Culture

(Jazz) Matthieu Chazarenc, Canto III (Bonsaï Music)

Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 1er février 2024

Le jazz français n’a certainement jamais été aussi vivace. Une production discographique pléthorique dont émerge parfois une couleur qui ne saurait être du jazz suédois ou japonais. Matthieu Chazarenc, batteur émérite au parcours de sideman plus qu’étoffé, s’est laissé porter jusqu’à la quarantaine avant d’initier un projet personnel. Après Canto I (2018 ), II (2021), le III paru le 26 janvier 2024 (Bonsaï Music) nous donne, pour Calisto Dobson des nouvelles lumineuses du jazz en France. Bonne nouvelle il est en concert entre autres, le 13 mars 2024 au Sunside à Paris.

A chacun son style et sa voie

Une des origines avérées du mot jazz viendrait du français jaser pour signifier le déroulement d’une conversation entre différents instruments. De là à dire que le jazz est français par essence, serait une mystification, tant en sont nombreuses et variées les ascendances. Ce qui expliquerait peut-être le caractère foisonnant, universel ainsi que multiple de cette musique; à chacun son style et sa voie.

Nous pouvons en revanche affirmer que le jazz français est issu d’une longue tradition, toute aussi volubile que le vocable suscité peut le laisser penser. Et s’il existe une tradition, Matthieu Chazarenc fait partie de cette lignée de jazzmen qui veut que ce soit le batteur le leader.

Une vingtaine d’années à officier comme ‘sideman’ derrière des fûts pour une pléthore d’artistes en France et à l’étranger ont su forger un savoir-faire éloquent.  Il s’agissait dès lors d’en affirmer l’identité et d’en déployer les couleurs.

Le projet épouse les contours d’un Sud qui se souvient des beaux jours.

Le Quatuor Matthieu Chazarenc pour le projet Canto Photo Jean-Baptiste Millot

Après Canto I (2018 ), II (2021), le volume III qui vient tout juste de sortir toujours chez Bonsaï Music) poursuit son projet musical avec le quartet original formé d’artistes exceptionnels : Laurent Derache à l’accordéon, Sylvain Gontard au bugle et Christophe Wallemme à la contrebasse. À leurs côtés, des invités de marque se sont joints au voyage le temps d’un morceau et sont venus poser leur voix ou leur instrument : Thomas Enhco (piano), Lydia Shelley (violoncelle), Malou Oheix (voix) et Mohanad Aljaramani (oud).

Une douce nostalgie étreint les 12 titres qui composent Canto III

D’un coup de semonce, Les Sauvages, le morceau d’ouverture semble émerger d’une léthargie pour s’éveiller à la lueur du piano à bretelles et s’élancer sur l’aile du bugle. S’élèvent alors des chœurs aériens sur la pulsation rythmique de la batterie chevillée au corps de sa contrebasse. Le tout pose comme une intention, celle de faire de l’espace un endroit qui nous raconte une histoire familière, qui renouerait avec un temps plus clément. Une main tendue qui alerte sans juger.

La suite ne se dément pas, des airs d’accordéon cadencés qui s’emportent que vient apaiser, étirer ou confirmer le bugle. Un propos semble se dessiner, il y a là une bienveillance qui s’exprime en toute quiétude. Des dames en noir sous un soleil éclatant, des ombres marquées, puis un grand ciel. Et la rythmique, la batterie qui s’emballe et pulse à la façon d’un cœur organique.

Par moment Canto III tire sa couleur des faubourgs de Paris et déambule parfaitement les mains dans les poches à la façon d’un titi qui finit par rentrer tard légèrement dépité pour finalement se dire ça ira mieux demain.

Plus loin nous sommes en terre arabo andalouse, au seul son du oud, il parvient à nous y transporter. Ça sent la flamenca pour une danse qui ne trépigne pas, plutôt suave, une évocation qui respire à la fois l’altérité et le brassage, si chers au jazz.

Par petites touches Michel Legrand ne renierait certainement pas son influence, pour la légèreté qui se dégage de ces mélodies célestes. Une délicatesse qui pourtant s’exprime avec fermeté. Nous baignons dans une atmosphère qui nous est coutumière appelée à nous apaiser.

En 12 titres et 44 minutes, Matthieu Chazarenc fait montre d’une humanité qui s’est s’affranchie des fanfaronneries, un  artisan humble et sincère qui peaufine son savoir-faire pour nous offrir une musique de qualité sans chercher à en démontrer la distinction.

Calisto Dobson

Pour suivre Matthieu Chazarenc

Le site Matthieu Chazarenc 

La chaîne youtube de Matthieu Chazerenc

Agenda

  • vendredi 2 février, 20h à l’Adagio, Thionville
  • mercredi 13 mars, 21h30 au Sunside, Paris
  • mardi 19 mars, 20h à l’IMFP, Salon de Provence
  • vendredi 22 mars, 20h30 au Petit Duc, Aix-en-Provence
  • vendredi 29 mars au Cri du Port, Marseille

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