Gastronomie
La coquille saint-jacques française
Auteur : Blandine Vié
Article publié le 14 novembre 2018 à 15 h 05 min – Mis à jour le 16 novembre 2018 à 11 h 13 min
La grande famille des peignes
La coquille saint-jacques, de son nom scientifique Pecten maximus est un mollusque bivalve (une coquille bombée faisant réceptacle et l’autre plate pourvue de côtes en éventail, faisant office de couvercle) de la famille des Pectinidés ou Peignes. Elle est encore dénommée vanne ou pèlerine. Elle vit sur des fonds sableux-vaseux et coquilliers entre 10 et 80 m de profondeur. Les coquilles de plongée sont les plus appréciées. De belle taille (11 cm minimum pour avoir le droit d’être pêchée, 10,2 cm dans la baie de Granville et en Manche Ouest où sa croissance est plus lente), elle est reconnaissable à ses stries et à la présence d’auricules ou oreilles de part et d’autre de la charnière. Elle est vendue en coquilles ou en noix. Il faut savoir qu’il faut 9 à 10 kg de coquilles pour obtenir 1 kg de noix. Il est possible de connaître l’âge d’une coquille saint-jacques en comptant les stries de croissance sur sa coquille. La chair de la saint-jacques est pauvre en lipides et riche en vitamines, en protéines et en minéraux (fer notamment).
Ressemblant à une coquille miniature (3,5 à 4 cm), beaucoup plus coloré que la coquille saint-jacques, le pétoncle a quant à lui des oreilles de taille inégale. C’est un coquillage fragile voyageant mal. Il présente aussi un corail, plus orangé vers avril, mai, septembre et octobre. Les amateurs n’enlèvent rien, même pas les barbes. Mais on ne vend souvent que ses noix, à la chair fine quoique moins charnue.
Enfin le vanneau, plus rare, souvent baptisé grand pétoncle à cause de sa taille (4 à 7 cm), ou encore vannet, complète la série.
Le problème, c’est que toutes les espèces de cette famille sont légalement autorisées à bénéficier de l’appellation commerciale « saint-Jacques » alors que c’est évidemment la vraie saint-jacques la plus appréciée. Attention donc car les pecten qui ne sont pas maximus font souvent illusion dans des préparations dites « aux noix de saint-jacques » ou même parfois vendues en vrac (ou surgelées).
Par ailleurs, sa pêche en France étant interdite entre entre le 15 mai et fin septembre, toutes celles qu’on vous propose pendant cette période sont forcément surgelées ou viennent de l’autre bout du monde.
La production française
La France possède trois grandes zones côtières particulièrement favorables au développement de la coquille saint-jacques.
La quasi-totalité de la production nationale — soit environ 20 000 tonnes — provient des gisements de Bretagne (Saint-Brieuc, Morlaix, Brest, Concarneau, Lorient et Quibéron), de l’estuaire de la Rance entre Dinard et Saint-Malo, de quelques zones spécifiques en Atlantique (les courreaux de Groix et de Belle-Île, les Pertuis charentais et vendéens, de la Manche Est (Erquy, Port-en-Bessin), de la baie de Seine en Normandie. Les gisements de Saint-Brieuc et de la Manche Est sont de loin les plus importants. La rapidité de mise sur le marché de la coquille française lui garantit un excellent niveau de fraîcheur et de qualité.
La coquille saint-jacques de Normandie Label Rouge
Localement, on les appelle « godfiches » ou « godefiches » par référence au pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Gustave Flaubert les appelle ainsi dans Madame Bovary.
La coquille saint-jacques de Normandie fraîche et entière bénéficie depuis octobre 2002 du Label Rouge. La noix de saint-jacques bénéficie quant à elle du Label Rouge depuis décembre 2009 : c’est la garantie d’une noix extra fraîche, débarquée après 12 h de pêche et expédiée le jour même de la criée. Elle ne dispose que d’un délai de commercialisation d’une seule journée supplémentaire sous Label Rouge.
La campagne « coquille saint-jacques de Normandie Label rouge » ne débute qu’à la mi-novembre au plus tôt pour garantir un approvisionnement en coquilles bien coraillées. Avant cette période, le corail se reconstitue et son importance n’est pas suffisante pour le Label Rouge.
Corail, pas corail ?
C’est un sujet de querelle entre amateurs de saint-jacques coraillées ou non, les seconds dénigrant souvent les premiers. En réalité, la coquille saint-jacques est hermaphrodite et ce que l’on nomme « corail » est la gonade sexuelle, le gris étant l’organe mâle et l’orangé l’organe femelle. Plus la ponte est proche, plus la partie orangée est importante et vive. Or, chez les individus, la maturité sexuelle n’arrive pas à la même période et l’on peut partout trouver des coquilles à différents stades.
Si pour certains le corail est un critère de qualité, pour d’autres au contraire, le coquillage au moment de la ponte n’est pas au mieux de sa forme et la chair s’en ressent. C’est affaire de goût et non de qualité.
Seules les coquilles Saint-Jacques de Port-en-Bessin, de Grandcamp, de la rade de Brest et de la mer d’Iroise, ainsi que celles de Quibéron sont coraillées toute la saison. Celles d’Oléron sont coraillées en novembre et en décembre. Toutes les autres forment leur corail à partir de janvier, au printemps et en été.
En tout cas, si vous n’appréciez pas les coraux, gardez-les tout de même au congélateur en vue de la préparation de sauces ou de bisques.
La coquille de Méditerranée
Une variété de coquille existe en Méditerranée, un peu différente à l’œil, notamment parce qu’elle ne présente pas de stries entre les côtes de la valve bombée, lesquelles sont rectangulaires.
Un festival de recettes
Du temps de nos grands-mères, les coquilles saint-jacques se servaient presque toujours gratinées au four en coquilles avec une sauce aux échalotes et au vin blanc (ou cidre), crémée, agrémentée de champignons et parsemées d’un voile de chapelure de mie de pain.
À l’époque de la nouvelle cuisine, on les appréciait surtout « à la nage » ou avec une fondue de poireaux (légume qui lui va divinement bien, tout comme les endives) et un trait de Noilly dans la sauce. Mais aujourd’hui, les recettes se sont diversifiées au point qu’on pourrait y consacrer un livre.
Désormais, on les apprécie crues — Gérard Vié fut le premier à les proposer ainsi —, escalopées en » carpaccio ». Elles peuvent alors être nappées d’une vinaigrette d’agrumes, d’huile de noisette ou d’une émulsion au caviar. Elles se servent aussi en tartare, en panaché ou non avec du bar. Ou peut encore les faire mariner, façon ceviche, ou les préparer en terrine.
Poêlées et servies en salade avec une vinaigrette personnalisée — au restaurant « Le Sillon de Bretagne » à Tanis, entre Bretagne et Normandie, Virginie Xerri les choisit de préférence de Granville ou de Port-en-Bessin et les propose poêlées en entrée avec une vinaigrette à la betterave —, elles se suffisent à elles-mêmes.
En version régionale, on les aime en blanquette à la honfleuraise (crème et cidre). Plus original, en daube au vin rouge (avec des moules et un fumet à base de seiche), elles sont régalantes.
En restauration — et c’est l’un des aliments privilégiées de la haute gastronomie —, on les sublime avec des ingrédients hauts de gamme : poêlées au foie gras, au beurre d’oranges ou de châtaignes, elles sont somptueuses ; escortées d’un crémeux de topinambours, de panais ou de chou-fleur à la noisette aussi. En duo avec des ris de veau, elles font sensation. En brochettes, enrobées de bacon ou avec du chorizo, elles sont toujours efficaces et en risotto, elles remportent tous les suffrages.
Quoi qu’il en soit, il faut veiller à leur cuisson car elles doivent être saisies à l’extérieur mais garder leur moelleux et leur couleur nacrée à l’intérieur.
Enfin, si vous les achetez en coquilles, gardez les dentelles et cuisinez-les au vin blanc en « tripoux » avec des oignons et des carottes qui accompagneront de manière très originale les noix simplement raidies et servies avec une écrasée de pommes de terre ou une embeurrée de chou. À tout les moins, réservez-les au congélateur pour quand vous aurez à préparer des fumets de poisson.
Pourquoi la coquille saint-jacques est-elle devenue l’emblème du pèlerinage de saint-jacques de Compostelle ?
Selon une légende du Moyen-Âge — la « Légende Dorée » —, après la mort de Jésus, Jacques de Zébédée dit le Majeur (l’un des douze apôtres) serait parti évangéliser en Espagne où les chrétiens étaient opprimés. Mais désappointé par les persécutions, il serait retourné en Palestine où il fut tué par l’épée. Après sa mort, ses disciples mirent son corps dans une barque et le confièrent à la mer. La barque échoua en Galice, au royaume de la reine Louve qui devint chrétienne et offrit son palais aux disciples pour en faire une église.
Puis, en 830, une étoile aurait indiqué l’emplacement de sa tombe à un berger, sur les ruines du palais. Le lieu fut nommé « campus stella », le champ des étoiles… autrement dit Compostelle. Des miracles s’y produisirent et les pèlerins commencèrent à y affluer au point que le roi Alphonse II décida d’y construire un sanctuaire.
Comme preuve de leur venue sur les lieux, les pèlerins ramassaient des coquilles sur la plage et cela devint vite l’emblème de ce pèlerinage. On les accrochait au bâton de pèlerinage et cela permettait de se faire distinguer des autres voyageurs et aussi de recevoir l’hospitalité car c’était un signe de reconnaissance. Le Pape Alexandre III menaçait d’ailleurs d’excommunication ceux portaient illégalement cette coquille.
Où savourer les meilleures coquilles Saint-Jacques et avec quels vins les accorder
Presque partout en saison, chez les étoilés et les autres.
Pour l’exemple, citons 3 établissements spécialisés en cuisine de la mer :
– La Cagouille
Place Constantin Brancusi, face au 23 rue de l’Ouest, 75014…
Presque partout en saison, chez les étoilés et les autres.
Pour l’exemple, citons 3 établissements spécialisés en cuisine de la mer :
– La Cagouille
Place Constantin Brancusi, face au 23 rue de l’Ouest, 75014 Paris
Tél.: 01 43 22 09 01
Ouvert 7 jours sur 7.
– Le Dôme
108 boulevard du Montparnasse, 75014 Paris
Tél.: 01 43 35 25 81
Ouvert 7 jours sur 7 de 12 à 15 h et de 19 à 23 h.
– Le sillon de Bretagne
14, route Nationale « Brée », 50170 Tanis (entre Bretagne et Normandie)
Tél.: 02 33 60 13 01
De 12 h à 14 h et de 19 h à 21 h
Fermé mardi soir, mercredi toute la journée et dimanche soir.
A déguster avec :
Une gamme de blancs
- Un cairanne Les Travers 2017 du domaine Brusset. Parfait avec des saint-jacques aux agrumes que son son nez floral lilas et sureau, son fruité pomme-coing et amande fraîche noisette et sa bouche anisée à la finale sur le citron et le poivre blanc boosteront en douceur.
Prix : 10,50 € départ cave (70 chemin de la Barque, 84290 Cairanne, Tél; 04 90 30 82 16) ou chez les cavistes.
- Un faugères « Cistus » 2016 du château de la Liquière (60% roussanne, 20% grenache blanc, 10% vermentino et 10% bourboulenc) au nez de fleurs et de fruits blancs et à la bouche ronde, soyeuse et élégante. À marier sans faute avec des saint-jacques, surtout si elles sont déjà pacsées avec des ris de veau ! Un ménage à trois qui fera jaser dans les chaumières !
Prix départ cave : 13,50 € (Château La Liquière, 34480 Cabrerolles – Tél. 04 67 90 29 20
- Un mercurey 1er cru Clos Paradis 2014 100% chardonnay de la côte chalonnaise, équilibré et racé avec une bouche pure, saline, crayeuse et tendue dont les arômes de tilleul, anis et fleurs blanches (aubépine), les notes d’agrumes comme le citron et le pamplemousse et la finale tastée et beurrée escorteront avec bonheur des saint-jacques laquées au jus d’agrumes.
Prix : 20 € – Domaine Voarik, (Domaines famille Picard), 5 rue du Château, 21190 Chassagne-Montrachet, Tél. 03 80 21 98 57
- Un pouilly-fumé château de Tracy 2016 au nez frais et complexe (fruits tropicaux, citron, chèvrefeuille, touche d’estragon, poivre) et une bouche vive et fruitée citron vert/pamplemousse, minérale, qui fera face à un risotto aux saint-jacques.
Prix départ cave : 21 € – Château de Tracy, Tracy-sur-Loire, 58150 Pouilly-sur-Loire – Tél . 03 86 26 15 12
- Un La Clape Château l’Hospitalet, grand vin 2017 de Gérard Bertrand avec des arômes d’agrumes, de fruits à chair blanche (poire et coing), des senteurs de garrigue et d’anis et une bouche d’une grande finesse et d’une belle mineralité avec des notes iodées, des touches de poivre blanc et des notes de miel d’acacia en finale.
Prix : 25 € chez les cavistes.
À moins qu’on ne lui préfère une IGP Aude Hauterive « Cigalus » 2017 du même Gérard ; au nez intense et complexe d’agrumes mûrs, de pêche blanche, de miel et une bouche pleine et soyeuse, mûre, ample avec des notes de vanille, de grillé, de beurre.
Prix : 29 € chez les cavistes.
Les deux s’harmoniseront parfaitement avec toutes sortes de poêlées de saint-jacques.
Domaine Gérard Bertrand, Château L’Hospitalet, 11100 Narbonne – Tél. 04 68 45 36 00
- Un hermitage « Grand classique » 2016 de la cave de Tain aux arômes intenses de fruits secs, aux notes grillées et épicées qui sublimeront une terrine de saint-jacques.
Prix : 32,50 € départ cave
Un champagne
- Un champagne brut blanc de noirs à base de crus de pinot noir provenant de la côte des Bar Devaux : avec un risotto safrané aux coquilles, sans hésiter ! Prix : 24,90 € chez Monoprix.
- Un champagne blanc de noirs « collection privée meunier vieilles vignes n¨1359″ » Champagne Collet qui enrobera avec délicatesse le fondant d’un tartare de saint-jacques et de mangue. Prix : 38 €.
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