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La fabrication du cristal, une simple question de composition ?

Auteur : Michael Descoust, ambassadeur du cristal, Vessière Cristaux
Article publié le 29 mars 2021

[Découvrir l’art des verriers I] Verre ou cristal ? C’est l’éternelle question qui revient dès que la curiosité est piquée. Est-ce une simple question de composition ? Le travail est-il différent ? Qu’est-ce qui justifie le prix ? Michael Descoust, expert passionné de son métier chez Vessière Cristaux, maison fondée en 1882, répond à ses questions et vous plonge dans le vertigineux art du verre.

Quand on parle de cristal, une région y est associée, la Lorraine …

Domaine Kirrenbourg Kirchtal+Nieder Grand Cru Schlossberg @ DR

Si vous désirez vous rendre en Lorraine lors de vos prochaines vacances, vous devez savoir que cette région en plus de merveilleux vignobles, regorge de verreries … Le travail du verre y est une véritable tradition, porté par des cristalleries de prestige comme Baccarat, Daum, Lalique ou encore Saint-Louis. La maison Vessière Cristaux basée à Baccarat en est depuis 1882 l’ambassadrice.

L’art verrier s’est développé dans cette région en raison de la nature de ses sols : riche en silice, potasse (fougères), mais surtout en bois. Au XVe siècle, le four des verriers était alimenté en bois, ce qui demandait d’énorme ressources, ces derniers étant alimentés en continu pendant plusieurs mois, jusqu’à l’épuisement des forêts. Le bois étant difficilement transportable, les verreries s’implantaient proche de ces ressources, indispensables à leur bon fonctionnement.

Plus tard, le bois sera acheminé par flottage, un moyen ingénieux et économique. On finira par utiliser la houille pour alimenter les fours, puis le gaz.

Le cristal doit contenir du plomb

Découvert pour la première fois en 1676 par les Anglais, la formule secrète du cristal ne sera découverte qu’un siècle plus tard en France, par le directeur d’une prestigieuse verrerie : Saint-Louis.
Le secret, c’est le plomb, permettant d’avoir un éclat bien supérieur, mais aussi offrant à la matière finie une plus grande souplesse pour sa taille.
En règle générale, le cristal est composé de 50% de vitrifiant (sable), de 20% de potasse (fondant), et d’au moins 24% de plomb.

On y ajoute ensuite quelques éléments chimiques qui aident à la fusion

Four du verrier travail au pontil Photo Michaël Descoust

La réglementation est très stricte en Europe, si la composition possède entre 10 et 24% de plomb, il s’agit de cristallin. Si elle possède plus de 24%, il s’agit de cristal.
Concernant le cristal d’exception, ce pourcentage avoisine les 32%.
Le fondant, nécessaire pour abaisser le point de fusion
Il faut savoir que la silice, qui n’est autre que du sable, a un point de fusion extrêmement élevé : 1670°C. Même avec la technologie moderne, ce point de fusion est relativement difficile à atteindre. Au Moyen Âge, c’était quasiment impossible avec une alimentation en bois … Ainsi, les verriers ont découvert que l’utilisation de la potasse, la cendre de fougère, permettait d’abaisser ce point de fusion à 1400°C.
Aujourd’hui, les cristalleries n’utilisent plus de fougères, remplacées par de la soude, de l’oxyde de potassium, ou encore de l’oxyde de magnésium ou de calcin.

Comment colorer le cristal ?

La palette de couleur à disposition des verriers est infinie. Pour obtenir une coloration, le verrier ajoute des oxydes métalliques au mélange.
Ainsi, l’oxyde de cobalt donne du bleu, l’or donne du rouge, ou encore l’arsenic donne un blanc opaque.

Première étape, le travail du verre à chaud

Une fois la composition réalisée, le verrier peut travailler. La composition de cristal clair se trouve dans un four à Bassin, alors que celle colorée se trouve dans un four à pot, en terre réfractaire. Dans un premier temps, le verrier cueille la matière en fusion à l’aide de son « pontil ». Il lui donne une forme ronde en la centrant parfaitement à l’aide de sa mailloche. Puis, il introduit de l’air dans la masse vitreuse en soufflant dans sa canne creuse. Suivant la pièce qu’il veut réaliser, il pourra utiliser un moule, ou bien travailler la pièce à la main. Une fois le travail réalisé, la pièce doit pourvoir redescendre en température, mais de manière progressive.Elle est alors placée dans ce que l’on appelle un four de recuisson. Il y restera pendant au moins 24 heures, suivant son volume. Certaines pièces peuvent y rester plusieurs jours.

Deuxième étape, le travail à froid

Une fois refroidit, la pièce passe par l’atelier à froid. Cet atelier regroupe un grand nombre de techniques : taille, dorure, polissage, sablage, émaillage … L’un des plus utilisées est la taille sur cristal, qui permet, grâce à une meule diamantée, de créer un décor sur la pièce en cristal, mais aussi de gommer les défauts de l’atelier à chaud. Une fois la pièce taillée, elle présente alors un effet mat et sablé. La prochaine étape consiste à lui redonner tout son éclat, c’est le polissage.

Qu’est-ce qui fait le prix d’un cristal ?

Beaucoup de personnes pensent qu’un cristal lourd, c’est un cristal cher … C’est totalement faux. C’est avant tout une question de savoir-faire, avant d’être une question de composition. Que ce soit du verre ou du cristal, vous pouvez obtenir une qualité relativement proche, qui dépend du niveau d’exigence du verrier.

Une pièce qui sera signée de la main de l’artiste ou par la manufacture aura toujours plus de valeur qu’une pièce non signée.

Certaines verreries acceptent les bulles d’air dans la masse, alors que d’autres, comme Baccarat, Lalique, Saint-Louis, n’accepteront jamais ce type de pièce, qui sera cassée pour être refondu.

Emile Gallé (1846-1904), vase Photo Michaël Descoust

Le prix, c’est aussi le talent du verrier. Chez les manufactures de renom, de nombreux Meilleurs Ouvriers de France apposent leur patte sur les pièces. Le prix est aussi déterminé en fonction de l’empreinte de l’histoire de la manufacture. La France s’est imposée comme la grande nation du cristal, portée par de grandes Maisons qui exportent à l’international.
Enfin, il y a la verrerie d’art et de collection, où les grands noms français comme Émile Gallé, Antonin Daum, Maurice Marinot, font s’envoler les prix en salle des ventes.
Mais ceci est une autre histoire de la magie du verre….

 

#michaelvessiere

 

Pour aller sur plus loin sur l’art des verriers

Le guide des verriers de Vessière Cristaux
1 rue de la Division Leclerc, 54120 Baccarat – contact@vessiere-cristaux.fr

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