Culture

James Baldwin, Nina Simone, Miles Davis, Melvin Van Peebles et Joséphine Baker : Ils ont choisi la France, de Yasmina Jaafar (éd. Nouveau Monde)

Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 28 août 2024

Savez-vous le point commun – au-delà de leur couleur de peau – entre l’écrivain James Baldwin, les musiciens Nina Simone et Miles Davis, le réalisateur Melvin Van Peebles et la danseuse et chanteuse Joséphine Baker ? « Ils ont choisi la France » rappelle Yasmina Jaafar, journaliste (LCI, Franc-Tireur) et fondatrice présidente du site d’information laruchemedia.com dans son livre aux éditions Nouveau Monde. Son stimulant hommage à ces cinq artistes noirs américains exilés volontaires en France pour fuir le racisme est une piqûre de rappel à la liberté d’expression et à la France terre d’accueil. Ces destinées exemplaires pour  Patricia de Figueiredo rehaussent les valeurs de la France, et restent des lanceurs d’alerte contre les ravages de la ségrégation, qu’il est toujours bon de rappeler aujourd’hui.

 

« Depuis quelques années l’idéologie communautariste made in USA et sémantique arrivent en France et infusent les esprits, au point que nous voyons notre langage évoluer. « Communauté », « Blancs face aux Noirs », «privilèges blancs», «séparatisme», «wokisme», «opprimés», «victimes»… Dans cette promiscuité d’intelligence, nous perdons ce qui fait le sel de notre histoire »  
Yasmina Jaafar, Ils ont choisi la France

Cinq exilés volontaires, à la fois exemplaires et porte-voix

Pour contrer cette vague d’isolationnisme, il convient de revenir sur des aspirations exemplaires qui « plaident pour des valeurs universalistes
et pour un système politique qui place l’humain à l’avant-scène. ». Yasmina Jaafar a choisi cinq artistes « dont le principal point commun était d’être né noir dans un pays où la ségrégation les empêchait de s’accomplir pleinement ».

La journaliste d’une plume alerte nous ouvre leur vie, avant et après leur exil, leurs cheminements intérieurs, leurs motivations, les difficultés qu’ils ont rencontrées. Et les obstacles infimes et collectifs surmontes brossent une espérance et un pays propice. Le destin de certains sont très connues comme Joséphine Baker récemment entrée au Panthéon, Nina Simone ou Miles Davis, d’autres sont plus méconnus comme l’acteur et réalisateur Melvin Van Peebles, ou l’écrivain James Baldwin dont je l’avoue, je connaissais peu de choses.

https://youtu.be/H_94bCeQuPg

Le point commun de la ségrégation

Que ce soit James Arthur Baldwin, l’auteur La Prochaine fois, le feu ; Un autre pays qui arrive à Paris avec 40 dollars seulement à 24 ans, Nina Simone, militante des Droits Civiques qui arrive à Nice après un passage au Libéria et surtout ses épreuves et ses succès, toutes et tous ont ont dû surmonter leur enfance et une partie de leur vie aux États-Unis.

Car il faut se rappeler l’époque aux États-Unis où le racisme institué dans les années 60 fait des ravages comme l’illustre l’accident arrivé au père de Miles Davis Percuté par un train, il n’a pas été transporté immédiatement à l’hôpital car l’ambulance ne voulait pas transporter de noirs. Il mourra de ses blessures quelques temps après.

Refuser la chappe de plomb de la ségrégation

Alors ces cinq personnes ont voulu transcender leur destin, choisir leur voie. Ils sont venus en France pour pouvoir vivre, aimer, créer, exister en tant qu’hommes et femmes sans que la couleur de leur peau les détermine, ni leur préférence sexuelle pour certains.

« Mes chers cinq héros plaident pour des valeurs universalistes et pour un système politique qui place l’humain à l’avant-scène. Être un humain avant toute considération essentialisante et séparatiste. Ils plaident pour la liberté, le symbole de notre pays. Ils nous convoquent pour que nous ne trahissions plus notre originalité. Ils offrent une leçon contre les extrémismes que nous devons regarder de près, ici, en France, et vite, au risque de mal finir. »
Yasmina.

Plus qu’une longue chronique sur chacun de ces « exemples qui ont laissé des messages forts, des actes concrets et un héritage qu’il nous appartient de faire fructifier« , et l’attractivité qu’a représenté les valeurs de la France, « à une époque nous savions encore écouter ces artistes venus d’ailleurs« , laissons à James Baldwin le sel de ce combat contre l’ignorance et la bétise :

« À Paris, j’ai réussi à me débarrasser de tous les stéréotypes dont m’avaient infligé mes concitoyens. Et une fois que vous en êtes débarrassé, c’est irréversible. À Paris, on me laissait tranquille. Tranquille de devenir ce que je voulais devenir. Je pouvais écrire, penser, ressentir, marcher, manger, respirer librement. Aucune sanction ne venait frapper ces simples faits humains. Même quand je mourais de faim, c’était différent des États-Unis. Ici, c’était moi Jimmy qui mourait de faim et non l’homme noir que j’étais. ».

Rien n’est définitivement acquis

Un livre nécessaire, passionnant, éclairant et engagé, qui s’empare des destins de ces artistes, pour mieux nous en apprendre sur nous-mêmes et sur ce que peut (encore) représenter la France.

Laisser notre esprit critique de côté au bénéfice des identités traumatisées, c’est exactement ce qu’ont voulu fuir Nina Simone, James Baldwin, Miles Davis, Joséphine Baker et Melvin Van Peebles. Baldwin nous exhorte à penser par nous-mêmes sans nous laisser définir par autrui. Il n’y a rien de plus fédérateur et d’universel.
Yasmina Jaafar

#Patricia de Figueiredo

Le carnet de lecture de Yasmina Jaafar

Zweig : lettre d’une inconnue et 24h dans la vie d’une femme 

Stefan Zweig parle des femmes fragilisées par des sentiments amoureux mais qui se révèlent bien plus fortes qu’on l’image.

Flaubert, L’Éducation sentimentale 

Flaubert scrute la bêtise humaine comme personne.
J’ai également une tendresse particulière pour son livre Le dictionnaire des idées reçues. Chaque idée pourrait être reprise aujourd’hui sans problème. Le document ne vieillit pas.
En somme, Flaubert est un sociologue Journaliste extraordinairement lucide et moderne. 

Les Liaisons Dangereuses, de Stephen Frears

Laclos est mise à l’honneur dans l’adaptation cinématographique culte portée par John Malkovich et Glenn Close.
L’usure, l’ennui, la manipulation. Le film est une leçon de vie. 

Sur la route de Madison, de Clint Eastwood

Admiration suprême pour la comédienne Meryl Streep. Elle a milité pour que Clint Eastwood accepte d’enrichir le rôle féminin principal avec un léger accent italien et une forte personnalité, loin du cliché de la femme au foyer. Une femme qui vit en elle des générations de femmes sous emprise d’un monde patriarcal. Ce qui a donné du corps à son jeu d’actrice. Elle porte à travers ces choix un féminisme intelligent. 

Le contre ténor Philippe Jaroussky 

Il a modernisé avec l’ensemble Matheus, dirigé par Jean-Christophe Spinosi, le chant classique. 

Georges Michael, une des plus belle voix du monde 

C’est toute ma jeunesse !

Ben Mazué 

Un médecin doué qui a bien fait de faire de la musique. Ses paroles sont profondes et sociologiques. Il décrit la rupture comme personne. 

Pour suivre Patricia de Figueiredo

Lire tous ses articles en tant que contributrice de Singular’s : Curieuse en bonne verseau de ce qu’elle ne connaît pas encore, convaincue comme Jean d’Ormesson que « Tout le bonheur du monde est dans l’inattendu ». Cette autrice de plusieurs romans aime rencontrer des chefs, des vignerons, revenir à ses premières amours du théâtre et bien sûr faire partager ses découvertes littéraires. Dans une autre vie, Patricia fut également rédactrice en chef du magazine Culture Papier et rédactrice pour Le Journal du Parlement. 

sur son roman Vous n’aurez pas mes cendres ! (Safran)

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