Edouard Massard 2009 en Magnum à 20km de Nantes au sous sol granitique qui est retenu pour sa capacité de garde, sa salinité typique. Un vin étonnamment jeune du haut des dix années, derrière ses arômes d’agrumes confits, la tension est toujours là et résonne bien avec l’iode des fruits de mer,

Cecile, assistante de Frédéric Turpaud © DR

Pour les Saumon, seiche, thon et bar, confit au sel, caviar golden ; il avait prévenu « avec les sushis,  l’accord idéal ne veut pas dire nécessairement même pays, même région… » le très rare saké effervescent démontre l’imagination du sommelier, sa curiosité aussi. Il faut dire que le sommelier sait aussi s’appuyer sur ses assistants, dont Céline qui lui a fait découvrir  » la vraie vision du saké » (celui qui ne se boit pas en piscine, dit-il en souraint) du  producteur Tomita Shuzô : son Awaibuki Shichihonyari 7% aux bulles affinées est distribué en France par Madame Saké.
Un accord léger, aérien, rafraîchissant laissant le poisson cru exprimer toute sa finesse,

Le vin accompagnant les Cuisses de grenouilles en persillade est servi à l’aveugle pour je cite « sortir des aprioris, le nom connu inconsciemment les papilles sont inffluencées » selon le sommelier. . Autant dire tout de suite que personne n’a deviné ce qui se cachait derrière ce 100% Chardonnay atypique … un Château Roslane Premier Cru 2018 de l’atlas marocain. Et de rappeler la longue histoire du vin depuis des romains, et la capacité des vignerons marocains à faire appel à l’extérieur pour faire évoluer le vin vers le haut. Depuis 8 à 10 ans, le maitre sommelier constate et le prouve avec leurs progrès continus. Le boisé élégant, le vin détonne et étonne par sa minéralité presque chablisienne,

 

Pour le Navarin de homard, roudoudou de pommes de terre, cela aurait pu être un Pinot Noir de Bourgogne, c’est un vin de Corse Castellu di Baricci 2017 de la famille Quilichini de la Haute Vallée de l’Ortolo qui a retenu son attention après un voyage sur place l’année dernière avec ses confrères. L’assemblage Niellucciu et Sciacarellu offre un vin puissant et épicé mais des tanins très ronds en parfaite harmonie avec la sauce relevée du Navarin,

 

Chocolat, soufflé au grand cru de la chocolaterie de l’Opéra © Olivier Olgan

Pour le dessert, Chocolat, soufflé au grand cru de la chocolaterie de l’Opéra, la complicité est totale quand Frédéric Turpaud assume un choix plus personnel quand il arrive avec une monumentale bouteille où se forme son « rhum arrangé de fred».
Et ses yeux brillent quand il parle de ses rhums concoctés aux fruits ou aux épices de métropole. Et il n’a pas froid aux yeux avec ses expérimentations : fraises et menthes bios, poires conférences et fèves de cacao, sans oublier cet automne figues et miel de châtaigne… ! Il disserte en riant sur la complexité de la macération « perpétuelle », la variété des notes associant la profondeur de la vieillesse, la fraicheur de la jeunesse…

A l’issu d’un tel voyage, l’amateur ressort à la fois joyeux et instruit.

C’est le secret d’une gastronomie qui se développe loin des décorums ou des ors, chacun peut se réjouir de ses premiers pas dans le post covid ! Même si cela implique une complète réinvention de la restauration. A leur manière Mathieu Pacaud et Frédéric Turpaud voient déjà loin.

Renseignements pratiques pour le Divellec

Divellec
18, rue Fabert, Paris 75007, France
T +33 (0)1 45 51 91 96, contact@divellec-paris.frRéservation
Fermeture du 9 au 24 août 2020

Le restaurant est ouvert du Lundi au Samedi 12h à 14h et de 19h30 à 22h.
Fermé samedi midi et dimanche toute la journée

  • Menu Découverte (pour l’ensemble de la table) 120€ par personne
  • Menu Dégustation (pour l’ensemble de la table) 180€ par personne

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