Culture

Jonas Vitaud, pianiste humaniste Vers un monde nouveau

Publié par Jean de Faultrier le 25 mars 2025

Creusant son sillon loin des paillettes ou esbrouffes factices, Jonas Vitaud est un pianiste en communion avec son instrument. Ce n’est donc pas le lieu du concert qui le définit mais la musique qu’il habille du temps qui passe comme récemment « Vers un monde nouveau » d’Antonin Dvorák (cd Mirare).
Aussi, l’artiste se rencontre aussi bien dans de prestigieux Festivals (comme Scènes 2 Guyancourt le 9 avril, Piano à Collioure, le 28 juin, Nice Classic Festival le 31 juillet) que dans des évènements plus confidentiels (la Ferme de Villefavard 17 mai, les Musicales des Coteaux de la Gimone, les 8 et 10 aout). Jean de Faultrier souffle un conseil : écouter cet interprète magnifiant des partitions qui nous parlent de leur époque, d’ amitiés électives et de mondes nouveaux.

… cet humanisme profond, cette espérance inaltérable et insondable, cet appel à résister quand d’autres seraient tentés de ne plus croire dans l’humanité.
Jonas Vitaud

Jonas Vitaud, pianiste humaniste photo Jean-Baptiste Millot

Oui, humanisme…

… et tout est dit. Il est de ces disques qui nous parlent, de ces musiciens qui nous prennent par la main pour suivre avec eux un sentier moins coutumier, moins conventionnel. A l’immersion dans un répertoire moins traditionnel du compositeur tchèque Antonin Dvorák, le pianiste Jonas Vitaud ajoute le caractère et la personnalité d’un instrument subtil tout au service de son éloquence.

Parfois, un piano résonne comme on croiserait un ami

Plus que les notes, c’est la manière du pianiste de conjuguer un phrasé et un grain sonore qui nous fait tourner la tête en nous disant « Mais, je le connais ! ». Et oui, connaître, reconnaître et avoir ce sourire qui naît d’une coïncidence heureuse à retrouver dans un moment essentiel à la journée qui passe un visage familier et des mains qui nous parlent.

Avec une grande expressivité Jonas Vitaud nous invite dans un monde nouveau, ainsi qu’il le dit lui-même, celui d’un compositeur avec lequel nous sommes en amitié pour sa Symphonie n°9 Du Nouveau Monde,

et pour son Requiem également (on se souvient avec émotion d’une interprétation magnifique du Choeur d’oratorio de Paris, et l’Ensemble Jean-Walter Audoli sous la direction de Frédéric Pineau à l’Eglise protestante unie de l’Etoile à Paris les 12 et 13 février 2022).

Une intimité dévoilée

Ce sont des pièces plus intimes, méconnues d’une certaine manière (ceci expliquant cela ?) que nous invite à re/découvrir un Jonas Vitaud tout en finesse, subtilité et conviction. Mazurkas, Suite, Impression poétique ne comptent pas parmi les œuvres les plus connues ou partagées du compositeur, il était temps qu’elles nous soient proposées et Jonas Vitaud s’avère un passeur très attachant, à son image de douce silhouette puissante.

Un travail rare sur le son

Impossible, au-delà du lyrisme, de la poésie ou de la détermination pianistique des différentes œuvres composant l’album, de ne pas parler du son, de la sonorité de l’instrument lui-même. Jonas Vitaud explique son choix original dans le monde de l’édition discographique mais surtout un choix plus artistique qu’audacieux.

J’ai eu envie d’une esthétique sonore complètement différente pour ce disque. Il m’a semblé que la sonorité cuivrée et riche de l’Opus 102 (…) convient bien à cette musique.
Jonas Vitaud

Le facteur piano

Singular’s a célébré à plusieurs reprises l’art des luthiers et des accordeurs, tous ces artisans indispensables qui accompagnent, parfois trop discrètement, le chemin de la musique jusqu’à nous.

Impossible alors de ne pas évoquer ce « SP Opus 102 » de Stephen Paulello qui est l’écrin de ces pages dvorákiennes.

En France, Stephen Paulello est des derniers grands facteurs contemporains, il a conçu et réalisé un piano qui, à l’appui de particularité technologiques remarquables, dispose d’une tessiture augmentée d’une octave pleine pour atteindre les cent-deux notes desquelles il tire son nom.

Un tel instrument propose des couleurs et des nuances qui exhaussent à la fois la sonorité et la carnation de l’interprétation.

Ce choix de Jonas s’entend littéralement sous ses doigts qui magnifient des partitions qui nous parlent de leur époque, des regards du compositeurs et son monde, nouveau ou ancien, et des amitiés dont on ressent à de très courtes citations stylistiques la force humaine.

Un pianiste élégant

Sa présence ne s’exprime jamais dans l’effacement de celui dont il joue l’œuvre, de ceux et celles avec qui il joue, et ici de celui qui a conçu l’instrument sur lequel il joue. Il en résulte une harmonie qui déborde de la seule injonction à interpréter, une harmonie qui apparie celui qui écrit, celui qui fabrique, celui qui lit.

Une discographique restreinte et cohérente

Ce « Vers un monde nouveau » d’Antonin Dvorák s’inscrit dans une ligne discographique cohérente. Jonas Vitaud sait nous faire lire des pages toujours singulières, soit parce que les compositeurs le sont comme Dutilleux ou Bruno Ducol, soit parce qu’avec un compositeur plus visité que d’autres, de Mozart à Debussy, en passant par Rachmaninov et Liszt,  il nous donne à en entendre des reflets différents.

Seul ou avec d’autres musiciens, le pianiste humaniste consolide un parcours singulier et aromatique que sa discographie reflète généreusement.

Pour suivre Jonas Vitaud

Le site de Jonas Vitaud :

Discographie

  • Dvorak, Vers un monde nouveau, Mirare 2025
  • Rachmaninov – Shostakovitch – Denisov, avec Victor Julien-Laferrière, Alpha Classics, 2019
  • Mozart, Sonates, avec Mi-Sa Yang, Mirare 2019
  • Debussy, Jeunes années, Piano seul et… avec Karine Deshayes, Sébastien Droy, Roustem Saïtkoulov et le Sécession, Orchestra dirigé par Clément Mao-Takacs, Mirare 2018
  • Tchaïkovsky, Les Saisons, Mirare 2016
  • Miroirs. Dutilleux, Liszt, hommage à Henri Dutilleux, NoMad Music 2016

Agenda 2025

  • 9 avril : Récital Grieg, Bartok et Dvorak, Scènes2Guyancourt
  • 10 au 13 avril : jury du Concours de Mayenne
  • 14 au 18 avril: Résidence à la Ferme de Villefavard
  • 17 mai: Récital Ferme de Villefavard
  • 25 au 29 juin : jury du Concours Alain Marinaro
  • 28 juin : Récital dans le cadre du Festival  » Piano à Collioure »
  • 3 juillet : Récital en hommage à Déodat de séverac au Musée de Lavaur
  • 10 juillet: Beethoven, Concerto n°5 Empereur, avec l’Orchestre Consuelo dirigé par Victor Julien-Laferrière
  • 23 juillet : Nice Classic Festival solo et musique de chambre
  • 21 au 27 juillet: Professeur à l’Académie de Nice
  • 8 août : hommage à Déodat de Séveac au Musée de Lavaur avec la mezzo-soprano Marie Kalinine
  • 10 août : duo avec Kristi Gjezi (violon solo du Capitole) aux Musicales des Coteaux de la Gimone
  • 29 et 30 août : Festival Quatuors du Lubéron Ducol, Chausson.

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